Seul dans une boîte - One shot

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    Le noir et l'obscurité semblaient absolus, aucune lueur ne perçait ces ténèbres profondes et effrayantes. Laughing Jack se tenait dans un coin de cet espace clos et restreint. Ses genoux étaient remontés jusqu'à son menton et entourés de ses longs bras fins. Son éternel sourire et sa joie de vivre avaient disparu. Ses yeux vides étaient pourtant éclairés d'une faible lueur d'espoir qui semblait se ternir peu à peu au fil des heures.

    ̶  Il a promis, Isaac a promis qu'il reviendrait. » Le clown murmurait ces mots en boucle, comme pour se convaincre lui-même.

    Malgré la promesse de son ami, il sentait le désespoir l'envahir inexorablement, tout comme ce sentiment d'abandon qui grandissait dans sa poitrine. Il papillonna des yeux, empêchant ses larmes de couler. Jack était une entité cosmique créée pour remonter le moral d'un enfant. Il ne pouvait pas pleurer, il ne DEVAIT pas pleurer. 

    Son incompréhension grandissait de jour en jour. Pourquoi Isaac ne revenait il pas ? Avait il fait quelque chose de mal ? Avait il été un mauvais ami ? Il ne lui semblait pas. Il avait tout fait pour rendre le petit garçon heureux alors pourquoi celui-ci l'abandonnait il ? Serait il possible qu'il l'ait oublié ?

     ̶   Non. » Il nia cette éventualité de toute son âme, refusant cette possibilité. Il baissa la tête, ses cheveux roux devenus ternes masquant ses yeux vides. « Isaac est mon meilleur ami pour la vie. Il ne m'a pas oublié.

    Le clown se recroquevilla un peu plus dans le coin de sa boîte où il se terrait. Il renifla légèrement, retenant ses larmes alors qu'il priait de toutes ses forces pour que son ami revienne. La solitude lui pesait alors qu'il se demandait depuis combien de temps il se trouvait là. Des heures ? Des jours ? Des semaines ? Des mois ? Des années peut-être ?

    Jack monta ses mains devant son visage et commença à trembler en se rendant compte que ses couleurs éclatantes se ternissaient. Lui qui avait toujours été joyeux et coloré devenait gris et terne, son physique se modifiant pour représenter au mieux son état d'esprit. Il baissa la tête et sursauta lorsqu'une mèche noire ébène glissa devant ses yeux. Il prit ses cheveux entre deux de ses longs doigts fins. Sa chevelure qui était autrefois douce et soyeuse était maintenant rêche et fade. Il serra les paupières douloureusement, essayant de se persuader que ce n'était qu'un cauchemar. Malheureusement, ce ne pouvait être un quelconque mauvais rêve, les entités cosmiques ne dormant pas.

    Il sentit les larmes rouler sur ses joues sans chercher à les retenir. Ses épaules tressautèrent alors qu'il sanglotait en silence. Il lui semblait que son cœur tombait en lambeaux alors qu'il se repliait un peu plus sur lui-même. Son cœur savait qu'Isaac l'avait oublié mais sa raison refusait de l'admettre, se raccrochant à son unique espoir afin de ne pas souffrir de cette effroyable vérité. Dans ces circonstances, le clown ne parvenait plus à raisonner logiquement, ne pensant plus qu'à cette douleur lancinante qui lui lacérait le cœur.

    Certains, ceux qui connaissaient l'existence des entités cosmiques, enviaient leur immortalité. Ces personnes ne se rendaient pas compte de la malédiction que c'était.  Voir ceux auxquels on tient mourir, nous oublier ou même nous abandonner. Ils ne pensaient qu'au fait de ne pas mourir, ne pas redouter l'au-delà. Jack pensa qu'il échangerait volontiers sa place avec eux si ça lui permettait de ne plus ressentir ce supplice.

    Lui qui avait tout fait pour rendre son meilleur ami heureux et ce, malgré ses conditions de vie déplorables. Méritait il cette solitude qui lui broyait le cœur ? Cette torture mentale ne prendrait elle jamais fin ? Lui qui avait toujours été avec Isaac, ne connaissant pas l'isolement, expérimentait ce dernier de la pire des façons.

    Un sanglot déchirant s'échappa de sa gorge. Il hoqueta un moment avant que ses larmes ne se tarissent enfin. Ce qui rendait cet abandon pire que tout était le fait qu'il voit l'extérieur et ce, malgré l'obscurité ambiante. Il voyait, au fil du temps, ce sordide grenier réaménagé en chambre d'enfant, se détériorer et se recouvrir de poussière. 

    Plus personne n'était entré dans la pièce depuis le départ d'Isaac. D'après l'absence de bruit, les parents de son meilleur ami, ceux qui les avaient séparés, étaient décédés depuis quelques temps. Il s'était, pendant longtemps, raccroché aux sons montrant qu'il n'était pas réellement seul, mais depuis la mort des autres occupants de la maison, il était bien plus conscient de son isolement. Il en venait presque à regretter les cris et divers autres bruits de dispute animant la maison froide et vide. Il avait même pris l'habitude de penser tout haut afin de briser le silence morbide dans lequel la résidence était plongée.

    Des pas résonnèrent soudain dans l'absence de sons de la demeure. Le clown releva la tête avec espoir. Isaac était-il revenu le chercher ? S'était-il rappelé de lui ? L'entité eut soudain honte de lui : il avait douté de son meilleur ami alors que celui-ci avait promis de revenir. La porte s'ouvrit en grinçant, les charnières s'étant abîmées au fil des années et son meilleur ami entra. Jack fut surpris. Combien de temps était-il passé depuis son enfermement ? 

    Le petit garçon naïf qui l'avait laissé était devenu un jeune homme de grande taille. Ses cheveux étaient toujours aussi blonds mais son regard bleu était plus mature et avait perdu cette innocence caractéristique des enfants. 

     ̶   Isaac ! Tu es revenu ! Libère moi ! Appela le clown avec espoir.

    L'homme ne l'entendit pas, à moins qu'il ne l'ait ignoré, ce qui paraissait peu probable, et contempla la pièce. Ses yeux se posèrent sur l'étagère pleine de bibelots où se trouvait la vieille boîte en bois aux couleurs délavées du clown, mais il détourna le regard sans y porter la moindre attention. 

     ̶   Isaac ! Je suis là ! Regarde moi ! Je t'en prie ... » La voix de Jack se brisa alors que son meilleur ami refermait la porte derrière lui, plongeant à nouveau la chambre dans l'obscurité. 

    Le clown, à présent entièrement monochrome, se laissa tomber à genoux, ne remarquant qu'à ce moment là qu'il s'était mis debout. Son corps fut secoué de longs et douloureux sanglots. Son cœur se serra devant cette trahison. Des larmes s'échappèrent de ses yeux gris pâles, roulant le long de ses joues avant de tomber au sol. 

    La traîtrise de son meilleur ami se grava dans son âme au fer rouge, faisant saigner son cœur. Dans son esprit tournaient en boucle des réminiscences des jours heureux qu'il avait passé avec Isaac lorsque celui-ci était encore un enfant naïf et innocent. Le parallèle que ces souvenirs heureux créaient avec sa situation actuelle noircissait son cœur plus encore qu'il ne l'était déjà. 

    Il ferma les yeux, tentant d'arrêter l'écoulement de ses larmes. Il enfouit son visage dans ses mains, se lamentant sur son misérable sort. Des sanglots déchirant s'échappaient de la gorge du clown alors qu'il abandonnait tout espoir de sortir un jour.

Seul dans une boîteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant