« Cher Journal,
Papa est sombre depuis que Maman travaille.
Il a recommencé à fumer et à boire. Je n'aime pas ça.
Tu sais ne le dis à personne mais, il devient méchant.
D'autant plus que lorsqu'il a trop bu, et bien j'en souffre un peu...
J'aimerais que papa aille mieux...mais je ne sais plus si ma vie est normale. »
Nicole
***
« Le vrai bonheur coûte peu, s'il est cher, il n'est pas d'une bonne espèce » Chateaubriand
À seize ans, Nicole Onanga était ce que les professeurs appelaient une élève assidue. Elle était ponctuelle et présente à tous les cours, et comme on pouvait s'y attendre, ils lui attribuaient légitimement les meilleures notes. Cependant, assidue ne voulait pas dire attentive, une personne soucieuse se rendrait compte qu'en dessous de son cahier de cours se cachait toujours, un livre. C'était là son défaut : elle lisait, et adorait lire. Et si par chance, il n'y avait pas de livre à ses côtés alors elle écrivait. Elle avait une imagination débordante dans laquelle, elle se perdait trop souvent.
Ce matin-là, après avoir terminé son interrogation d'allemand. L'esprit de Nicole avait quitté son corps. Appuyée contre la table, la main soutenant son visage, elle n'avait pas fait attention au professeur qui s'était déplacé. Elle le regarda d'abord sans comprendre avant d'apercevoir les feuilles de devoirs qu'il tenait dans une main.
« Désolée, minauda-t-elle au professeur un peu confus.
Elle ajouta quelque chose d'inaudible alors que les dix autres élèves qui composaient la classe éclatèrent de rire. Ils se moquaient d'elle comme toujours telle un fou dans la cour d'un palais. Elle se sentit honteuse. Le Professeur Marcus était un homme sympathique. Il avait déjà dépassé les quarante-cinq ans et avait un début de calvitie au sommet du crâne.
-Pour vendredi, vous devez faire un exposé oral...dit le professeur en allemand.
Un jeune homme filiforme au nez pointu se tourna vers la brune. C'était Luc. Son binôme pour tous les devoirs de maison, un garçon timide et très intelligent.
-Qu'est-ce qu'il a dit ? demanda-t-il, la lycéenne s'attarda sur sa tignasse rousse avant d'entrouvrir les lèvres.
-On a... commença-t-elle.
Le professeur d'allemand s'adressait à elle. Elle écoutait donc calmement tout en tenant la main de Luc pour lui indiquer qu'elle ne l'avait pas oublié.
-Oui, s'il y a un concours j'aimerai y participer. Dit-elle.
La jeune fille était flattée, de savoir que son professeur estimait son niveau assez bon pour un concours.
-Alors ce sera Nicole et Marius », décréta le professeur.
Les deux élèves échangèrent un sourire. Le garçon filiforme lui dardait toujours ses yeux marron. Elle lui adressa un regard aimable, avant de lui servir l'explication qu'il attendait. Elle en profita pour rajuster, la cravate du jeune homme. «Qu'il est beau dans son uniforme» pense-t-elle. Nicole était ce genre de fille qui admettait qu'un garçon puisse lui plaire. Elle ne faisait pas pour autant le premier pas. Peut-être était-ce la raison pour laquelle elle n'avait pas petit copain ? Quoi qu'à bien y réfléchir son père en fût la cause majeure. Son regard s'éteignit : songer à son père lui arrachait toujours un soupir. Elle n'en parlait que rarement et cela avec amertume.
« Ah oui Luc... on fait un binôme et on présente un exposé sur un sujet des audio que l'on a écouté aujourd'hui. »
La sonnerie retentit. Une fille de la classe d'allemand s'approcha d'elle. Elle était Marocaine, jolie et populaire ce n'était pas le genre de personne que fréquentait Nicole. Celle-ci venait de finir de ranger ses affaires et pressait le pas. Le semblant de chignon qu'elle avait fait le matin même ; se défit et ses cheveux noirs tombèrent sur ses épaules. Elle ne pouvait pas y remédier de peur d'être en retard à son cours de maths, avec M. Fabiyi alias FBI. Elle ignora la Marocaine et réussit à rattraper Luc qui entrait dans la pièce. Ils s'assirent à leurs places respectives côte à côte.
Le professeur commençait à expliquer les probabilités, Luc et Nicole connaissant déjà ce chapitre. Les jeunes gens faisaient partie de ses meilleures élèves. Il interrogea quelqu'un devant eux. Puis le voisin. Fut le tour de Luc, il répondit correctement. Ensuite, celui de Nicole, elle ne se trompa pas. Le professeur leur lança un regard mauvais, tandis que la jeune fille s'allongea sur la table. Elle écoutait d'une oreille se forçant à ne pas s'endormir. Luc à ses côtés lui glissa un mot.
« On peut se mettre en binôme pour l'exposé d'allemand » lut-elle. Un mot de Samira. Ce genre de personne lui faisait pitié. Celles qui ne s'intéressaient aux autres que lorsqu'elles avaient besoin d'un service. La lycéenne montra le mot à Luc qui lui adressa un sourire bienveillant.
«Vu ses notes ! Accepte, je vais me débrouiller
Elle expira. Elle aurait préféré que Luc n'abdique pas la tradition de leur binôme légendaire : maths, anglais, français, etc.
«Okay » écrivit-elle en signe de réponse. Reddition faites, elle s'adossait contre le mur après s'être redressée. Elle avait rencontré Luc dans cette même pièce au volet en bois, et dont les murs étaient peints d'une teinte beige. Cela remontait à l'année dernière. Le garçon n'avait rien à voir avec ces purs mâles dominants qui sont impulsés par la testostérone. Au premier abord, à cause de sa maigreur il paraissait chétif. A croire qu'un fort courant d'air aurait pu le soulever de terre. Bon c'était elle qui l'avait cru, le voyant dans les bras de cette fille. Une douleur lui serra le cœur, elle avait cru avoir une amie mais ... à nouveau elle observait Luc sans pouvoir se défaire. Malgré sa maigreur, il avait un certain charme : timide et peu ouvert au dialogue, elle avait usé de multiples taquineries pour savoir s'il pouvait être à bout. Mais le brun aux multiples taches de rousseur et au nez large était d'un calme perturbant. Elle soupira, les frères de Luc aussi étaient beaux... elle termina d'écrire une réponse approximativement correcte. Une réponse qui ne laissait pas entrevoir son dégoût et sa pitié. Elle vit Luc lui sourire. S'il n'était pas aussi calme, elle aurait pu mette sa main à couper qu'il serait ensemble.
Elle renvoya la missive avant de replonger dans un demi-sommeil. Elle avait peu d'amis. A une époque, elle avait cru en avoir : peu à peu, elle avait appris à identifier les vrais des faux. On la critiquait pour un rien, ses cheveux bouclés, qu'elle avait finis par défriser d'ailleurs. Son look dégingandé, qui avait empiré au fil des années :allant jusqu'à sa manière de s'exprimer et d'agir. Tous la trouvaient trop coincée ou garçon manqué. Sa seule amie était Colette. Elles faisaient une série différente. Et elle c'était une tout autre histoire, elle se moquait ouvertement, sans se cacher, c'était ce qui avait plu à Nicole : ce fameux jour où Collette lui avait demandé s'il était normal de porter des jambière avait une mini-jupe. Colette aimait les langues, Nicole aimait les chiffres.
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Les Oiseaux ne chantent plus [En Correction] #WGT2017
Short StoryOn dit que les amoureux des livres ont une imagination débordante...Nicole en a une légèrement encombrante. Edelia-Rebeis: " le scénario me paraissait un peu "déjà vu"...Mais cette fin! J'ai bien fait de continuer jusqu'au bout, c'était magnifique...