J'essuyai discrètement mes mains moites sur ma jupe. Je n'osai prononcer un mot.-Vous avez un CV assez maigre, Mlle Sanche...
La femme devant moi scanna brièvement la feuille de papier presque vierge que je lui avais remise. Son regard droit et posé sembla un instant analyser mon visage, comme pour vérifier si j'avais la tête de l'emploi – qu'elle se calme, je me présentais pour un boulot de serveuse, pas pour une agence de mannequinat.
-Je n'ai pas beaucoup d'expérience, mais je dois bien commencer quelque part, n'est-ce pas?
De toute façon, je savais que je ne serais pas engagée. J'avais déjà passé plusieurs entretiens d'embauche - une bonne dizaine, pour être exacte – et j'étais depuis passée maître dans l'art de me faire gentiment rejeter par l'employeur. Je ne voyais pas en quoi cette fois-ci serait différente.
Elle avait cessé de m'observer. Une petite mèche de ses cheveux poivre et sel tomba sur son visage carré. Elle ne prit pas la peine de la ramener derrière son oreille.
-Qu'est-ce qui vous a donné envie de postuler pour ce restaurant? me demanda la femme sans conviction.
... Mis à part le fait que je n'ai pas un sous?
-J'aime bien cet endroit. C'est... chaleureux.
Ce n'était pas tout à fait un mensonge. C'était un endroit tranquille, où la majorité de la clientèle se composait de personnes d'âge d'or. Il régnait dans l'air une odeur de pain fraîchement sorti du four et d'épices, qui me rappelait un peu le temps où ma mère cuisinait pour ma sœur et moi.
Maman... mes yeux commencèrent à piquer alors que je pensais à elle. L'époque de la petite fille insouciante qui pouvait compter sur sa mère était révolue depuis bien longtemps. En fait, elle n'avait probablement jamais existé.
L'employeur ne remarqua pas mon trouble, poursuivant ses question.
-Et vous n'êtes plus aux études?
Difficile d'économiser pour l'université quand on n'a pas de boulot... Je cherchai les mots pour lui expliquer que je voulais travailler justement pour poursuivre mes études, mais une partie de moi n'était pas désireuse de parler de cet aspect de ma vie, en particulier avec une inconnue. J'optai pour une réponse simple.
-Pas pour le moment.
-Bien.
Elle continua à observer mon CV, comme si de nouvelles informations allaient y apparaître par miracle. Une vingtaine de secondes passèrent, et je ne pus dire s'il s'agissait d'un bon signe ou d'une façon maladroite de m'annoncer que je n'étais pas engagée. L'attente me rendant folle, je décidai de me préparer au pire. Ce n'était pas grave. La station-service du quartier ne m'avait pas encore donné de réponse. Peut-être n'ont-ils simplement pas eu le temps de m'appeler vendredi dernier. De plus, mon emploi à temps partiel à la bibliothèque, bien qu'insuffisant, me permettait de gagner assez pour éviter de vendre un meuble ou deux. J'avais aussi encore quelques semaines pour payer l'électricité...
-Pourriez-vous commencer demain? Disons, à six heures?
Je m'attendais si peu à une telle réponse que je crus d'abord avoir mal entendu. Les yeux ronds, je portai à nouveau mon attention sur elle.
-Demain? Comme dans demain demain? Je suis engagée?
La femme – Ana, lus-je sur son badge – me fit un premier sourire.
-Ça en a tout l'air, non?
-Wouah... Je veux dire, oui, oui, à six heures, ce sera parfait.
Mon visage ne put contenir ma joie. Enfin! Après des mois de recherche, j'allais finalement avoir une source de revenu digne de ce nom. Cette pensée me gratifia d'un tel soulagement que mon expression s'illumina de plus belle.
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Les Chasseurs
FantasyJe ne croyais pas en leur existence. Ils n'étaient pour moi qu'un mythe. La malchance a voulu que je découvre la vérité par hasard, en me situant au mauvais endroit au mauvais moment. Je n'avais pas l'intention de les combattre, mais je n'ai plus le...