Tunnel

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Tout est noir, mis à part cette tâche blanche floue au loin. Il fait si froid. Le vent frais qui souffle, dresse mes poils sur mes bras. De la buée chaude sort de ma bouche à chaque expiration. Cela doit faire un bon paquet d'heures que j'avance dans cette obscurité mais je continue malgré tout. La peur me noue l'estomac, et me broie les tripes. J'ai vu dans cet endroit, des choses qui pourrait faire douter un homme de foi sur l'être suprême qu'il adore. Je suis malade, j'ai gerbé partout. Je ne sais plus vraiment où j'en suis, où je vais. Je ne sais pas non plus ce qui m'attend là-bas, à la sortie de ce tunnel. Je parle à n'importe qui sans me poser de question. Quand je croise quelqu'un je ne peux m'empêcher de lui raconter ma vie, de lui dire le prénom de la fille que j'aime, de lui dire que ce n'est pas ma faute si je me trouve là. Mais il le sait. Nous savons tous que personne ici n'est là par hasard. Pourquoi je suis là, à marcher comme un pèlerin suivant sa route sacrée ? Car je n'ai plus de souffle, j'ai trop couru, beaucoup trop. Mes pieds sont inexistants. Mes poumons sont enfeu. Sur ce chemin, il n'y a que les lâches qui survivent. Je vis encore, mais je suis différent. Je ne suis pas un traître. C'est pas ma faute, j'y ai été obligé. On m'a forcé à le faire. Si seulement elle pouvait me pardonner. 

Je m'avance vers la lumière blanche au loin, au fond de ce tunnel, la seule issue. La brise secoue doucement mon tee-shirt trempé. Je continue de marcher.Les pieds traînant dans je ne sais quelle merde. Le visage suintant de larmes mélangées à la poussière volant dans chaque recoins de cet endroit, je marche face à la brise glaciale de l'air extérieur.Je croise des gens ayant trahis des personnes qui comptaient sur eux.Mais je ne suis pas comme eux. Ça n'était pas ma faute. Pitié,faites qu'elle me pardonne ! J'ai été contraint de le faire. Pitié,faites qu'elle le sache ! Je vous en prie. Bien entendu, je n'ai plus la foi. Les visions que j'ai eu dans les entrailles de ce monde ont été bien trop horribles pour que je puisse continuer à croire en Dieu. Et s'il existe, me punirait-il pour cet acte ? Ou se châtierait-il pour l'abomination qu'il a commis en créant l'humanité ?

Je m'avançais tranquillement, main dans la main avec elle. Elle riait. Je me souviens. Le soleil rayonnait de plus belle et faisait briller la route encore humide de la pluie qui s'était abattue sur nos têtes deux minutes auparavant.On allait au parc. Non pas le plus proche de chez moi, mais celui à l'autre bout de la ville. On s était mis à courir quand les gouttes retombèrent sur nous. On riait, tel deux tourtereaux. On rêvait de partir loin d'ici, de ce trou paumé. On voulait s'installer ensemble. Ah, ce qu'on était niais et naïf à ce moment-là. On avait rien vu venir. Il n'y avait pas un chat sur la route du parc. On arrivait d'ailleurs à l'espace vert, où les arbres étaient dévêtus de leur feuillage. On était en hiver. Mais celui là, n'était pas blanc mais gris. Au lieu de neiger, il pleuvait. Mais bon, on était tous habitués. On est donc allé dans ce parc. On courait, on gloussait, on s'aimait. Et je l'aime encore. Quand soudain, deux hommes masqués d'une cagoule nous attrapèrent et nous enfermèrent dans cette cave en riant aux éclats et en parlant de déjeuner. Elle et moi avons cherché et fouillé tout recoins de ce sous-sol. Et nous avons trouvé une porte entrouverte. Nous y sommes allés. 

Il faisait froid, l'air était glacé.Mais il y avait une lumière au fond. Elle voulait y allé et moi, je voulais revenir sur nos pas et attendre que les hommes reviennent pour essayer de fuir. Mais elle m'a embarqué avec elle. On est donc parti vers cette tache lumineuse lointaine. Plus on avançait plus je regrettais de l'avoir suivie. On entendait des cris, parfois inhumains parfois de détresse. On ne pouvait plus revenir, il faisait trop noir, on devait avancer vers cette même lumière.J'étais terrorisé. Elle, elle avait juste peur. Des lamentations résonnaient dans l'écho de ce tunnel. La buée ressortait de notre bouche à chaque expiration. Chaque appels à l'aide, était suivi d'un cri puis d'un long râle d'agonie. Nos pieds pataugeaient dans je ne sais quel liquide qui avait envahi nos chaussures. Ce liquide était chaud mais répugnant. Il dégageait une odeur d'égout et pourriture avec une once d'odeur de cadavre. On envoyait parfois balader de petits bâtons dur avec nos pointes de pied. 

Elle commençait à s'éloigner. Je me mis donc à courir pour la rejoindre. Mais mes pieds ne suivirent pas et je tombai. Mon corps s'écrasa sur la masse liquide dans un vacarme énorme. Je me relevai, trempé. Mon manteau était foutu. Il laissait tomber des gouttes rouges sur le sol. Mes chaussures étaient pleines de la même substance. Mon tee shirt blanc était maintenant tâché. Je ne distinguai pas la couleur du liquide mais je savais ce que c'était.Terrorisé, j'enlevai vite mon manteau et mes chaussure avant de les balancer au loin en hurlant. Elle se retourna, me prit la main et me ramena tout en essayant de me rassurer. 

Les cris étaient beaucoup plus proches que tout à l'heure. On était tout deux apeurés, même si elle ne le montrait pas, je le savais. Ça se sentait. Mes pieds étaient déchaussés maintenant et étaient en contact direct avec le sol trempé. J'étais sans manteau, gelé,trempé, terrorisé. J'avais envie de gueuler, de dégager cette peur de mes tripes et courir vers cette lumière. Les larmes veulent sortir, mais non, je ne veux pas montrer d'avantage l'épouvante que j'avais en moi devant elle. D'ailleurs, elle n'avait pas montré de signe de peur. Peut-être m'étais-je trompé. Peut-être qu'elle n'avait pas peur. Et cette lumière au loin, qui nous narguait. On avait beau marcher, elle restait lointaine. Il n'y avait que les hurlements qui nous disaient que l'on se rapprochait. 

Soudain, une porte derrière nous s'ouvrit et un homme en sortit terrorisé, il gueulait, il pleurait, il appelait à l'aide. On s'arrêta et on regarda. Un autre homme sortit du même endroit. Celui-ci était plus calme, bien qu'il criait quand même. Il se jeta sur l'autre. Il le maintint à terre, et le frappa à grands coups. L'autre type hurlait de plus belle. Un liquide rouge giclait du corps à terre. L'autre silhouette se pencha sur sa prise et lui extirpa les tripes d'un coup sec. Les hurlements cessèrent. Le meurtrier se mit à manger calmement les restes de la proie.
Un cri m'échappa ainsi que des larmes qui coulaient maintenant sur mes yeux. Elle se mit à me regarder, ainsi que l'anthropophage. Il se releva et me fixa en tournant la tête. Il m'observait, m'examinait. Il voulait savoir si j'étais assez nourrissant pour lui. Au bout de quelques secondes, il redressa la tête et me chargea. Sans réfléchir, je me retournai vers la lumière et commençai à courir en entraînant la fille avec moi. 

On réussit à garder l'avance sur l'homme. On gardait espoir. On ne l'entendait presque plus. Quand soudain, Clara glissa et se tordit la cheville. Elle hurlait, non pas de douleur mais de peur. Elle était blessée et l'autre arrivait. Que faire ? Les cris inhumains venaient de derrière nous. Cette fois, il y en avait plusieurs. Il n'avaient pas l'air de savoir parler, mais ils étaient bien humains. Enfin du moins, il en avaient l'apparence. Je me mis pleurer. Les cris de Clara me faisaient mal, tout comme les rugissements et hurlements des autres me terrorisaient. Ce fut en essayant de la relever, que je compris enfin quel était ce liquide chaud et sombre. Du sang ! c'était du sang ! Je pouvais maintenant entendre nos poursuivants se rapprocher, les bruits de l'amas sanguinolent les laissant passer, et leurs cris affamés. Je fis quelque pas avec Clara, pour voir si elle pouvait s'en sortir. Elle hurlait encore plus fort. Je la repris dans mes bras. Je la portai et avançai un peu. Mais elle était trop lourde pour moi. Je la reposai à terre. Je me baissai, pleurant, le visage humecté. Et je l'embrassai une fois, deux fois, toujours en lui demandant de me pardonner. Les autres étaient arrivés. Il nous regardaient comme tout à l'heure. Je me mis à pleurer, et à crier de toute voix : «pardonne-moi ! Clara, je t'aime ! ». Et, comme un lâche qui ne voulait pas mourir, je partis en courant vers la lumière toujours en pleurant. Les cris d'agonie et les appels à l'aide de Clara résonnaient dans ma tête. Ses hurlements de douleurs ne me quitteront jamais.

« C'est pas ma faute ! J'étais obligé ! Je voulais vivre ! Pourquoi s'est-elle blessée aussi ?Dieu, pourquoi ?! Salaud, je te parle ! Dis moi pourquoi ?! Pourquoi as-tu créé cet endroit ?! Pourquoi as-tu créé ces hommes ?! Je te maudis Dieu, vas crever ! »
je marche encore et encore, avec pour seul repère, la lumière. J'entends encore ces cris, les cris de Clara, ses lamentations. Est-ce réellement ma faute, ou est-ce celle de Dieu ? Je n'en sais rien. Mais Pourquoi ? Pourquoi n'est-il pas venu à notre aide ? Pourquoi l'a-t-il laissée mourir ? Pourquoi?



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⏰ Dernière mise à jour : Dec 05, 2016 ⏰

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