Le magicien se doit de plaire pour réussir, il est peut-être même plus important que ses illusions charmantes ou effrayantes, car sans le personnage qu'il incarne, joué ou inconscient, la magie n'opère pas.
Ça, Namjoon l'a bien compris. De la pointe de ses cheveux dorée au bout de ses ongles soigneusement coupés, il est parfait. Charismatique et fier, malicieux ou maléfique, il cultive cette aura si écrasante que certains lorgnent leurs orteils grouillants quand il valse près d'eux.
Et bordel, ce qu'il aime ce pouvoir malsain qu'il a sur les gens.
Il manipule cet organe visqueux et naïf qui alourdit les crânes si facilement, qu'il aime s'inventer des fils de coton à la pulpe de ses doigts. Et son ensecret silencieux, hautain et inconnu lui offre cette notoriété et ces regards un peu brillants.
Mais jamais il n'aurait cru croiser ce genre de regard.
Si candide, si sot, si attirant, si idiot, si attendrissant, si flatteur, si risible, si vulnérable.
Même quand il n'avait posé qu'un de ses pieds chaussés élégamment, il avait pu sentir ces orbes d'enfant heureux et creux s'harponner à son personnage.
Il l'avait cherché pendant quelques secondes, parmi les yeux hautains du reste de la salle, mais ne l'avait pas trouvé et la mélodie de son show gronda trop rapidement.
Alors, les pétales d'or s'échappèrent d'entre ses doigts et ses tours de passe-passe se jouèrent. Trompe-l'œil ou mirage, magie ou envoûtement, Namjoon faisait croire tout ce qu'il voulait. C'était plus qu'une simple astuce dans l'ombre de sa manche, c'était plus qu'un angle mort, c'était plus que tout.
Peut-être même que certaines perceptions frôlaient la bêtise et l'innocence.
Puis, quand l'illusionniste quitta la scène sous les visages aux différents rictus, émerveillés aux dédaigneux, les victimes de son charme et sa manipulation finirent par s'évanouir dans la nuit tombante.
Alors, Namjoon s'engouffra dans ses loges, admirant de longues secondes son délicieux corps dans une coiffeuse luxueuse. Il réajusta les pans de sa veste de smoking, ôta les petits gadgets qui l'aidaient à faire briller ces milliers d'yeux et quitta la pièce étroite.
Il n'aurait pas pu se douter que sur l'un des derniers bancs qui rasaient la scène, se tenait toujours le jeune garçon au drôle de regard. Recroquevillé sur lui-même, son dos voûté, ses mains écrasées entre ses cuisses et ses épaules rentrées vers son petit corps, il le fixait toujours de ses orbes brillants dans l'obscurité.
Namjoon l'avait observé un moment avant de se planter face à lui.
« - Que fais-tu là, petit ? »
Il avait vu la peau de l'autre frissonner le long de son cou, et ses lèvres rosées s'étaient tordues timidement. Namjoon avait remarqué que ses grandes mains bronzées s'étaient mises à gigoter nerveusement entre ses jambes et qu'il paraissait plus jeune de loin. Cette pensée se confirma quand il souffla d'une petite voix ayant déjà muée :
« - Est-ce que je peux avoir un autographe ? »
Namjoon n'avait pas l'habitude d'avoir un quelconque contact avec son public ou ses fans. Il se travestissait de cette facette impénétrable et supérieure, qui finalement ne soulignait seulement son vrai visage de snobinard. Il aimait repartir dans sa voiture de course noire et pompeuse, son visage camouflé par les vitres semi-teintées alors que les sacs d'os et de sang le pointaient du doigt.
Jamais un spectateur ne l'avait approché de si près.
Jamais un spectateur ne lui avait réclamé un vulgaire gribouillis sur un papier pâle.
Alors à ce moment-là, quand ce vieil enfant lui murmura sa demande, il n'avait su rien faire d'autre que d'accepter.
Les yeux de son vis-à-vis avaient tant scintillé qu'il avait presque eu un mouvement de recul. Et sa poitrine se gonfla violemment sous l'admiration que le timide vomissait par tous ses pores.
Celui trop jeune pour être adulte et trop vieux pour être adolescent, continua de caresser et vénérer l'Illusionniste par la force de ses orbes. Et lorsque ce dernier haussa l'un de ses sourcils, demandant d'une voix grave et luxueuse s'il n'aurait pas un papier et un crayon, il avait simplement secoué la tête.
Le charmeur ne s'étonna pas vraiment, trop occupé à lire les expressions sur le visage du jeune. Il était si réceptif que Namjoon se languissait de lui faire subir ses envoûtements les plus profonds. Dans l'abstrait de ses orbes, s'écrivait toute la confiance et la croyance qu'il vouait au magicien.
Il n'était pas impressionné par la facilité avec laquelle Namjoon bernait tout le monde. Il y croyait simplement. Si naïf ! Si ingénu ! Sa conception trop simplette accordait au blond le loisir de lui faire croire plus de choses qu'il n'avait jamais réussi à faire croire.
Ce n'était pas une simple dextérité dans les doigts et une aisance dans le mensonge, c'était un don, des pouvoirs.
Namjoon était une divinité.
Alors l'être surnaturel sourit, un peu moqueur, et une lueur que le garçon ne vit pas passa dans le sombre de ses pupilles. Il se pencha alors vers la faible silhouette tremblante d'excitation et de nervosité et ses lèvres charnues se déposèrent dans le creux de son cou. Le souffle qui balayait ses cheveux s'arrêta soudainement et il sourit contre sa peau. Puis lorsqu'il se redressa, le garçon ne flageolait plus mais semblait sur le point de s'écraser au sol. Il releva ses yeux papillonnants vers l'illusionniste et ses fines lèvres tremblotèrent, surprises et curieuses.
« - Ici, commença Namjoon en déposant ses grands doigts sur la peau baisée, tu sentiras toujours mes lèvres. C'est plus qu'un autographe petit, et cette sensation ne te quittera jamais. »
Les doigts pressés entre les cuisses du jeune se levèrent, trémulant jusqu'à sa nuque où trop de touchés avaient glissé. Alors il observa son fétiche vivant disparaître sous les faibles lueurs que crachaient quelques ampoules, son dernier murmure hantant la pièce.
« - Jamais. »
VOUS LISEZ
CHARLACIEN. ::taemon
General FictionL'illusionnisme est vieux comme le mensonge et le mensonge est vieux comme le monde.