Nouvel Environnement

158 10 33
                                    

J’ouvris péniblement les yeux. Le soleil ne s’était pas encore levé que je devais sortir de mon lit. Le matelas peu confortable avait endolori mon corps entier. Chaque mouvement devenait une torture. Cela faisait pourtant un mois que nous habitions ici et je n’étais pas parvenu à m’y habituer. Le calme de la campagne me rendait anxieux et m’empêcher de dormir paisiblement. Le bruit des voitures était pour moi un quotidien, une habitude. Ce calme plat me rendait fou.
J’entendis la voix enjouée de ma mère me prévenant que mon petit-déjeuner était prêt. Je soupirai en fermant fortement les yeux et avec le peu de courage que j’avais en moi, sortis de mon lit. Je parcourus la pièce vide de ma chambre jusqu’à la porte ; marcha le long du couloir sur un plancher grinçant et descendis les escaliers en bois prêt à craquer sous nos pieds. Je détestais ce logement où tout était prêt à se détruire. Ma mère me disait de ne pas m’en plaindre, notre loyer était gratuit en échange de son aide dans les champs. Il est vrai que je n’avais aucun droit de me lamenter, ici, j’étais hors de danger et je pouvais respirer un air pur. Je devais être patient.

L’odeur du riz chaud traversait toutes les pièces de cette vieille maison. Après avoir déposé un baiser sur la joue de ma mère, je m’installais à table. Sur la table se trouvait deux bols de riz, du kimchi, deux bols de soupe bien chaude ainsi qu’une assiette de légumes accompagnée d’une omelette. Aujourd’hui était un jour spécial, et même si je ne l’avais pas su, il aurait été facile de le deviner. Ma mère cuisinait rarement un petit-déjeuner aussi copieux, excepté lorsqu’elle était de bonne humeur ou lorsque quelque chose de particulier allait se produire.
Elle me servit un verre d’eau et s’installa à table en face de moi. Elle m’observait manger comme si elle venait d’adopter un petit chiot. Son regard était rempli de tendresse et je ne pus m’empêcher de lui rétorquer un sourire.

- C’est délicieux. Avais-je dit avec la bouche quasi pleine de riz.

Ma mère continuait de sourire. Je pouvais voir dans son regard tout l’amour et l’inquiétude qu’elle portait pour moi. Je lui étais tellement reconnaissant pour tout cet amour mais j’étais aussi désolé de ne jamais avoir eu le courage de lui dire la vérité.

- Régale-toi. Tu as besoin de prendre des forces avant d’aller dans ta nouvelle école.

Mes yeux se baissèrent en direction de la table. « Nouvelle école ». Ces deux mots que je détestais. J’aurais préféré aider ma mère dans les champs que d’aller dans une nouvelle école peuplée de personnes que je ne connaissais pas.

- Tu te feras des tas de nouveaux amis ! M’avait-elle dit d’un ton surexcité.

J’acquiesçais en souriant afin de ne pas la décevoir. Si on avait déménagé loin de Séoul, c’était de ma faute, alors je n’avais aucun droit de répondre quoique ce soit. C'est pourquoi je me contentais de lui sourire en finissant mon petit déjeuner.

Après avoir enfilé mon nouvel uniforme scolaire, mes chaussures et mis ma veste, ma mère m’apporta ma valise. Son regard pétillant s’était vaguement dissipé et laissait place à l’inquiétude. C’était la première fois qu’elle me laissait partir dans un nouvel univers et savait parfaitement quel était mon ressenti. Elle posa la valise à côté de moi, contre le mur. Je terminais de mettre mon sac à dos sur les épaules et la pris dans mes bras. Sa main qui caressait avec douceur mon dos me rassurait. Même si la planète entière se mettait à me détester, une personne serait toujours présente pour me dire qu’elle est à mes côtés et qu’elle le sera jusqu’à son dernier souffle. C’était le message que je comprenais de cette douce étreinte.
Une fois avoir terminé ce moment de douceur, il était temps pour moi de partir. Je déposai un dernier baiser sur le front de ma mère, m’empara de la valise et sortie sans me retourner. Je ne voulais pas voir les yeux de ma mère brillaient de chagrin, je voulais garder son image souriante et ressentir la douceur de ses mains sur mon dos en guise de derniers souvenirs. J’avais des tas de choses à lui dire, mais tous les mots qui seraient sortis de ma bouche lui auraient fait monter les larmes. Je préférais qu’elle garde une image de moi souriant et savourant son repas. Pour rien au monde, je voulais la blesser.

KILL ME OR LOVE MEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant