Cinquième jour

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Dimanche 27 mars.

Vers dix neuf heures trente, l'écrivain rangea ses affaires avec une mine triste.

- Madame.

Juliette se retourna et vit celle qu'elle attendait depuis quelques jours.

- Oui ? Je peux t'aider ?

- Vous faites quoi ?

- Je suis écrivain public.

- C'est quoi ?

- C'est une personne qui arrive à lire sur le visage des autres. Elle écrit ensuite leur histoire.

- Ca sert à quoi ?

- Cela permet de garder une trace écrite de leur vie.

Elise la regardait toujours avec les mêmes yeux grands ouverts. Comme si elle était impressionnée.

- Attends ne bouge pas.

Juliette sortit son carnet, pas son bloc de feuilles où elle écrivait les histoires de tout le monde. Non, mais le carnet où elle écrivait les choses importantes. Elle lisait avec facilité les traits de la fillette :

Aux cicatrices sur son visage, je devine qu'elle a eu un grave accident de voiture. Cela lui a endommagé son poumon gauche. C'est pour ça qu'elle porte une canule. Dans cette voiture, se trouvaient ses parents et son grand-père. Ses parents ont été emportés, laissant derrière eux, un beau jeune homme et une petite fille blessée. Les parents d'Elise, tous les deux enfants uniques, ont dû laisser leur place au grand père mal en point mais unique survivant. Je sais à présent d'où je connais l'homme du bar. Il a les mêmes traits que la petite. Elle a un grand frère, Robin, qui habite un appartement loin d'ici. Un air triste voile son visage car elle n'a plus de maman. J'ai envie d'être là pour elle.

- Vous avez fini ?

- Oui tu...

- Elise ! qu'est-ce que tu fais ?

Le frère de la fillette s'avança vers elle.

- Mademoiselle l'écrivain public, dit-il en soulevant son chapeau, vous avez écrit son histoire ?

- Oui, ça faisait quelques jours que j'en avais envie. Pouvez-vous me rendre un service ?

- Bien sûr.

- Pourriez- vous rester ici le temps que j'aille aux toilettes, s'il vous plait ?

Le jeune homme accepta et Juliette partit. Cette dernière attirait robin depuis son arrivée.

Une fois qu'il se retrouva seul avec sa sœur, le désir de lire son carnet le submergea. Il tournait les pages et lisait vite pour pouvoir le reposer avant que sa propriétaire ne revienne. Plus il lisait, plus il avait l'impression de la connaître. Quand il arriva à la page où l'histoire d'Elise était écrite, il resta bouche bée. Un éclair venait de le frapper à l'endroit où ses battements étaient réguliers. C'était donc elle ! C'était cette fille qu'il voyait tous les étés quand il allait, avec son père, rende visite à des amis. Elle était toujours dans les parages : dans la cour, dans la cuisine, sur la terrasse... Il la voyait mais ne savait pas qui elle était, pourtant, elle l'attirait déjà avec son short en jean et son débardeur orange. Elle était toujours très discrète. Un jour, il avait entendu sa grand-mère l'appeler pour descendre des assiettes du placard. La taille de la vieille femme n'était pas avantageuse pour ce genre de choses. A partir de là, Juliette était resté gravée dans sa mémoire. C'était elle qu'il avait vu le jour de l'enterrement de ses parents. Elle avait tellement changée qu'il ne l'avait pas reconnue, à son plus grand regret.

- Que faites vous ?

L'écrivain était revenue et contemplait Robin avec rage. Elle avait horreur que l'on regarde son carnet, et ses affaires en général.

-Juliette...

A la voix douce du jeune homme, toute sa colère s'envola. L'autre moitié de l'éclair que Robin avait eu frappa Juliette.

- Tu as un don. Et... pour la dernière phrase...

Il laissa sa réplique en suspend, plongeant ses yeux dans les petites émeraudes de l'écrivain.

- ... Je suis très touché.

Les joues de la jeune femme s'empourprèrent tandis qu'elle bégaya « merci... c'est vrai... j'ai envie d'être là... ». Robin s'approcha et la pris dans ses bras et lui chuchota " moi aussi j'ai envie que tu sois là pour elle, et pour moi également ".

Les deux jeunes se connaissaient depuis bien longtemps. Voilà la raison pour laquelle Juliette arrivait si bien à lire le visage d'Elise. Les deux amoureux restèrent quelques minutes à se contempler et à se faire des petits bisous. C'était mignon à voir.

Après ces instants rythmés, le nouveau couple prit Elise dans leurs bras. On voyait ici, une vraie famille forte et soudée.

EliseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant