♥ 3 ♥

4 0 0
                                    

Avant de partir rejoindre son fils, "le petit loustic", en France, la mère lui écrit une lettre pour lui raconter son évolution depuis son départ et pour le convaincre de se rallier aux causes qui lui sont chères. Écrivez cette lettre.


Casablanca, le 1 février 1957

          Mon cher fils Driss,

     Comment vas-tu ? Bien, j'espère. Tes études se passent bien ? Tu as sûrement déjà passé des concours ou des examens. Alors ? Quels sont tes résultats ? Et ton classement ? Sachant que tu es intelligent, je suis quasiment certaine que tu as excellé ! Et moi ? Je vais te raconter ce qui s'est passé juste après ton départ.

     Lorsque tu est parti, j'étais complètement abattue. Tu dois probablement le savoir, non ? J'avais vraiment du mal à poursuivre ma vie . Heureusement pour moi, il y avait toujours ton frère. Finalement, grâce à sa compagnie, j'avais pu continuer d'apprendre, avec Nagib en tant qu'enseignant. Malheureusement, ton père avait fini par n'avoir plus aucun doute sur le fait que j'étudiais et nous nous disputâmes. Je lui fis part de tout ce qui m'était passé par la tête et même le fait que mon âme n'était pas libre ainsi que je trouvais qu'il me considérait comme du bétail.

     Nagib m'avait aussi dit que j'avais changé. Franchement, je ne sais pas. En tout cas, je ne m'en étais pas rendue compte. Mais si c'est le cas, je suis heureuse. J'en avais l'intention. Et pour ça, j'ai enterré tous les objets me rappelant le passé. J'ai même repeint toute la maison. Ton père en fut très surpris mais ne m'en dit rien.

     Quelques jours après ton départ, je décidai d'aller étudier à l'école. Pour me cultiver, j'avais acheté plein de livres et je les avais lus. Certains étaient bien écrit, très intéressants, mais d'autres se fondaient sur des préjugés, notamment ceux des Occidentaux. C'est pourquoi je les jetai par la fenêtre.

     Grâce à l'école, aux livres et aux personnes à qui j'avais parlé au téléphone, je pense que j'ai un peu rattrapé le temps que j'avais perdu et les connaissances que j'aurais dû avoir pendant toutes ces années d'enfermement. Je connais à présent tout ce qui se passe et je suis plus que furieuse. Il y a tant d'injustices !

     J'ai fait part de mes opinions à tout mon entourage, aussi bien à mes correspondants qu'à ton père. A l'époque, Charles de Gaulle était au Maroc. J'en avais profité pour rassembler le plus de personnes possibles pour aller lui parler. Je voulais lui dire ce que je pensais.

     Depuis, mes correspondants sont devenus mes amis et nous faisons régulièrement des déjeuners dans lesquels on raconte nos problèmes et on débat. Je pense que j'ai réussi à convaincre ton père et les grands chefs. C'est pour cette raison que j'avais pu assister à la cérémonie de l'Indépendance du Maroc en 1956.

     Étant donné que j'ai reçu mes diplômes et mon permis de conduire, je pense que j'ai fini tout ce que j'avais à faire au Maroc. C'est pour ça que je te rejoins (avec Nagib) en Occident.

     Et toi ? Est-ce que tu penses que c'est normal que le Maroc ne soit pas libre ? Que les femmes n'aient pas les mêmes droits que les hommes ? Que nous devons laisser les Occidentaux dans l'ignorance et les laisser écrire n'importe quoi ?

     Je trouve que c'était vraiment injuste que le Maroc soit "esclave" des Occidentaux. C'est un pays comme les autres alors pourquoi n'avons-nous pas droit à la liberté ?

     Les femmes et les hommes sont humains. Nous sommes de la même race, tous identiques. Alors pourquoi les hommes ont droit au savoir et pas les femmes ? Pourquoi doit-on rester dans l'ignorance ?

     C'est contre tout ça que je me bats car je ne vois pas pourquoi ce genre d'injustices existe.

          J'attends ta réponse avec impatience.

               A très bientôt, je t'embrasse.

Ta mère


Mes contes et nouvellesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant