Volontaire

Branquignol

- Ok, fais voir tes cheveux, on va le planquer là.

La gamine se tourne et présente sa queue de cheval à son animatrice , Axelle pli un petit morceau de papier en quatre et le glisse dans les replis du chouchou.

- Normalement c'est bon, mais essaye de pas te faire attraper, encourage-t-elle avec un clin d'oeil.

- Ça c'est pas gagné...réponds l'enfant avant de s'éloigner, disparaissant dans les hautes herbes.

Axelle essuie ses main moites sur le tissu de son short et replace machinalement la manche de son t-shirt, elle crève de chaud, quelle idée à la con ce grand jeu dans les hautes herbes en plein cagnard, mais vu que c'est la sienne elle ne peut vraiment s'en prendre qu'à elle même.

Quelqu'un arrive en courant, elle l'entend bien avant de le voir. Soudain il émerge des broussailles, à bout de souffle, trempé de sueur, mais l'air victorieux.

-J'ai réussi ! Et ils m'ont même pas attrapé !

-Ah ah ! Super, Mathis, high five ! Le garçon tape bien volontiers dans la main d'Axelle avant de demander :

-Il reste de l'eau ?

-Encore heureux, avec la chaleur qu'il fait il fallait au moins ça. Elle regarde brièvement sa montre. Encore dix minutes et on change de camps.

- Cool, je connais toutes les cachettes, ça va être trop facile.

-On échange avec Amandine.

- Encore plus facile, annonce Mathis en aspergeant sa casquette d'eau. Tu m'en donnes un autre ?

Axelle attrape un des petits papiers et va pour le glisser dans l'étiquette de la languette de basket de Mathis lorsqu'un cri interrompt son geste. Elle redresse la tête, une chute ? Le cri se transforme en hurlement, une grosse chute ?

-Merde, merde, merde. Dit-elle en se lançant à la poursuite du cri. Mathis, la trousse pharma ! Cri-t-elle en se retournant. Le garçon empoigne la petite valise rouge avant de courir à son tour.

- Un gros mot, un euro ! Annonce-t-il en la rattrapant.

Pendant ce temps le cri a cessé et Axelle serre les dents d'apréhension en courant vers un petit regroupement d'enfants déjà sur les lieux du drame. Enfin elle déboule parmi eux.

-Benjamin !

Benjamin, Ben d'habitude, 7 ans, est assis par terre et se cramponne la cheville. Son visage est froncé dans une expression de douleur insupportable, c'est à peine s'il remarque l'arrivée d'Axelle.

-Il s'est passé quoi ? Demande-t-elle à l'assemblée. C'est Clémentine, 15 ans qui lui répond avec pragmatisme.

-Il a été mordu par un serpent.

-Ouais, mais on l'a tué!ajoute Lola en brandissant fièrement le cadavre d'une grosse couleuvre.

-Pour aider le centre anti-poison, j'ai vu à la télé, pour qu'ils sachent quel serpent. Explique son frère Enzo, connaisseur.

-Vous êtes des grands malades, observe Axelle, atterrée. Ben, elle s'accroupit à son niveau, je peux voir la morsure s'il te plaît ?

Benjamin gémi, mais hoche la tête et enlève la main de sa cheville. Sans trop s'y connaître en morsure de serpent, Axelle est néanmoins capable de faire la différence entre la morsure d'une couleuvre et celle d'une vipère. Pour le coup, on dirait bien que Enzo et Lola ont tué le bon coupable, pas de piqure ou de trace de crochets mais deux séries d'empreintes de dents en demi cercle. L'animatrice soupire de soulagement et dépose un baiser sur les boucles rousses de Ben.

-Ça va aller...dit-elle à la fois pour le rassurer et pour elle même.

-Est-ce qu'il faudrait pas qu'on lui fasse un garrot, pour pas que le venin se propage ? Demande Enzo.

Axelle secoue la tête et croise le regard flegmatique mais compatissant de Clémentine.

- Pas. De. Garrot. C'est une morsure de couleuvre. Bande de cinglés, et je dis ça avec toute l'affection possible, vous le savez.

Déçu, Enzo reporte son attention sur la dite couleuvre et entreprend de lui ouvrir la bouche avec un bâton.

Axelle fait un tour d'horizon du terrain, où sont les autres, est-ce qu'elle est la seule à avoir entendu Ben crier ?

-Thomas ! Appelle-t-elle à la cantonade. La tête blonde du jeune homme émerge une dizaine de mètres plus loin dans les hautes herbes, du maquillage de camouflage sur le visage et l'air particulièrement agacé d'avoir dû dévoiler sa position.

-QUOI ?!

Ça aurait pu faire rire Axelle si la situation n'était pas urgente.

-Tu l'entends pas beugler depuis 5 minutes?Demande-t-elle en pointant Ben toujours par terre et donc invisible à Thomas.

-Une technique comme une autre.

Visiblement lui non plus n'est pas bien loin de l'insolation songe Axelle en se passant la main sur le visage.

-C'est pour ça qu'on vous dit de porter une casquette, fait-elle observer au petit groupe autour d'elle, puis à Thomas, Il s'est fait mordre par une couleuvre, il faut le ramener au centre et prévenir Pierre.

- Ok, à tout à l'heure. Et la tête du jeune homme disparaît à nouveau dans la végétation, accompagné par le rire de Mathis et Clémentine.

-Il se fout de ma gueule, c'est pas possible, marmonne Axelle.

- Un gros mo-

- Un euros, le coupe Axelle, je sais. Bon, Ben, c'est comme tu veux, tu marches, je te porte, tu reste ici à la merci des talents médicaux d'Enzo, ce dernier sourit comme si on venait de lui faire le plus beau compliment.

Ben lève les bras vers son animatrice, celle ci soupire, un mélange d'affection et d'agacement, c'est elle qui a proposé après tout, et prend le petit garçon dans ses bras, avant de remonter le terrain en direction du centre de loisir.

- Clémentine, tu diras à l'autre branquignol que c'est l'heure de changer de camps. Prévient-elle avant d'être hors de porté de voix.

-OK ! Répond l'intéressée.

- Est-ce que "branquignol" c'est un gros mot ? Demande Mathis.