Le soleil ne se lèvera plus jamais

Il fait chaud en ce jour d'août, si chaud que tous les enfants sont allés se baigner nus au lac d'à côté. Tous sauf un.
Il fait chaud en ce jour d'août, le soleil brille dans le ciel.
Mais ça Evelyn ne le voit pas.
Evelyn ne veut pas se baigner.
Evelyn ne veut pas se promener.
Evelyn ne veut pas jouer avec les autres.
Evelyn ne veut pas sortir dehors.
Parce qu'Evelyn ne s'accepte pas.
Pourtant elle n'y peut rien.

Elle se souvient encore de la douleur à ses yeux.
Elle se souvient encore du miroir qui se brise.
Elle se souvient encore du cri de sa maman.
C'était il y a longtemps mais Evelyn s'en souvient encore.
Il n'a suffit que d'une matinée pour que tout change.

Evelyn jouait dans le salon avec le miroir de sa maman. Un beau miroir. Un grand miroir. Tout plein de dorure.
Evelyn se regardait dans le miroir. La petite se trouvait belle. Elle s'amusait à prendre des poses, comme les mannequins qu'elle avait vu à la télévision la dernière fois.
Evelyn mettait les vêtements de sa maman, de son papa, de sa grande sœur. Puis elle allait s'observer dans le beau miroir.
Elle regardait son reflet, se faisait des grimaces à elle-même. Elle riait, elle tirait la langue, elle louchait.
Elle tournait pour faire voleter sa jupe.
Elle s'asseyait en étalant sa robe autour d'elle.
Elle prennait le chat dans ses bras. Puis elle le posait à côté du miroir.
Elle continuait de jouer.
Evelyn ne se doutait de rien.
De la catastrophe qui allait arriver.
Le chat se glissa derrière le miroir et le fit tomber. Il se fracassa au sol. Les éclats de verre volèrent partout. Ils s'enfoncèrent n'importe où.
N'importe où. Comme dans les beaux yeux marrons d'Evelyn.
La petite hurlait, hurlait.
Ça lui faisait mal, très mal, trop mal.
Elle hurlait encore.
Toujours plus fort.
Sa maman se précipita vers sa fille.
Elle poussa un cri horrifié.
Elle attrapa Evelyn dans ses bras et l'emmena aux urgences.
Sa fille, sa petite fille souffrait.
Les médecins s'occupèrent d'Evelyn, ils firent le maximum.
Malheureusement, le maximum ne fut pas assez.
Les yeux, les beaux yeux marrons d'Evelyn étaient bandés.
Les médecins partirent voir la maman d'Evelyn. Ils lui expliquèrent doucement, pour permettre à la jeune femme de tout bien comprendre.
La maman comprit. Elle comprit très bien.
Elle éclata en sanglots.
Sa fille, sa petite fille.
Comment pourrait elle vivre correctement?
Sa fille, sa pauvre fille.
Comment allait elle lui expliquer ce qui lui était arrivé?
La maman d'Evelyn s'approcha de sa fille, sa pauvre petite fille.
Mais elle n'eut pas besoin d'expliquer.
Evelyn avait compris elle aussi.
Le soleil ne se lèvera plus jamais.