Chapitre 1 : Le retour

206 14 13
                                    



Aéroport d'Orly Avril 2010

Suzie

J'arpente le hall des arrivées depuis trois quarts d'heure et commence à perdre patience. Pour la énième fois, je consulte ma montre, rajuste mon sac de voyage sur l'épaule. Je déteste attendre, et mon meilleur ami, qui pourtant me connaît mieux que personne, me met à l'épreuve le jour de mon retour en France !

Il ne perd rien pour attendre, grommelai-je entre mes dents.

Je souris à ce jeune homme qui se dévisse le cou pour me déshabiller du regard en se retournant sur mon passage et manque de percuter un passager plus pressé.

Oui, je sais, soupirai-je mi-amusée, mi-fataliste, tous les mecs fantasment sur moi.

Je suscite l'attention dans cette tenue légère mettant en valeur mes longues jambes fines et musclées, ma taille de guêpe et une poitrine généreuse que ma robe près du corps souligne ostensiblement. J'attise la convoitise des hommes et la jalousie des femmes. Il semble que mon port altier et mon air dédaigneux ne rebutent pas les mâles, au contraire, et je m'exaspère parfois de devoir repousser ceux que mon regard de glace ne parvient pas à maintenir à distance, ceci dans mes mauvais jours. Parce que pour les autres, j'avoue que ça m'excite terrible !

Nico, je vais te tuer si je dois attendre encore cinq minutes.

Je m'installe sur le comptoir d'accueil et farfouille dans mon sac à la recherche de mon téléphone. Aussitôt, un steward — c'est bien sa chance — se précipite.

— Je peux faire quelque chose pour vous ?

Je dédaigne sa proposition et parvient à mettre, en un temps record, la main sur mon portable noyé dans le fatras des mille choses inutiles de mon sac. Triomphante, j'exhibe mon téléphone sous le nez du jeune homme pour lui faire comprendre, sans mot dire, que j'ai tout ce qu'il me faut. Ce dernier hoche la tête et s'éloigne afin de répondre à la requête d'une famille dont les enfants se disputent tandis que leur mère s'efforce de les contenir.

Je compose le numéro de mon ami. Répondeur !

— Nico, si tu n'es pas là dans cinq secondes, ce qui va m'obliger à appeler un taxi pour rentrer, je te jure qu'Eve peut déjà te trouver un remplaçant pour sa descendance parce que je vais te faire bouffer les couilles.

Sur ces paroles, plutôt choquantes dans la bouche d'une jeune femme aussi élégante, — pour reprendre les sempiternels reproches de ma mère––, je raccroche. La mère de famille me jette un regard horrifié tandis que ses mômes chuchotent et gloussent entre eux.

— Tu as entendu ? Elle a dit « couilles » !

Je les regarde en haussant les épaules. J'aurais presque envie de leur tirer la langue. Je me contiens et commence à compter à rebours.

— Cinq, quatre, trois, deux...

— Un, conclut pour moi un jeune homme.

Je me retourne, m'accoude au bureau, penche la tête en arrière et éclate de rire. Nicolas, les mains dans les poches d'un jean brut, chemise blanche cintrée et entrouverte sous un blouson de cuir noir, me regarde en souriant.

— Je ne parviendrai jamais à savoir comme tu fais pour réussir ton coup à chaque fois.

— C'est tout un art, ma belle. Si je te révélais mon secret, je ne pourrais pas profiter de l'effet jubilatoire que ça me procure à chaque fois.

Pas Sans Toi reédité chez So RomanceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant