Le bus avançait lentement à travers la campagne, doublant les fermes les champs et les oiseaux. Elle dormait. Elle s'était assoupie paisiblement et avait dormi toute la durée du voyage. Le bus entrait dans la ville. De petites maisons pavillonnaires venaient décorer les bords de routes, puis les grands immeubles serrés prirent la relève. Le chauffeur s'arrêta devant un grand bâtiment blanc et les portes s'ouvrirent dans un souffle.
- Mademoiselle Finley ! cria-t-il. Votre arrêt !
Elle se réveilla en sursaut, se frotta les yeux et sortit lentement du bus. En adressant un signe de la main au conducteur. Le car repartit et elle se retrouva planté devant cette énorme masse blanche, les yeux rivés sur le ciel. Elle avançait d'un pas décidé, et très vite, des murmures s'élevèrent derrière elle. «Reste calme» pensa-t-elle. Arrivée à l'accueil, une secrétaire lui tendit une masse de papier à remplir, qu'elle saisit sans ciller.
- Remplissez-les le plus vite possible, ordonna-t-elle en fixant son écran d'ordinateur.
Elle hocha la tête doucement.
- Et la bibliothèque ?
La jeune femme tendit un doigt vers la présumée direction de la salle, et elle partit en sachant qu'ici, elle devrait se débrouiller seule. Elle fit deux pas et une jeune fille à la chevelure décolorée de jeta sur elle.
- Ann ! Tu m'as manquée ! Tu as fait une couleur ? Ça te va bien tu sais. Tu étais où tout ce temps ?
Elle la regarda l'air perplexe, avant de bégayer:
- Ann ? Désolée. Moi c'est Alice. Alice Finley, déclara-t-elle en tendant la main.
La blonde inclina la tête sur le côté pour mieux l'inspecter et haussa les épaules.
- Tu lui ressembles en tous cas. Enchantée. Moi c'est Rachel.
Et elle effectua un semblant de référence qui la fit rire.
- Je cherche la bibliothèque...
- Bien sûr Ann ! Viens par là!
- Alice, maugréa-t-elle.
Elles filèrent à travers le couloir rempli de monde jusqu'à ce que Rachel s'arrête devant une porte, se tourne et porte u doigt à ses lèvres. Sans plus attendre, elle fit grincer la lourde porte sur ses gonds et lui dévoila la grande bibliothèque. Des rangées d'étagères s'entendaient jusqu'au fond de la salle, et entre deux, de grosses tables souvent occupées rendaient l'endroit plus vivant. La bibliothécaire était un homme qui devait avoir cinquante ans bien trempés et des cheveux gris bien coiffés. Il leur dit signe de se taire et leur désigna une table libre dans le fond. Alice s'attendait à ce que Rachel s'en aille mais elle l'accompagna et s'assit silencieusement sur une chaise en face d'elle. Elle ne dit rien et la regarda calmement remplir ses papiers.
- Tu es sure que tu n'es pas Ann ?
Elle secoua la tête.
- Écoute, je ne sais pas qui est cette Ann. Ça doit vraiment être une personne formidable, mais moi, c'est Alice.
Rachel le l'écoutait plus. Elle avait le regard perdu à travers la fenêtre.
- Il y a trois ans, ils l'ont emmené. Ils l'ont prise à nous comme ça. Elle disait qu'elle reviendrait. Elle est jamais revenu. On l'a attendue pendant longtemps. Pendant ces trois ans on a pas eu de nouvelles, on a entendu des rumeurs à son sujet mais on a jamais revu son joli sourire.
Elle prononçait ces mots fébrilement, en tremblant, les yeux brillants. Ce discours piqua la curiosité d'Alice au vif.
- Pourquoi l'ont-ils emmenée ?
- Oublie. C'est une longue histoire.
Elle ne chercha pas plus loin et se replongea dans ses papiers. Quelques fois, elle relevait la tête pour demander de l'aide ou pour observer sa nouvelle amie, ailleurs depuis qu'Ann avait refait surface. Ses cheveux blonds reflétait la lumière pâlotte de la pièce et ses yeux noirs ne semblaient plus fonctionnels. Alors qu'elle était absorbée par ses papiers, elle sentit une main se poser sur son épaule.
- Quel dortoir ? lui dit Rachel en souriant faiblement.
Elle lui rendit son sourire.
- 54 E. Et toi ?
- 39 D. Tant pis.
Elle parapha chacune des page et se leva d'un bond, entraina la blonde avec elle. Elle avaient dû faire un boucan monstre car tous les regards se tournaient vers elles, ce qui les fit rire davantage. En sortant de la grande salle, elle affrontèrent le regard méprisant de la bibliothécaire. La dernière sonnerie de la journée retentit et Alice ce rendit compte qu'à part Rachel, elle n'avait parlé à personne. Au moment de rejoindre leurs dortoirs, elle eut l'impression d'avoir passé une journée avec une amie de longue date.
En cette première soirée de l'année, chacun mangeait dans sa chambre un plateau repas sans goût préparé par la cafétéria. Personne ne lui avait adressé la parole de la soirée, et on la dévisageait comme une fantôme ou une revenante.
Elle repensa brièvement à Ann, et se demanda où elle était en ce moment précis.
VOUS LISEZ
Etrangère
Science FictionQu'arriverait-il si on vous arrachait à vos proches pour faire de vous une nouvelle personne ? Une étrangère.