Chapitre 2

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Plus les jours passèrent, plus je devins obnubilé par mon voisin. J'y pensais toujours; autant à l'école qu'en présence de mes amis et de ma famille. Qui était-il? Pourquoi avait-il été si bête et désagréable avec moi? Pourquoi avait-il déménagé ici? Je ne cessais de me repasser en boucle toutes ces questions. Malheureusement, aucune réponse plausible ne me vint à l'esprit et je trouvais cela grandement frustrant. Par contre, je suis persuadé que si je me donnais la peine de chercher, je pourrais glaner de fabuleux renseignements sur lui. Mais pour cela, il me fallait un plan audacieux. Je ne pouvais en parler avec personne, car ils auraient tous découvert mes intentions qui d'ailleurs n'étaient pas très respectueuses. Il fallait que je trouve par moi-même. Peut-être pourrais-je espionner mon voisin? Je songeais que le tas de feuilles présent dans sa cour ne serait pas une mauvaise cachette. Cependant, j'aurais bien du mal à justifier les motifs de cette action à mes parents s'ils me surprennent. De plus, s'il reste des feuilles accrochées dans mes cheveux hirsutes, je devrais investir plusieurs pénibles minutes à démêler ma tignasse ce qui a pour effet de me faire abandonner immédiatement cette idée.

Le lendemain, en voyant ma mère aller chercher le courrier de la semaine, je mis au point une autre stratégie afin de découvrir des renseignements sur l'homme habitant à droite de chez moi. J'allais intercepter son courrier, rien de moins. C'était risqué, mais en changeant mon apparence un minimum, je pourrais tromper assez facilement la factrice. C'est ainsi que le mardi suivant, je me présentais aux casiers postaux vêtu d'un pantalon de jogging et d'une veste à capuchon noir. J'aperçu la voiture de poste Canada venir dans ma direction. La conductrice se gara à côté de moi et pris une pile d'enveloppes dans le coffre de sa fourgonnette. Alors qu'elle ouvrait la porte du casier 1, je lui dis:

-Excusez-moi madame!
-Oui mon garçon, tu veux quelque chose?
-Oui! J'aimerais savoir si vous avez du courrier pour l'homme vivant au 212 rue Oxford, puisqu'il s'agit de mon oncle et...
-Il t'a demander de le lui apporter, j'imagine, dit-elle en me coupant la parole.
-C'est ça, oui, dis-je avec un hochement de tête.
-Vois-tu, ce n'est pas parce que je ne veux pas, se justifia la factrice, mais, maintenant, les facteurs et moi-même avons reçu l'ordre de ne remettre le courrier qu'aux propriétaire, puisque nous avons vécu un tas d'embêtements à propos de gens qui interceptaient des lettres et qui en profitaient pour créer des problèmes.
-Oh, je comprends, répondis-je avec un ton de voix où perçait une pointe de déception, mais mon oncle s'est...

Je n'ai même pas eu le temps d'inventer un malheur qu'avait pu avoir mon «oncle», car elle me coupa encore la parole (cela devenait grandement insultant) pour me dire un truc du genre «les règles sont les règles, il faut les respecter qu'on en ait envie ou non et bla-bla-bla» pendant plusieurs minutes jusqu'à temps que je capitule et dis-je:

-Bon, il faut que j'y ailles si je ne veux pas manquer l'autobus.
-Bon, bonne journée, alors!
-Vous aussi, répondis-je machinalement.

Je m'attardais encore un peu et vit qu'elle glissa dans le casier numéro 1, le courrier portant l'adresse civique du 212, soit un magazine sur la localisation des forêts de la région, bref, rien de suspect, ni d'intéressant. Et c'est ainsi que se termina mon aventure, qui ne m'apporta rien de plus que de la frustration.

Le samedi d'après, j'eus une autre idée de génie. J'allais écrire un journal conscernant toutes les habitudes de vie de mon voisin. Par exemple, j'allais noter l'heure de ses allées et venues ainsi que ce qu'il allait faire d'étrange sur son terrain. Et bien sûr, je l'observerais de la fenêtre de ma chambre avec mon téléscope pour éviter de me faire repérer. Prenant, le premier cahier à feuilles lignées qui me tomba sous la main, j'entamai la rédaction de mon journal d'observations. J'y notais:

Mercredi 15 octobre 18:48
Mon voisin est présentement chez lui. Je le vois qui fume un cigare sur sa galerie. À première vue, tout à l'air normal, mais j'aperçois qu'il a un air fatigué. Peut-être est-ce dû à un manque de sommeil ou plus probablement à des excès de mauvaise humeur répétitifs.
Jeudi 16 octobre 6:32
Il vient de quitter sa résidence en ruine à pieds. Il doit travailler au dépanneur du coin ou à l'épicerie, bien que je ne l'ai jamais vu dans aucun des deux endroits.
Jeudi 16 octobre 17:21
Il arrive chez lui. Il déverrouille le cadenas qu'il a accroché à sa porte, puis rentre s'enfermer dans son taudis. Finalement, il travaille à la boucherie. Je l'ai aperçu ce matin en prenant l'autobus.

Après plusieurs jours de travail acharné, je réussis à noter un horaire fixe des heures où mon voisin n'est pas chez lui. Maintenant que je détiens ces informations, je vais enfin pouvoir élaborer un plan d'attaque pour m'introduire sur sa propriété afin de vérifier par quels moyens je pourrais pénétrer dans sa demeure.

Nuit blancheOù les histoires vivent. Découvrez maintenant