Chapitre 1

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Le bruit des vagues frappant la coque du navire agaçait Adrastée. C'était un perpétuel bruissement le long du bois, qui au fil des heures lui donnait la sensation de frotter contre son crâne. Ajouté à cela le tangage incessant, qui faisait glisser les bougies le long des meubles, et la jeune femme était de plus en plus irritée et nerveuse.

Il faut dire qu'elle n'avait pas mis les pieds sur ce navire de bonne grâce, et à juste titre. Elle quittait sa France natale, son pays adoré, la cour doré où elle avait évolué avec tout l'ostentatoire et la facilité de son rang, pour rejoindre son futur époux. Mais elle ne le rejoignait pas n'importe où.

« Ceci ne porte pas à discussion. Tu l'épouseras. J'ai dit!»

Voilà les seuls mots qu'avait daigné lui accorder son père, Comte de Neumours, l'un des plus riches et influents nobles de l'aristocratie française, avant de la jeter sur ce navire infâme. Depuis des jours, elle s'énervait contre tout ce qui l'entourait, passant sa frustration et sa colère sur les objets et les matelots sans distinction aucune. Le souci n'était pas qu'elle allait épouser un parfait inconnu, même si cela la peinait grandement. Le souci était le lieu de résidence de cet homme.

Qu'il faille la marier à l'étranger était un fait avéré, que son père avait intégré quelques mois plus tôt. Il fallait l'éloigner de la cour de France. Investi de cette mission de la plus haute importance, il s'était déchaîné pour lui trouver un parti digne d'elle, sa merveilleuse et unique fille.

S'imaginer loin de ses frères et de son père lui avait d'abord été douloureux, mais Adrastée s'était fait une raison. C'était pour son bien. Et de toute façon, elle n'avait nullement le choix. La France était sa patrie de naissance, mais ne serait jamais sa patrie de décès.

Quand son père était venu lui annoncer qu'il l'avait fiancée, elle avait déjà presque terminé ses valises. Le temps pressait, elle ne pouvait se permettre aucune pleurnicherie. Elle s'était tenue bien droite devant lui tandis qu'il lui annonçait l'un des plus grands évènements de sa vie. Cependant, la révélation n'avait pas été à la hauteur de ses attentes.

À ses yeux, l'Italie ou l'Espagne auraient été des choix de premier ordre. Ensoleillées et joyeuses, ces deux patries lui donnaient une sensation de bonheur mièvre, la certitude d'être heureuse parmi ce faste chantant.

À défaut de ces nations, le Duché de Savoie aurait pu être des plus acceptables, surtout qu'il ne l'éloignait pas beaucoup de chez elle, même s'il avait le défaut certain de ne pas être à la hauteur de ses exigences.

Elle aurait également pu concéder à vivre au Saint-Empire, en Autriche Bohème ou au Royaume de Hongrie, mais seulement en cas de dernier recours, quand tous les prétendants des nations précédemment cités auraient décliné l'offre.

Dans un moment de désespoir, elle aurait même pu tolérer l'Angleterre, ce qui aurait été un terrible affront à ses croyances, puisque la nouvelle Reine, Élisabeth Ier, était une fervente protestante.

Mais l'Écosse ? L'Écosse.

Par quel coup du sort affreux et détestable se retrouvait-elle en route pour ce pays du nord, arriéré et pauvre ? Pour ces terres planes, où il pleuvait sans cesse, où le bétail était partout et où les femmes étaient aussi robustes que les hommes. Pour ce pays de sanguinaire, qui tuait pour un oui ou pour un non, et qui ne faisait jamais la fête. Par tous les saints, où allait-elle danser ? Où allait-elle porter ses plus belles tenues ? Où allait-elle tenir des conversations médisantes sur les autres femmes nobles ? Tous ces fastes, toutes ces frivolités malicieuses s'envolaient au fur et à mesure que le navire fendait les vagues.

Pour l'Amour d'un Highlander ✔️Où les histoires vivent. Découvrez maintenant