Chapitre 1

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Août 1944

On frappa à ma porte. Somnolant, je posais ma main à taton sur ma table de chevet, cherchant mes lunettes. Les coups devinrent plus insistants.

" J'arrive ! " Criais-je.
Saisissant mes binocles, je les portais à mon nez. Ma vision devint nette.
La première chose que je vis et que je voyais chaque matin, lorsque je me réveillais dans cette sombre cabine, était la photographie de Lucette, ma belle et tendre femme, qui était face à ma couchette. Ses boucles blondes tombaient sur ses épaules recouvertes d'un chemisier rouge qui lui allait à merveille. Elle souriait, exhibant ses belles dents blanches parfaitement droites. Elle avait dans ses bras deux bébés : nos jumeaux Steve et Barthélemy. Ils étaient tous les trois ma raison de vivre. De me lever chaque matin. De travailler chaques jours.

Les coups de poings à la porte me tirèrent de mes pensées. Je maudissais celui qui m'empêchait de songer et me levais.
Ma cabine était petite, très étroite. J'avais un hublot donnant sur la mer. L'eau était sombre, reflétant le parfait croissant de lune. Il faisait encore nuit. Je regardai mon réveil. L'aiguille affichait 5 heures 46.
J'ouvris la porte.

Dans l'entrée, le colonel Fils était planté. L'homme avait toujours ses médailles attachés à son veston. Son uniforme était nickel, propre, étonnamment bien repassé sachant qu'il gardait le même tout les jours. Les théories de l'équipage portaient sur le fait qu'il le repassait lui même la nuit.
Il n'était pas très grand, mais savait se faire respecter à travers le régiment. On le surnommait dans les troupes " Fils à retordre " car, son petit plaisir était de rajouter des pièges et des obstacles dangereux lors des entraînements.
- Greysley! Cria-t-il lorsque je fus face à lui. Ça fait cinq fois que je vous appelle. Vous n'avez pas entendu !?
Je m'activai à faire un salut le plus propre possible, malgré le fait que j'étais en pyjama.
- Mon Colonel! Désolé! Si je puis me permettre, que me vaut ce réveil plus tôt que d'habitude?
- Une torpille allemande à été détectée dans le périmètre du navire. Le bateau qui l'a lancé ne doit pas être très loin. Activez vous, bon sang, Greysley!
Puis, l'homme quitta ma cabine. Je me dépêchai de m'habiller, enfilant mon uniforme le plus rapidement possible.

***

Mes parents m'avaient appelé Morbide.
Quelle ironie quand on sait que ma mère est morte en couche, et que mon père s'est suicidé lorsque j'avais 10 ans. J'ai vécu toute mon adolescence dans le Nevada, chez mes grands-parents maternels. Mon grand père, de son nom Simon Black, était un peintre très réputé dans les années 1920. Son atelier m'avait toujours fasciné. L'odeur de la peinture, le bruit du pinceau grinçant sur la toile...
A l'âge de 19 ans, la seconde guerre se déclarait. Je dus partir, laissant ma femme. Je revint 2 ans plus tard, et nous eûmes des jumeaux. Puis, il y eut ce poste.
90 jours en mer a traquer une troupe d'élite ennemie qui serait en train de s'approcher du continent. Je fus obligé de partir.

***

- Morbide Greysley! Tiens donc.
- Dylan Mishtvakov! Ça fait un bail!
- En effet! Depuis le camp en 42, au Nord de la Russie!
- Oui, avec les ours polaires !
Nous pûmes nous empêcher de rire.

L'hélicoptère s'était posé non sans trop de difficultés sur le pont du bateau ; en effet, les palles avaient failli décapiter deux soldats.
J'attendais le colonel Mitshtvakov depuis un petit moment. Je n'avais pas trop d'amis sur ce bateau, et quand on m'avait annoncé la venu d'un ancien soldat avec qui j'avais été très proche, je fus très heureux.

Il était 15h46. Mitshtvakov avait passé plus d'une heure à discuter avec Fils. J'avais passé l'après-midi au stand de tir, et je prenais l'air sur le pont, pour fumer. Je fixais le ciel, nuageux, sombre. Le soleil était caché par les nuages. Le bateau tanguait au rythme des vagues et une brise marine venait me chatouiller le nez.

Je m'appretai à retourner à l'exercice lorsque quelque chose au loin vint attirer mon attention. Une forme, que je ne pouvais distinguer se dessinait au loin, dans l'eau. Il ne pouvait pas s'agir d'une terre, nous étions au coeur de l'océan Atlantique. Je me deplacait vers la porte menant au bâtiment principal. Là, des jumelles accrochées étaient à dispositions. J'en saisis une paire et me précipitai vers le pont. Les posant sur mon nez je regardais la forme particulière. C'était un navire!
Je me ruai vers le bâtiment. Courrant dans les couloirs, je bousculais les gens qui étaient sur mon chemin.

J'arrivai enfin dans le centre de contrôle : une assez grande pièce remplie d'ordinateurs. Je rejoignis Phillips Tardfilmac, le responsable des radars du navire, une des seules personnes avec qui je m'entendais.

- J'ai vu un galion au loin. Dis-je, à bout de souffle.
L'homme me dévisagea.
- Tu es sur que ça va, Morbide?
Je hochais la tête, toujours essoufflé.
Phillips regarda son écran en tapant des formules incompréhensibles sur son clavier.
Il marmonnait des choses étranges. Puis, sur l'écran apparu une tache noir. Même n'étant pas un spécialiste de radar, je savais très bien ce que cela signifiait.
- Alerte ! Cria l'homme en saisissant le micro. Bateau non répertoriés dans le périmètre! Source 6!
À peine eut il prononcé ces mots qu'une alarme retentit dans tout le bateau, provoquant la panique dans la salle. Malgré tout, les soldats sur leurs machines gardaient leur sang froid.
Je me précipitait sur le pont. Des canons avaient été sortit. Les soldats parcouraient le navire en parlant fort.
On me saisit l'épaule. Je me retournait brusquement. Dylan Mitshtvakov avait un fusil dans la main qu'il me lança. Je le réceptionnais avec difficulté.
- Dépêche toi. On monte dans la cabine supérieur. Tu vas nous montrer tes talents de sniper.
Je souris du coin de la bouche.
C'est vrai que j'était un des meilleurs snipers du régiment.
Nous grimpâmes les marches quatres à quatres avant d'atteindre la cabine la plus haute du navire. Le capitaine s'y trouvait à la barre, entouré de plusieurs de ses mousses.
Mitshtvakov ouvrit une des fenêtres sur le côté. Nous étions à quelques centaines de lieues du bateau ennemi. Je ne pus donc viser le bateau qui était trop loin.
Nos canons commençaient à tirer.
- Nous sommes trop loin, dis-je à mon amis. Il faudrait que je me raproche de la cible. C'est un Coyotte 504. Un bateau très rare allemand qui, je ne sais comment, fonctionne au pétrole. Le default principal de ce navire, c'est que le reservoir a une poche de remplissage incliné vers le haut. Il suffit que quelqu'un l'ouvre pour que le pétrole soit accessible. On peut donc, si on vise bien, on peut le shooter depuis le ciel avec une balle à explosion.
Mitshtvakov eut un moment de réflexion. Il me fit signe de le suivre et nous redescendirent les marches.
-Tu vas monter avec John Dargelfit dans l'hélico. JOHN!
Un jeune homme arriva.
-Ta mission, John, sera de venir avec nous dans l'hélico. Tu sauteras en parachute pour atteindre le bateau ennemi. Là, il faudra être très discret. Sur le pont supérieur, il y aura une trappe en acier. Tu l'ouvriras. Une fois cela fait, tu auras sans doute été repéré.  Nous te lancerons une corde. Tu nous feras signe et on te remontera.
Morbide. Dès que John aura fait son signal, tu tireras. Il ne faudra pas que tu te loupes.
Nous hochâmes la tête.

Sur le pont, Dylan nous indiqua de monter dans l'hélicoptère qui l'avait conduit jusqu'ici. Je grimpai et l'attendis.

Je remarquai alors que le ciel était devenu totalement noir et qu'une légère pluie s'était déclenchée .
Grâce à mes connaissances de marin, je compris rapidement que la pluie se changerait en orage dans les minutes qui suivraient. Et les cumulonimbus qui se dessinaient confirmaient qu'il ne s'agisserait pas d'un simple orage. Voyager en hélicoptère dans ces conditions serait très dangereux.

Le colonel Mitshtvakov nous rejoignit enfin.
- Je n'ai pas trouvé le pilote, dit il, inquiet. Nous allons devoir nous débrouiller sans lui.
Il activa différents leviers, appuya sur quelques boutons. Les palles commencèrent à tourner.
- Attend. Tu sais conduire ce truc?! Criais-je.
Il aussa les épaules.
- J'ai fais les stages obligatoires, comme tout le monde.
Je me crispai sur mon siège.
L'engin décolla.

Nous arrivions au-dessus du bateau ennemi. Je me tournai pour prevenir John que ce serait bientôt le moment de sauter.
- Allez petit! Cria le "pilote".
John sourit vaguement. Il avait son parachute sur le dos. Il ouvrit la large porte métallique. Face à lui, le vide. Il avait une mitraillette attachée à la ceinture, et deux grenades dans un petit sac en bandoulière.
Il prit une grande inspiration et sauta.
Je me levai pour aller fermer la porte.

Alors, un violent choque vint faire trembler l'appareil dont la strucure gemissait fortement.
Ayant fermé les yeux par reflexe, je les ouvrit lentement.
Mitshtakov était inconscient.
Affolé, je regardai autour de moi: nous tombions en pic vers la mer.
Je saisis le manche de commande de l'hélicoptère et tantais de le redresser: je n' avais jamais tant sentit la mort .

Morbide GreysleyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant