I.

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« QU'ELLES CRÈVENT TOUTES J'EN PEUX PLUS ! »

Au volant d'une vieille Mercedes 240 D, aux vitres avant explosées, aux sièges en cuire dégueulasses et craquelés de partout, au bordel à l'arrière, à tel point que l'on ne distingue même plus le sol, je chante comme un dingue une musique qui passe dans l'auto-radio. Enfin, je ne chante pas, je gueule les paroles de Saez tel un possédé.

« PUTAIN VOUS N'M'AUREZ PLUUUUS ! »

Mes mains jouent de la batterie dans le vide, lâchant le volant et appuyant mon pieds sur l'accélérateur. Je crie comme un dératé sans arrêt, sentant ma voix défaillir par moment, mais je m'en fous complètement.

Je suis arrivé à un moment crucial de la musique quand je dois freiner brusquement, faisant claquer mon torse contre le guidon et crisser mes pneus. Putain ! Il va m'entendre lui à traverser comme ça sans regarder !

J'éteins ma radio, je détache ma ceinture furieux et ouvre la vieille portière pourrie et qui se ferme seulement en la claquant hyper fort, ce que je n'oublie pas de faire en descendant. Je me mets devant ma caisse et hausse le ton :

« Non mais t'es complètement inconscient mon pote ?! T'as failli te faire envoler du con ! »

Je passe mes mains dans mes cheveux dans un tic nerveux et tourne en rond, trop perturbé de l'avoir presque tué. Vous vous imaginez, j'étais à deux doigts d'avoir un casier judiciaire ! Je suis trop jeune pour ça merde.

Je dévisage la petite bête devant moi, fronçant les sourcils pour qu'elle ressente bien ma colère et ajoute :

« Allez viens je t'emmène, t'as l'air traumatisé p'tite bête. »

Je m'abaisse et récupère le petit corps figé devant ma bagnole, qui était à deux doigts de passer sous mes roues. Bah, au moins elle pourra se vanter d'avoir frôlé la mort, ça claque toujours de dire que vous avez faillit basculer du côté obscure de la force. Ça donne un côté badboy / badgirl qui en fait craquer plus d'un.

Je la dépose sur le siège passager, retirant mon paquet de Marlboro et ma bouteille de tequila avant et que je jette à l'arrière, avec tout mes autres bagages.

« Bon alors, comment tu t'appelles ? Parce qu'on va faire un bout de chemin ensemble tu sais, je te déposerai au prochain hôtel que je vois, histoire qu'on te soigne. Moi j'm'appelle... Euh... Ça commence par un M j'crois, à moins que ce ne soit un P ? »

Je souris et me tourne vers mon invité/victime, qui elle ne sourie pas et semble me dévisager. Je lève les mains au ciel et démarrant la voiture.

« Oh calmos poto ! Je rigole, j'essaie de faire un peu d'humour tu vois ? Bon ok j'suis nul pour ça. Mais j'aurais tenté hein. Un jour je sais que je ferais rire une personne, et ce jour là ma p'tite bête, je peux te dire que j'épouserai cette personne. »

Je remets mes mains sur mon guidon fin aux allures anciennes. Je me rends compte que j'ai toujours aimé les choses vieilles, même niveau mec je préfère les ancêtres. Je rigole tout seul. Si ce petit con de Freud avait été là, il me dirait probablement que c'est un désir refoulé depuis l'enfance. D'après lui, on a tous envie de s'envoyer en l'air avec sa mère et de tuer son père. Maintenant qu'on y pense, c'est peut-être pour ça que j'ai jamais pu piffrer les jeunes, ma mère pue la vieillesse depuis que je suis né. Pour moi, elle n'a jamais été jeune, toujours habillée de son vieux tricot blanc cassé, ses chaussures à petites talonnettes trop usées et son pantalon à coupe droite et à poids. Même sa maison infestait mes narines de poussière et de l'odeur du vieux typique. Mais dieu, si j'avais voulu me taper cette antiquité, le diable lui-même m'aurait laissé sa place sur le trône de l'enfer. Et je parle pas de chiotte. Non pire, il n'aurait même pas voulu de moi, on m'aurait balancé dans le trou noir de l'univers. Et, encore une fois, je parle pas de cul.

Phedra Marshall. Où les histoires vivent. Découvrez maintenant