Chapitre cinq : Une monstrueuse soirée

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Nous étions face au lac, moi éberluée par la beauté du paysage, lui analysant ses chaussures. Comme j'avais remarqué un banc à quelque mètre, je m'y dirigeais, suivie de mon ami.
— Qu'est ce qu'il s'est passé ? Le questionnais-je.
Il n'était pas parti longtemps avec ses amis, mais la situation semblait particulièrement l'embêter. Colton se redressa pour me faire face et hésita un instant avant de s'asseoir à mes côtés.
— Rien de grave, ne t'en fais pas.
Il avait beau essayer de me rassurer, ça ne fonctionnerait pas. En plus de ne pas aimer me soumettre aux règles, j'étais également très têtue.
— Je vois bien que ça te tourmente, allé, dis-moi ce qui ne va pas. 
Lèvres pincées, il semblait réfléchir. Il finit par s'ouvrir à moi sans pour autant être sûr qu'il faisait bien.
— Y a des mecs qui traînaient devant le bar, les mecs et moi, on ne les apprécie pas beaucoup, dit-il simplement, pensant que ça me suffirait.
— Pourquoi vous ne les aimez pas ?
Il se gratta la tête nerveusement.
— Ce ne sont pas des gens bien.
Il fallait que je lui force la main pour avoir les réponses à mes questions apparemment...
— Qui sont-ils ? Qu'est-ce qu'ils ont fait ?
Il souffla péniblement en osant finalement regarder devant lui, mais même dans cette position, je savais qu'il n'étudiait pas le paysage, son regard divaguait dans le vide.
— C'est la fratrie des Logan, ils sont quatre. Taylor, Derek, Annabeth et Calvin. C'est compliqué à expliquer, mais ils sont très renfermés et ne sortent pas de chez eux. Quand ils le font, c'est pour intimider les plus jeunes.
Une fratrie ? J'imaginais mal quatre frères et sueurs se baladant en bande pour effrayer des enfants. Ça faisait très... secte. Intéressée par l'histoire, je lui posais d'autres questions.
— Que font-ils exactement et pourquoi vous êtes concerné ?
Les sourcils de Colton se rapprochaient de plus en plus, parler d'eux ne lui plaisait vraiment pas. De mon côté, comme d'habitude, je ne comprenais rien.
— Pas mal de monde les crains. Ils sont très riches, leurs parents possèdent pratiquement la moitié de la ville. Ils en jouent beaucoup. Ce sont eux qui organisent les plus grosses fêtes et dirigent pratiquement tout ce qui se passe dans cette ville. Tout le monde veut être invité donc les écoutent et obéissent à leur requête. Qui conque les contredits se retrouvent à l'écart de la société. 
Sur le coup, j'étais extrêmement surprise. Une bande de quatre arrivait à instaurer ce genre de dictature à toute une ville ? Pourquoi personne ne se rebellait ? J'étais stupéfaite d'apprendre une telle chose. Parce qu'ils étaient riches, il fallait se plier à leur bon plaisir ?
— C'est horrible ! Personne ne dit rien ? Comment peut-on les laisser faire ? Il faudrait en parler au maire s'ils intimident les jeunes. C'est du harcèlement !
— Toi et moi le savons parfaitement, obliger un ado à les rejoindre dans leur... leurs idées ou les persécuter ou lancer des menaces jusqu'à ce qu'il cède, c'est du harcèlement, de l'intimidation et c'est puni par la lois. Le souci, c'est que leur père est un ami proche de notre maire et qu'il n'est pas mieux que ses enfants, cingla-t-il, mâchoire serrée.
Je pouvais sentir toute sa haine. Sa colère transpirait dans chacun de ses mots. Je pouvais bien le comprendre, mais ce n'était pas nouveau. Il y avait partout des injustices et des bourreaux comme ceux-là. Pourquoi les Logan l'horripilaient à ce point ?
— Je vois... en plus d'avoir de l'argent, ils ont le bras long. Et donc, qu'est-ce qui s'est passé ce soir ? Ils étaient là ? En quoi êtes-vous concernés ?
Il me jeta un regard pour la première fois depuis que nous étions sortis du bar. Il me sourit, surement parce que je posais toujours autant de question. Je n'avais pas perdu ma curiosité et cela l'amusait. Gênée, je baissais la tête en jouant avec le tissu de ma veste.
Quand il reprit la parole, son sourire avait laissé sa place à un air bien plus sérieux. 

— Il y a quelque mois, ils se sont pris à la sœur de John, Jennie. Elle n'était pas allé à l'anniversaire de leur petit frère Calvin parce qu'elle ne l'appréciait pas. Ils lui ont donc rendu visite en lui demandant de s'excuser, ce qu'elle a refusé, expliqua-t-il en souriant, elle est devenue aussi têtue que toi. Tu l'as verrait ! Louise à vraiment du mal à surveiller sa fille, surtout depuis que Franc est mort... Enfin, suite à cela, John s'est rendu à leur domicile pour leur demander de laisser sa sœur tranquille. Bien sûr, ils lui, on rit au nez. Depuis ce jour, Jennie n'a pratiquement plus d'amis. Ils l'ont mise à l'écart.
— Quoi !? Mais ils n'ont pas le droit ! Tout ça pour une stupide soirée d'anniversaire ? Pauvre Jennie... c'est si... Injuste.
Je n'étais pas triste, juste très en colère. Elle n'avait que seize ans ! Comment la nouvelle génération d'adolescent pouvait être si bête et méchante ? Surtout avec une fille si gentille que Jennie. Quelque fois, il arrivait à John de venir avec Colton et elle jouer chez moi, nous avions été de bonnes amies. Peut-être devrais-je aller la voir ? Peut-être même que je devrais moi aussi remonter les bretelles de ces idiots !
— Oh non Kaylie...
— Quoi ?
— Je vois dans ton regard que tu es aussi furieuse que moi de savoir ce que font les Logan, mais tu ne pourras rien y changer. Ne tente rien s'il te plaît !
Je ne voulais pas lui mentir donc je ne répondis pas et lui redemandai ce qu'il s'était passé ce soir au pub.
— Ils organisent une soirée à quelques mètres. Quelqu'un est venu dire à Alvin qu'ils s'amusaient à effrayer un jeune garçon. Nous sommes allé les voir pour les arrêter.
— Vous avez réussis ? Le questionnais-je, accrochée à ses lèvres.
— Il n'y avait que Derek et Annabeth. Nous étions plus nombreux qu'eux alors qui ont fui. Le garçon va bien, nous lui avons dit de rentrer chez lui.
J'hochais la tête en réfléchissant à toute cette histoire. J'étais loin d'imaginer qu'il pouvait avoir de tels clans dans cette petite ville peut être même un peu surprise de savoir Elisabeth dans le clan des « gentils ».
Je frissonnais. Le temps, c'était rafraîchit. Nous étions dehors depuis un moment et ma veste n'était pas bien épaisse. Colton le remarqua et se releva.
Je savais qu'il proposerait de rentrer, mais je n'avais aucune envie d'y retourner. Nous étions si bien à discuter ici, face au lac, comme avant.
— Les autres doivent s'ennuyer sans nous, tu viens ?
Je me levais et le suivis jusqu'à l'intérieur de la pleine lune. Nous avions assez parlé de chose déplaisante, il était temps de nous amuser un peu.
En entrant, la chaleur qui m'avait tant manqué me recouvrit totalement. Sur les pas de Colton je zigzaguais à travers la foule pour retrouver mes amis. Quelle heure était-il ?
Je tapotais les poches de ma veste à la recherche de mon téléphone, en vain. Mince, je l'avais surement oublié sur le banc. Je voulus alors prévenir mon ami que j'y retournais, mais ce dernier avait déjà disparu, avalé par le monde.
Je fis demi-tour pour sortir à nouveau dans le froid du mois de novembre. Vérifiant qu'il n'y avait pas de voiture, je traversais en courant pour vérifier sur le banc. Par chance, il y était. Quand mes pieds se remirent à marcher vers le pub, j'entendis quelqu'un m'interpelé.
— Kaylie !
Mes yeux se mirent à scruter l'obscurité. Je ne voyais pas d'où cette voix provenait.
— Kaylie, s'il te plaît aide moi !
Cette fois-ci, mon regard fut attiré par un endroit près d'un immeuble non éclairé. Une silhouette dans l'ombre m'interpellait à nouveau. Une grande blonde tenait debout dans une posture étrange. Elle fit un pas en avant s'approchant un peu plus de la lumière d'un réverbère et comprit qu'il s'agissait d'Elisabeth. Elle était en larmes et sa robe était déchirée vers ses cuisses. Oh non, que lui était-elle arrivée ? 

J'accourus vers elle, mais Elisabeth se mit à marcher dans le sens inverse. Perturbée et inquiète, j'avançais à sa rencontre. La ruelle étant très sombre, je la perdis de vue. Apeurée par la situation, je décidais de rebrousser chemin. Cette ambiance ne me disait rien qui vaille. Peut-être que les garçons géreraient mieux la situation que moi. Je m'arrêtais quand un bruit me fit sursauter. Quand ce bruit de ferraille recommença, je manquais de m'effondrer de peur. Plissant les yeux dans la direction d'où provenait le son, je remarque une petite ruelle encore plus fine qui me parait étrangement familière. Au comble de ma concentration, un char saute sur une poubelle puis au-dessus d'un grillage, finissant de me liquéfier. J'aurais dû être rassurée, mais ce ne fut pas le cas. J'avais déjà vécu cette scène en rêve, j'en étais presque sure.
