Rencontre avec Oussamequin

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Oui, aller voir mon mentor est sans doute la meilleure idée. Une fois décidé, je ne perds plus un instant. À peine mon café avalé, j'enfile une veste légère et dévale les escaliers pour émerger dans la rue, côté Eliot Street.

Je me dirige vers ma Chevrolet Bel Air noire, fièrement garée sur le trottoir d'en face. De la voir me donne du baume au cœur, car j'ai toujours cette impression qu'elle m'observe d'un air taquin en m'invitant à de nouvelles aventures en sa compagnie. Acquise récemment, elle est devenue ma fidèle alliée. Sa couleur d'ébène se fond dans la nuit, reflétant sur sa carrosserie polie la blancheur des rayons lunaires, repoussant les mauvais esprits tel un solide bouclier. C'est une guerrière à elle seule et j'en suis fier.

Les rues de Boston sont encore calmes à cette heure. Si ma déduction est bonne, ma vision d'Ousaméquin pourrait m'indiquer qu'il sera au café habituel. C'est le lieu de nos rencontres. Le songe semble fort en énergie, certaines choses me sont cachées et, de plus, je ne rêve pas tous les jours, ni de manière aussi claire, de mon mentor. Il doit y avoir une raison à cela et le plus logique me semble de chercher à voir s'il sera là à notre lieu de rendez-vous habituel. Dans le monde des sorciers, il n'y a pas de hasard, il n'y a que des signes. Mais pour voir les signes, il faut être vigilant. Que ce soit dans ce monde ou dans un autre...

J'arrive à sa portière, l'ouvre et m'assois sur le siège de cuir beige lorsqu'au moment d'allumer le contact pour partir rapidement, je découvre, posé sur le siège passager, un journal plié. Je me fige tandis qu'un vent frais glisse par les fenêtres entrouvertes dans l'habitacle.

Ma tension monte d'un cran, mais ma vigilance aussi. Je n'ai jamais posé de journal dans ma voiture. Je suis parcouru d'un subtil vertige et me saisis prudemment du journal comme s'il allait me brûler les doigts.

Je note la date en première page : 15 octobre 1956.

Mon corps subit alors un spasme dérangeant. Quelque chose cloche et je suis submergé par un très mauvais pressentiment. Je regarde autour de la voiture. Rien. Siège arrière : rien. Quelqu'un serait-il entré à l'intérieur durant la nuit ? Suis-je en train de rêver ?

Je respire un instant. Je dois garder ma précieuse vigilance et demeurer l'esprit clair. Quoi qu'il se passe, je dois faire face, en tant que guerrier pacifique, mais surtout parce que je suis sorcier. La moindre erreur, dans un monde comme dans l'autre, pourrait se révéler fatale pour moi.

Peut-être est-ce simplement là un nouveau tour de mon maître, Ousaméquin? Mon mentor a toujours aimé me mettre à l'épreuve, me pousser dans mes retranchements et me déstabiliser, voire pire parfois. Je souris à l'évocation de mon mentor.

Néanmoins, dans le doute, peut-être devrais-je choisir la prudence. J'inspire pour garder mon calme et entame l'observation de l'habitacle.

Je songe à fouiller le véhicule, mais d'un regard je vois que rien n'a bougé. Cependant, il reste encore la boîte à gant. Et pourquoi ne pas allumer l'autoradio flambant neuf pendant je finis mon investigation? Cela pourrait me changer aussi les idées.

Wakiza, le sorcierOù les histoires vivent. Découvrez maintenant