«Rien n'est plus vivant qu'un souvenir»
Frederico G. LORCA— Mamaan, je veux sortir dehors !!
— Arrête un peu de te plaindre et viens m'aider, veux-tu !
Le pas lourd et la mine déconfite, tu avais quittée la chaise sur laquelle tu t'étais laissée choir pour rejoindre Mère, affairée à la préparation d'un plat destiné aux collègues de travail de Père. Ces derniers s'étaient installés dans le salon alors, comme toujours, nous avions dû nous soustraire à leur vue en nous abritant dans la cuisine, composée d'une fenêtre, stratégiquement placée par Père en hauteur pour que nous ne soyons visibles de l'extérieur, et d'une porte ne pouvant se fermer que de l'intérieur pour éviter que des gens ne s'aventurent dans la pièce. Ils savaient que nous existions, mais il fallait le leur faire oublier autant que possible, telle était la mission.
Tu mélangeais la sauce distraitement, le regard déviant vers la vitre qui laissait passer les rayons d'un soleil éclatant, soleil dont la présence semblait t'énerver plus qu'autre chose. Tu le fixais comme si tu lui en voulais d'avoir déserté de ta vie. Avec une légère tape sur la tête, Mère t'avais ramenée à l'ordre, et, si tu repris immédiatement ton travail, tu n'étais pas pour autant plus concentrée. Le nez froncé, les sourcils arqués, tu semblais chercher à percer le mystère de ce soleil qui semblait ne vouloir sortir que quand toi ne le pouvais.
Cette journée-là, malgré son banal commencement, est à jamais marquée dans mon esprit. Tu avais cherché à mettre un peu de piquant à cette routine t'ennuyant tant sans imaginer que ton acte aurait des conséquences aux portées extrêmes. Tu n'étais, après tout, qu'un enfant à qui on avait trop longtemps interdit un souhait.
Un enfant qui vit, lorsque Mère sortit avec les plats concoctés pour les offrir aux collègues de Père, une occasion d'enfin réaliser un rêve depuis trop longtemps encagé, mais également un Père qui eut une toute autre perception de la chose, qui ne vit que ce qu'il voulut voir, ne crut que ce qu'il voulut croire. Comme toujours.
Le piquant que tu cherchais à saupoudrer dans ta vie, tu l'avais trouvé. Et il était plus pimenté que jamais tu ne l'aurais imaginé.
Les raisons, si claires qu'elles soient, ne rendent pas pour autant l'acte plus humain. Certains vous diront que la guerre est une nécessité, mais moi ne verrai jamais autre chose que les cadavres gisants sur le sol, ceux de civils, ceux d'enfants, d'innocents. J'ai vu des choses que d'autres ne verront jamais, vécu des choses que certains n'expérimenteront que de par l'intermédiaire de livres, d'histoires. Je me souviens de chaque instant, chaque visage avec une vivacité qui moi-même m'effraie, comme si le spectacle terrifiant auquel j'avais eu l'horreur d'assister était à jamais gravé dans mon esprit, pour des raisons qui à moi-même échappent. Je ne comprends pas pourquoi il a fait ça, ne comprendrai sans doute jamais, mais jamais non plus je n'oublierai.Je me souviens...
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NA: L'histoire en sa totalité peut être retrouvée sur IBooks
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Identités
Teen FictionElle était Lan, fille de Lin, orpheline. Mais n'était-elle pas plus Lan que Lin? Plus Lan qu'orpheline? Quoiqu'en fin de compte, était-elle vraiment Lan? *L'histoire dans son intégralité se trouve sur IBook*