Oh non, oh non.
Un bruit différent retentit et je tourne automatiquement les talons vers sa source. La blonde marche dos à moi. Je remarque que sa démarche est trainante et que tu sang coule sur sa cuisse.
Je devrais fuir, mais je ne peux pas laisser Elisabeth seule.
Ce n'était qu'un rêve Kaylie, reprends-toi !
— Elisabeth ? Demandais-je d'une voix tremblante.
Ses bras se mirent alors à bouger de façon très étrange et puis tout se passa extrêmement vite.
Elisabeth se retourna et je vis briller des yeux d'un rouge sang. Elle avança et je reculais aussitôt, mais mon pied se prit dans quelque chose qui me fit trébucher. Cette personne ressemblait beaucoup à Elisabeth mais en plus furieuse. Ses cheveux blonds étaient à présent couverts de sang, ses yeux portaient des lentilles de contact de couleur et sa bouche... Oh mon dieu ! L'image de mon rêve me revint en pleine face.
Faite que ce soit un déguisement... Faites que ce soit la bande qui me fasses une blague...
Deux rangées de dents jaunes et pointues brillèrent devant moi. Ses mains étaient à présent armées de griffes recourbées et acérées. Mon cerveau essayant en vain de trouver une explication rationnelle. Ce pouvait très bien être du faux sang, un dentier, des lentilles et des faux ongles, mais pourquoi se serait-elle donné cette peine ? Surtout que je l'avais vu, il y avait moins d'une heure.
J'essayais de me relever pour faire bonne figure afin de lui montrer que sa blague n'était vraiment pas drôle, mais elle m'attrapa le bras d'une poigne de fer avant de plaquer avec force contre le mur de brique. Ma tête heurta la paroi d'un bruit sourd. Je pouvais sentir un liquide chaud couler le long de ma tête. Je m'étais ouverte ?
— Elisabeth mais qu'est-ce que tu fais ? Tu m'as fait mal putain ! C'est pas drôle !
— Je savais qu'en prenant son apparence, tu tomberais dans le panneau, dit-elle puis l'instant d'après ce n'était plus Elisabeth que j'avais devant les yeux, mais un homme d'une trentaine d'années. Il avait encore une perruque blonde sur la tête, mais je voyais bien sa barbe et ses muscles d'homme. Il avait des sourcils épais au-dessus d'un regard de tueur. Ce pouvait très bien être un homme saoul qui voulait probablement me...
Oh non...
Paniquée, je me mis à hurler en espérant me réveiller dans mon lit. Ce n'était qu'un cauchemar...
Les secondes passaient, mais j'étais toujours là, face à une créature repoussante.
— Je te cherchais depuis un moment ma petite...
— Pourquoi me cherchez vous ? C'est de l'argent que vous voulez ? Prenez tout !
L'homme me dévisageait, comme si c'était moi l'animal de cirque et non lui avec ces dents et ces griffes.
— Tu ne sais donc rien de nous ? Ça s'est la meilleure ! Ne t'en fais pas, tu ne ressentiras presque rien ! Dit-il avant d'éclater de rire.
Il allait me tuer ou me violer. Je n'avais que vingt ans et demain, quelqu'un retrouverait mon corps inerte dans cette ruelle...
Je hurlais à en perdre la voix, me débattant avec toute la force que j'avais mais l'homme s'avançait déjà à mon cou pour m'embrasser puis me mordre.
C'était un dangereux psychopathe ! Il me mordait si fort qu'une vive douleur m'attrapa à la gorge. Noyée dans mes larmes, je n'avais plus aucune force pour m'éloigner de lui. Une fraction de seconde plus tard, je sentais ma chair se déchirer dans sa bouche et le même liquide chaud que j'avais ressentis me couler sur la poitrine. Je saignais. Cet homme m'avait mordu jusqu'au sang et... était en train de me sucer le sang. Quand je commençais à comprendre qu'il se prenait pour un vampire, ma vue se troubla et je fus à deux doigts de tomber dans les pommes. J'entendis un crin au loin, mais je sombrais déjà en tombant violemment sur le sol. C'était donc cela mourir ? Se sentir transporter, vidée. Une seule pensée m'aida à tenir le coup, je retrouverais surement mon père.

Leavenworth - Tome 1 {Terminé}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant