Chapitre 3 : Savannah

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Rien, rien, rien. Il n'y a rien dans ces fichues petites annonces. Pas un seul emploi correct. Je ne cherche pas le job de ma vie, loin de là, mais autre chose que technicienne de surface ou dame de compagnie. D'ailleurs, je ne suis pas bien sûre de la définition qu'accorde le mec à ce terme. A mon avis, c'est plus sexuel qu'autre chose. Non mais regardez celle-là :

Homme seul, d'une cinquantaine d'années, recherche jeune femme (18-35 ans) pour moments divertissants (lecture, jeux de société...). Personnes sérieuses uniquement. Tel : 1 456 789 908

18-35 ans ? Moments divertissants ? Faut pas nous prendre pour des jambons.

J'ai besoin de me faire les dents. Si mes parents savaient à quoi j'en suis réduite, ils me rapatrieraient à Dallas en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire.

Ces derniers sont adorables mais surprotecteurs et, pour une indépendante comme moi, ce n'est définitivement pas gérable. Après mes cinq années d'études en histoire de l'art – cursus pour lequel mon père était totalement contre – je l'ai littéralement supplié de me laisser partir à Londres. A vingt-quatre ans, j'avais besoin de respirer, de vivre autre chose que l'existence paisible d'une petite fille riche et gâtée du sud des Etats-Unis. Je n'en pouvais plus d'entendre parler des mêmes choses et de voir les mêmes personnes. Il fallait que je me débrouille enfin par moi-même, sans l'aide de mon paternel.

Lorsque vous êtes née dans une famille comme la mienne où l'argent coule à flot et où il vous suffit de claquer des doigts pour obtenir tout ce que vous voulez, il y a seulement deux façons d'appréhender les choses. Soit, vous vous laissez bercer sans vous poser de questions. Vous êtes riche et vous en profitez. Peu importe que vous ayez gagné ou non cet argent à la sueur de votre front ou que vous jouissiez des bienfaits d'un succès ou d'une réussite qui ne sont pas les vôtres. Soit, et c'est mon cas, vous attendez bien plus de la vie. Je n'avais pas envie de suivre les traces de mon père, d'être propulsée à tout juste vingt-cinq ans à la tête d'une compagnie pétrolière pesant plusieurs milliards de dollars, dont je ne connaissais ni les tenants ni les aboutissants. J'avais envie d'autre chose. J'avais envie d'exister autrement que comme la fille héritière de Lavon Shawn qui n'aurait eu pour mérite que le fait d'être née dans la bonne famille.

Quand j'ai confié à mes parents mon désir d'étudier l'art, je me suis retrouvée face à un mur. Pour mon père, c'était impensable. En tant que fille unique et héritière directe de la dynastie Shawn, je me devais, par devoir envers ma famille, de reprendre les rênes de la société. Mais j'ai tenu bon et j'ai fini par les convaincre de me laisser suivre la voie que j'avais choisie.

Par la suite, quand il a enfin accepté de me laisser partir en Europe, il l'a fait sous certaines conditions. Premièrement, je logerais dans notre maison londonienne à Chelsea et deuxièmement, je travaillerais dans une galerie d'art réputée, dont le directeur n'est autre qu'un ami de la famille. Et comme tous les Shawn, mon père n'est pas le genre d'homme à se contenter d'un « non » pour une réponse. C'était comme ça et pas autrement. J'ai donc accepté. Les conditions n'étaient pas tout à fait comme je les avais imaginées, mais je pouvais enfin expérimenter cette délicieuse chose que l'on appelle l'indépendance ou du moins ce qui s'en rapproche le plus.

J'ai tenu un peu plus d'un an, jusqu'à ce que je quitte mon emploi il y a un mois de cela. La galerie était géniale mais les employés pas tant que ça. Il est assez difficile d'être prise au sérieux quand la majorité de vos collègues pensent que vous êtes là juste pour occuper vos journées de petite fille riche alors qu'eux-mêmes sont là pour gagner leur croûte.

Depuis, je cherche désespérément un job à me mettre sous la dent et rien de rien n'attire mon attention. Je suis prête à faire n'importe quoi, tant que l'on me considère comme une personne normale. Evidemment, pas la peine de vous préciser que mon père n'est absolument pas au courant de cette situation. Enfin, je l'espère...

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⏰ Dernière mise à jour : Dec 12, 2016 ⏰

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