Tous les matins, c'est la même histoire.
Je me lève, après une nuit sans sommeil. Cela va bientôt faire six mois, je pense. Six mois que je passe mes nuits allongée dans le noir, attendant que mon corps se calme, que mes paupières se ferment pour plonger mon esprit dans le flot incessant des rêves. Malheureusement, à chaque fois que je m'endors, je me réveille presque aussitôt en sueur, comme après un mauvais cauchemar. Mais impossible de me souvenir.
Au départ, j'ai bien essayé d'occuper mes nuits. J'ai maintenant tellement lu les romans qui traînent dans ma chambre qu'ils ont perdu leur intérêt.
Alors j'attends jusqu'au matin, quand j'entends mon père se lever pour aller au travail. Il part tôt, il travaille loin, il revient tard. J'aurais aimé qu'il reste un peu plus avec nous. Malheureusement, son travail accable pas mal de son temps. Et puis, pourquoi resterait-il un peu plus longtemps le matin ? Il agit comme si nous existions pas, avec ma mère.
Je m'habille, toujours de la même manière : un vieux sweat noir trop long, avec un jean. Je n'ai que ça dans mon armoire. Il y a un peu près un an, j'ai traversé une période gothique, et j'ai jeté tous mes autres vêtements. Depuis, je n'ai pas pu en acheter d'autres, alors je porte toujours et encore la même tenue.
Je prépare mon sac, selon la routine du jour désignée par l'emploi du temps. Je suis en 3ème, année que les professeurs racontent difficile. Pourtant, j'arrive à suivre sans difficultées, et les devoirs me semblent faciles. Je sais que ça ne sert à rien.
Je reste cloitrée dans ma chambre jusqu'à l'heure du départ. Je n'ai que rarement faim le matin, et aucune envie de voir ma mère se traîner en pleurs dans la cuisine. Comme petit déjeuner, elle va prendre, comme tous les matins, une bouteille de bière, encore. Elle se détruit à petits feux, mais n'en a pas conscience. Mon père n'est pas là pour lui dire, ou plutôt, s'en fiche pas mal. Moi, elle ne m'écoute pas.
Comme tous les matins, je me mets en route pour le collège, la tête lourde et aucune envie d'y aller. On ne me remarque tellement pas que je ne pourrais pas y aller, ça serait exactement pareil. Je dois pourtant m'y rendre, me cultiver, pour être plus intelligente. Je connais par coeur ce qui va se passer au collège, tout comme chez moi : personne ne m'adressera la parole, les profs ne vérifions pas mon travail, préférant s'acharner sur ceux qui ne les auront pas fait ; toujours les mêmes, évidemment. Puis ils les puniront, se plaindront, alors que cela ne servira à rien, puisque que demain ça sera la même histoire. Certaines personnes ont la tête dure. Je me détaillerais mentalement les autres élèves, ceux qui ne font pas d'histoires. Parmis eux, il y a les bavards, les populaires, les rigolos, et celle dont on entend le moins parler, la partie silencieuse. Je trouve ces personnes les plus intéressantes : si elles se taisent, c'est pour être tranquilles, pour ne pas qu'on les remarque. Elles préfèrent le silence j'imagine. Malgré tout, je pense que derrière leur façade de glace se trouve une personnalité des plus intéressantes. Peut-être sont-elles des cracks en informatique, peut-être sont-elles fans de Dickens, peut-être sont-elles les futurs politiques de demain ? On n'en sait rien, c'est bien pour ça qu'on les nomme "silencieux", ils taisent ce qu'ils sont. Je faisais partie de cette partie, avant. Je ne posais pas de questions, on ne me parlait pas, ou presque pas. C'était cool, je n'ai jamais vraiment aimé être entourée de monde. Pourtant, je crois bien que j'ai fait une faute. J'aurais dû chercher à être plus présente, me faire plus remarquer. On n'en serait peut-être pas là aujourd'hui.
Ma mère devait faire partie des "silencieux", elle aussi. Jamais elle ne s'est fait remarquée, ni au bureau ni à la maison. Mais moi je sais ce qu'elle fait. Tous les jours, elle rentre en douce dans ma chambre, touche à mes affaires, s'assoit sur mon lit et pleure. Avec sa bouteille de bière. Comment je le sais ? Je retrouve régulièrement mes affaires à différents endroits, mais certainement pas là où elles étaient avant que je parte au collège. Ma couette sent comme dans le salon, un relent de vieille bière.
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Invisible
Short StoryJe suis seule, invisible. Personne ne me remarque... Pourtant, je suis là et je vous observe. Invisible est une nouvelle que j'ai écris pour le cours de français. Je l'ai fait lire à des potes ils m'ont dit qu'il faudrait que je la fasse publier x...