Camryn
Nous arrivons à L'Underground juste à la nuit tombée, non sans avoir effectué plusieurs arrêts à diverses adresses. Chaque fois, Damon garait sa camionnette au moteur gonflé dans l'allée, disparaissait à l'intérieur pendant trois ou quatre minutes et remontait sans dire un mot. Du moins sans nous expliquer ce qu'il était allé faire ni à qui il avait parlé - le genre d'informations qui auraient pu rendre ces visites normales. Cependant, il n'y a pas grand-chose de normal chez Damon. Je le connais depuis presque aussi longtemps que je connais Natalie, sans avoir jamais réussi à accepter ses habitudes liées à la drogue. Il fait pousser une quantité de cannabis dans son sous-sol, mais il ne consomme pas. En réalité, en dehors de ses plus proche amis, personne ne suspecterait un canon comme Danon Winters de cultiver de l'herbe, parce-que la plupart des producteurs ressemblent à des petites racailles aux coiffures improbables hésitant entre les décennies 1970 et 1990. Damon n'a rien en commun avec eux - merde, avec sa tête, il pourrait être le petit-frère d'Alex Pettyfer. Et, à l'entendre, la weed, ce n'est pas son truc. Non, sa drogue de prédilection est la cocaïne, il ne cultive que pour vendre et se fournir en poudre.
Natalie assure qu'il ne fait de mal à personne. Elle sait qu'il ne fume pas, et prétend que si les gens veulent se détendre avec un joint, elle se fiche que Damon les aide à assouvir leur vice.
En revanche, elle refuse de croire que Damon ait plus souvent le nez plongé dans la coco que dans quelques parties de son anatomie.
–Bon, tu t'amuses, OK?
Dès que je suis descendue, Natalie claque ma portière d'un coup de cul et me dévisage d'un désespéré.
–Laisse-toi aller, et essaie au moins de t'éclater.
Je lève les yeux au ciel.
–Nat, je ne vais quand même pas me forcer à détester ça. Je tiens à passer une bonne soirée.
Damon contourne la camionnette pour venir nous rejoindre et nous saisit toutes les deux par la taille.
–J'adore me balader avec deux chaudasses au bras.
Natalie lui décoche un coup de coude dans les côtes doublé d'un sourire affecté.
–Arrête, bébé, tu vas me rendre jalouse.
Elle lui jette déjà un regard malicieux.
Damon laisse glisser sa main pour lui pétrir la fesse. Elle pousse un gémissement écœurant et se hausse sur la pointe des pieds pour l'embrasser. J'ai envie de leur dire de se trouver un hôtel, mais autant prêcher dans le désert.
Bien qu'on ne le trouve pas dans l'annuaire, L'Underground est la boîte la plus branchée en dehors de celles qui se situent en centre-ville en Caroline du Nord. Seuls des gens comme nous en connaissent l'existence. Un type nommé Rob a loué un viel entrepôt déserté il y a deux ans de cela et a claqué environ un million de dollars sur la fortune personnelle de son père plein aux as pour le transformer en une sorte de repaire secret. La réputation n'est plus à faire: ici, les dieux vivants de la scène rock peuvent vivre un rêve éveillé au milieu de fans et de groupies hystériques. Cela n'a toutefois rien d'un squat malfamé. De l'extérieur, on dirait vraiment une bâtisse abandonnée au cœur d'une ville plus ou moins fantôme; l'intérieur, en revanche, est digne d'une boîte hard rock haut de gamme avec sa lumière artificielle colorée, ses serveuses aguicheuses et une scène suffisamment vaste pour accueillir deux groupes en même temps.
Afin que L'Underground demeure secret, ses clients doivent se garer plus loin en ville et y arriver à pied, car il n'y a rien de plus louche qu'une file de bagnoles alignées devant un entrepôt désaffecté. Nous avons donc laissé le van derrière un McDo et nous préparons à une balade de dix minutes à travers ce bled sinistre.
Natalie quitte le flan droit de Damon pour venir se glisser entre nous, dans le simple but de me torturer encore un peu.
–Bon, commence-telle comme si elle s'apprêtait à dresser une liste de recommandations. Si quelqu'un te pose la question, tu es célibataire, d'accord? dit-elle en accompagnant sa mise en garde d'un geste dédaigneux de la main. Je ne veux pas t'entendre débiter les mêmes bobards qu'à ce type qui te draguait à l'Office Depot.
–Qu'est-ce qui s'est passé à l'Office Depot? ricane Damon.
–Si tu l'avais vue! Le mec était à ses pieds, raconte mon amie comme si je n'étais pas là. Je veux dire, elle n'avait qu'à battre des cils pour de faire payer une bagnole. Et tu sais ce qu'elle lui a répondu.
Je lève les yeux au ciel et m'arrache de son étreinte.
–Nat, t'es vraiment débile. Ça ne s'est pas passé comme ça.
– Mais oui, ma chérie, intervient Damon. S'il bosse à l'Office Depot, il n'a certainement pas les moyens de lui acheter une voiture.
Natalie lui assène un coup de poing joueur à l'épaule.
–Je n'ai pas dis qu'il bossait là-bas! Bref, ce gars aurait pu être un mélange de... d'Adam Levine et de... (Elle agite les doigts au-dessus de sa tête le temps de trouver un autre exemple.)... Jensen Ackles, et mademoiselle lui réplique qu'elle est lesbienne quand il lui demande son numéro.
Son exagération commence à m'agacer.
–Oh, Nat, arrête! Il ne ressemblait ni à l'un ni à l'autre. Ce n'était pas un laideron, un point c'est tout.
Elle balaie mon argument d'un revers de la main et reprend son histoire.
–Bref. Tout ça pour dire qu'elle n'hésite pas à mentir pour les faire fuir. Je ne doute pas une seconde qu'elle serait prête à prétendre qu'elle est pleine de verrues génitales et abrite une colonie de morpions.
Damon éclate de rire.
Je m'arrête sur le trottoir sombre, croise les bras et me mâchouille la lèvre inférieure d'énervement.
Quand elle se rend compte que je n'avance plus à leur côté, Natalie fait demi-tour et revient vers loi en courant.
–C'est bon! C'est bon! Écoute, je te demande juste de ne pas te fermée toutes les portes, rien de plus. Je voudrais simplement que si un mec pas complètement difforme t'invite à boire un verre, tu ne le repousses pas sur-le-champ. Il n'y a rien de mal à faire connaissance. Je n'exige pas non plus que tu rentres avec lui.
Je la déteste déjà. Elle avait promis!
Damon enroule ses bras autour de sa taille et vient enfouir son nez dans son cou. Elle se tortille de délice.
–Laisse-la faire ce qu'elle veut, ma chérie. Arrête de la harceler.
–Merci, Damon, dis-je avec un brusque hochement de tête.
Il m'adresse un clin d'œil.
Natalie fait la moue.
–Tu as raison, dit-elle en levant les mains en signe d'apaisement. Je ne dirai plus rien. Juré.
Ouais, j'ai déjà entendu ça quelque part...
–Bien, dis-je en reprenant ma marche.
Ses bottes me martyrisent déjà les pieds.
Le colosse à l'entrée de l'entrepôt nous toise sans décroiser les bras.
Puis il tend la main.
Natalie prend un air offensé.
–Quoi? Rob fait payer, maintenant?
Damon sort son portefeuille de sa poche arrière et entreprend de compter ses billets.
–Vingt balles par tête, grogne l'ogre.
–Vingt? Vous rigolez ou quoi? s'emporte Natalie.
Damon la pousse gentillement de côté et dépose trois billets de vingt dans la main du physio, qui s'écarte alors pour nous faire passer. J'entre la première, et Damon encourage Natalie à me suivre en lui posant la paume dans le bas du dos.
Elle adresse un sourire méprisant au videur en passant devant lui.
–Je suis sûre qu'il va tout se mettre à gauche, râle-t-elle. Je vais en toucher deux mots à Rob.
–Viens, lui intime Damon.
Nous franchissons la porte et pénétrons dans un long couloir monotone à peine éclairé d'un néon fatigué, qui nous mène jusqu'à un ascenseur industriel.
Le métal cahote bruyamment tandis que la porte de la cage se referme, et nous descendons sans discrétion au sous-sol. Il n'y a qu'un étage, mais l'ascenseur cliquette tant que je crains qu'il ne se brise d'une seconde à l'autre et ne nous précité à notre perte. De violentes percussions et des cris d'étudiants éméchés, sans doute canalisés par les nombreux conduits qui parcourent l'endroit, s'intensifient à mesure que nous nous enfonçons dans les tréfonds de L'Underground. La cabine s'immobilise dans un soubresaut et un autre colosse nous en libère.
Natalie le pousse impatiemment.
–Dépêche-toi! lance-t-elle joyeusement.
Sa voix couvre la musique tandis que nous nous frayons un passage jusqu'à la salle principale.
Nat prend Damon par la main, puis tente de saisir la mienne, mais je sais ce qu'elle a en tête et je refuse de me mêler à cette masse de corps sautillants et transpirants avec ces foutues bottes.
–Oh, allez! m'encourage-t-elle d'un ton presque suppliant.
Elle m'agrippe sans prévenir pour l'attirer vers elle avant de s'exclamer:
–Ne fais pas l'enfant! Si quelqu'un te fait tomber, je le charge personnellement de lui casser la gueule, d'accord?
Damon m'adresse un sourire en coin.
–OK! m'écrié-je avant de les suivre.
Natalie manque de me déboîter les doigts à force de tirer dessus.
Nous rejoignons la piste et, après s'être comportée en meilleure amie en se frottant contre moi pour ne pas m'exclure, elle m'oublie bientôt pour se consacrer tout entière à Damon. Leur parade amoureuse manque cruellement de pudeur, pourtant nul ne semble s'en offusquer. Si je le remarque, c'est sans doute parce que je suis la seule dans cette salle à ne pas en faire autant avec mon rencard du soir. J'en profite pour m'éclipser et me diriger vers le bar.
–Qu'est-ce que je te sers? s'enquiert le grand blond au comptoir, tandis que je me hisse avec peine sur un tabouret vide.
–Un Cuba libre.
Il le prépare devant moi.
–De l'alcool fort, hein? raille-t-il en remplissant mon verre de glace. Tu me montres ta carte d'identité?
Il sourit, s'attirant une moue.
–Ouais, dès que tu m'auras montrer ta licence.
Il sourit derechef et me tend mon cocktail.
–Je ne bois pas beaucoup, en général, précisé-je en aspirant une gorgée.
–Pas beaucoup?
–Ouais, disons que ce soir j'ai besoin d'un petit coup de fouet.
Je repose mon verre et parcours du doigt la tranche de citron qui orne le bord.
–Pourquoi ça? demande-t-il en nettoyant le comptoir.
–Que ce soit clair, répliqué-je en levant le doigt. Avant que tu te fasses des idées, je tiens à préciser que je ne suis pas venue vider mon sac: ce n'est pas une consultation barman-cliente.
Natalie est la seule psy que je puisse supporter.
Il éclate de rire et jette sa feuille d'essuie-tout quelque part derrière lui.
–Tant mieux, parce que je ne suis pas du genre à donner des conseils.
Je sirote une nouvelle gorgée, me penchant cette fois sur ma paille plutôt que de la porter à mes lèvres; mes cheveux cascadent autour de mon visage. Je me redresse et fais glisser une mèche derrière mon oreille. Je déteste vraiment les avoir détachés; c'est beaucoup d'ennuis pour pas grand-chose.
–Eh bien, si tu veux tout savoir, reprends-je en le regardant, j'ai été traînée ici par mon incorrigible meilleure amie, qui se serait sans doute débrouillée pour prendre une photo honteuse de moi pendant mon sommeil afin de me faire du chantage si je n'avais pas cédé.
–Ah, je vois, répond-il en croisant les mains sur le comptoir. J'ai eu un pote dans le même genre. Six mois après que ma fiancée m'a largué, il m'a emmené de force dans une boîte. Je n'aspirais pourtant qu'à rester cloîtré à la maison, mais il s'est avéré que cette sortie était exactement ce que j'avais besoin.
Génial, voilà qu'il pense déjà me connaître, ou du moins «avoir vécu ça». Alors qu'il ignore tout de ma situation. À la rigueur, il a peut-être rencontré des difficultés avec une ex -qui n'en a pas eu?-, mais pour le reste... Le divorce de mes parents, l'arrestation de Cole, mon frère aîné, le décès de l'amour de ma vie... Je ne vais sûrement pas lui déballer tout ça. La seconde où vous vous ouvrez à quelqu'un fait de vous une pleurnicheuse, et c'est tout juste s'il ne faut pas sortie les violons. La vérité est que nous avons tous nos problèmes; nous traversons tous des passes difficiles, et la douleur que je ressens est négligeable comparée à celle de bien d'autres personnes. Je n'ai vraiment aucun droit de m'en plaindre.
–Je croyais que tu n'étais pas du genre à donner des conseils? dis-je en souriant.
Il s'écarte du bar et réplique:
–En effet. Mais remercie-moi si tu tires quoi que ce soit de mon histoire!
J'affecte un léger sourire et fais semblant de boire une nouvelle gorgée. Je n'ai pas vraiment besoin d'un coup de fouet, et je n'ai aucune envie de me soûler, d'autant moins que j'ai le sentiment que c'est encore moi qui vais devoir nous ramener à la maison.
Afin de détourner la conversation, je pose un coude sur le bar, plante mon menton sur mon poing et reprends:
–Alors, qu'est-ce qui c'est passer, ce soir-là?
Un léger sourire se dessine sur le côté gauche de sa bouche, et il secoue sa jolie tête blonde.
–J'ai couché pour la première fois depuis la rupture, et je me suis enfin souvenu ce qu'on ressent quand on n'est plus attaché à quelqu'un.
Je ne m'attendais pas à ce genre de réponse. La plupart des gars auraient menti sur leur peur de vivre une vraie relation, surtout lorsqu'ils me draguaient. Celui-là m'est sympathique. Juste sympathique: pas question que je lui fasse sa fête, comme dirait Natalie.
–Je vois, dis-je en m'éfforçant de conserver un sourire raisonnable. Au moins, tu es honnête.
–Pas vraiment le choix, réplique-t-il en saisissant un verre pour se préparer son propre Cuba libre. Je me suis rendu compte que la plupart des filles avaient aussi peur de s'engager que les mecs, aujourd'hui. Si on est honnête d'entrée de jeu, on a plus de chances de sortir indemne d'une relation éphémère.
J'acquiesce, tout en tripotant ma paille. Hors de question que je lui avoue, mais je suis complètement d'accord avec lui et je trouve ça plutôt rafraîchissant. Je n'y ai jamais vraiment réfléchi, mais autant je ne veux pas entendre parler d'une relation stable, autant j'ai mes besoins et je n'ai rien contre un coup d'un soir.
Mais pas avec lui. Ni avec qui que ce soit ici. J'assume, je ne suis peut-être pas assez courageuse pour coucher avec un type que je ne connais pas. Et l'alcool commence déjà à me monter à la tête. À vrai dire, je n'ai jamais encore fait ce genre de truc et, même si l'idée est plutôt excitante, elle me fiche une sacrée trouille. Jusqu'à aujourd'hui, je n'ai connu que deux garçons: Ian Walsh, mon premier amour, qui m'a pris ma virginité avant de mourir trois mois plis tard dans un accident de voiture, et Christian Deering, qui était censé me remettre le pied à l'étrier mais m'a honteusement trompée avec une salope de rouquine.
Heureusement que je n'avais pas prononcé cette courte phrase assassine qui commence par «je» et finit par «t'aime», car je savais, en mon for intérieur, qu'il n'en pensait rien quand il me l'avait dite.
Ou alors il était sincère, et c'est précisément pour cela qu'il avait fini par aller voir ailleurs au bout de cinq mois: parce que je ne lui avais jamais répondu.
Je constate que le barman sourit, attendant patiemment une réplique de ma part. Il a vraiment bon fond; à moins qu'il ne cherche seulement à avoir l'air sympa. Force est de reconnaître qu'il est plutôt mignon; il doit avoir les vingt-cinq ans, et ses yeux marron clair ont tendance à sourire avant sa bouche. Et j'ai déjà remarqué se biceps et son torse harmonieux sous ce tee-shirt moulant. En plus, il est bronzé: il a clairement passé l'essentiel de sa vie au bord de l'océan.
Je cesse de le dévisager dès que je le surprends à l'imaginer en maillot.
–Blake, se présente-t-il alors. Le frère de Rob.
Rob? Ah, oui, le proprio de L'Underground.
Je lui serre doucement la main.
–Camryn.
J'entends la voix de Natalie avant même de voir celle-ci. Elle se fraie un passage parmi les clients agglutinés autour de la piste de danse et se faufile jusqu'à moi. Elle avise Blake immédiatement, et ses prunelles se mettent à pétiller à l'unisson avec son sourire éclatant. Damon, qui lui tient toujours la main, se contente de me regarder d'un air neutre. Cela me fait une drôle d'impression, que je repousse dès que Natalie plaque son épaule contre la mienne.
–Qu'est-ce que tu fais là? me demande-t-elle d'un ton accusateur.
Son regard navigue plusieurs fois entre Blake et moi, avant qu'elle m'accorde son attention pleine et entière, un sourire jusqu'aux oreilles.
–Je bois un verre. Tu es venue t'en chercher un ou me faire chier?
–Les deux! s'exclame a-t-elle en lâchant la main de Damon pour pianoter sur le comptoir du bout des doigts. N'importe quoi avec de la vodka, commande-t-elle joyeusement à Blake.
Celui-ci hoche la tête avant de se tourner vers Damon.
–Un Cuba libre, dit-il.
Natalie s'approche si près de mon oreille que je sens son souffle chaud quand elle me chuchote:
–Putain, Cam! Tu sais qui c'est?
Je constate que Blake sourit légèrement, l'ayant entendue.
Me sentant rougir d'embarras, je murmure en retour:
–Ouais, il s'appelle Blake.
–C'est le frère de Rob! siffle-t-elle.
J'adresse un regard en biais à Damon, espérant qu'il saisira l'allusion et l'entraînera à l'écart, mais il fait comme s'il ne comprenait pas. Où est passé mon Damon, mon allié de toujours quand il s'agit d'affronter Natalie?
Oh, oh, il doit encore être furax contre elle. Il ne se comporte comme ça que quand elle a ouvert sa grande bouche ou fait quelque chose qui ne lui a pas plu. Et nous ne sommes ici que depuis une demi-heure. Elle n'a pas du avoir le temps de faire beaucoup de bêtises. D'un autre côté, on parle de Natalie, et si quelqu'un est capable de foutre en rogne son copain en moins d'une heure et sans même s'en rendre compte, c'est bien elle.
Je glisse à bas du tabouret et l'empoigne le bras pour l'éloigner du comptoir. Damon, comprenant sans doute ma manœuvre, reste en retrait auprès de Blake.
Le volume de la musique augmente tandis que le groupe achève un morceau et enchaîne sans temps mort.
–Qu'est-ce que tu as fait?
Elle se trémousse en rythme comme si je n'étais pas là.
–Nat, je ne rigole pas.
Elle s'immobilise enfin pour le dévisager sans comprendre.
–Pour énerver Damon? expliqué-je. Il était de bonne humeur en arrivant.
Elle jette un coup d'œil à l'intéressé, qui sirote tranquillement sa boisson au comptoir, puis m'observe d'un air confus.
–Je n'ai rien fait... je crois.
Elle fait monde de se concentrer, réfléchissant à ses derniers faits et gestes.
Puis elle pose les mains sur ses hanches.
–Qu'est-ce qui te fait croire qu'il est énervé?
–Ça se voit dans son regard. Et je déteste quand vous vous engueulez, surtout quand je suis coincée avec vous pour la soirée et que je dois vous écouter ressasser un vieux dossier.
Natalie arbore alors un sourire malin.
–Eh bien, j'ai l'impression que tu es un peu parano, et que tu essaies de faire diversion pour que je ne pose pas de questions sur Blake et toi.
Elle affiche à présent cet air que je déteste. Je lève les yeux au ciel.
–Il n'y a pas de «Blake et moi». On discute, c'est tout.
–C'est un bon début. Maintenant, tu dois lui sourire, précise-t-elle en illustrant son propos par un sourire jusqu'aux oreilles. Ce que tu faisais carrément quand je vous ai rejoints, fait-elle remarquer, les bras croisés, dressant un hanche provocante. Je parie qu'il n'a même pas eu à t'arracher les mots de la bouche. La preuve, tu connais déjà son nom.
–Pour quelqu'un qui veut me voir m'amuser et rencontrer quelqu'un, tu ne sais vraiment pas la fermer quand les choses évoluent dans ton sens.
Natalie se laisse de nouveau entraîner par la musique, lève légèrement les mains au-dessus de sa tête et se met à onduler, plus séduisante que jamais. Je reste raide comme un piquet.
–Il ne va rien se passer, affirmé-je fermement. Tu as gagné, je parle a quelqu'un d'autre chose que de mes faux problèmes vaginaux, alors je t'en prie, n'en fais pas tout un sketch.
Elle pousse un soupir interminable et s'arrête de danser le temps de dire:
–Tu as raison. Je te laisse avec lui, mais s'il te fait monter chez Rob, je veux connaître tous les détails.
Elle me plante un doigt dans les côtes, l'œil mi-clos et les lèvres pincées.
–D'accord, aquiescé-je pour me débarrasser d'elle. Mais ne retiens pas ton souffle trop longtemps, car il ne va rien se passer.
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Loin de tout - Ethan Dolan
RomantikUn aller simple pour nulle part... Camryn n'a jamais voulu se contenter d'une petite vie tranquille. À vingt ans, alors qu'elle croit que son avenir est sur des rails, elle perd son petit-ami dans un accident de voiture. Tout s'écroule. Cédant à un...