Feels.

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          Putain ça pu.

Une odeur nauséabonde issue d'un mélange de pizzas moisies, de carcasses de nouilles et de bières entamées me prit violemment les narines. À peine après avoir ouvert la porte et fais deux pas dans le couloir d'entrée, je me pris les pieds dans un tas de linge sale qui traînait quelque part par terre  et tombai avec lourdeur sur le sol, mon corps s'affalant violemment contre le parquet laqué blanc et le contenu des deux sacs de courses bien garnis que je tenais jusqu'à présent s'éparpilla tout autour de moi.

          Putain j'suis con. 

Je restais alors au sol sans bouger, comme à mon habitude ; et surtout car je n'avais pas vraiment la force de me relever.

Mon appart' était encore plongé dans l'obscurité, mes volets restaient fermés, jours après jours, heures après heures ; à vrai dire je ne savais même plus quand je les avais ouverts pour la dernière fois et une odeur de renfermé venait sublimer le tout.

Doucement, je me relevai et ramassai avec difficulté boîtes de conserves, sachets de pâtes, surgelés, steak haché et même  petites suisses éclatés qui roulaient encore à mes pieds puis les remis calmement dans leur sac respectif. Nonchalamment, je m'avançai vers la cuisine, portant les deux sacs à bout de bras.

Je me trouvais dans ma grotte à moi seul, inconnue de tous ; mon chez-moi.

Je déposai alors les courses sur la table au milieu de la cuisine, séparant ce qui allait se retrouver dans les placards de ce qui allait se retrouver dans mon frigo, ce qui fut tâche facile.

Automatiquement, lorsque j'allumai la lumière de la pièce après avoir passé quelques minutes dans le noir complet, une douce mélodie qui allait m'accompagner toute la soirée vint me titillée les oreilles.


 Je continuais mes jolies actions puis, 

au bout de quelques secondes d'écoute, mon cœur se serra et ma tête se mit brusquement à me faire mal, vraiment trop mal ; Mes dernières forces quittèrent progressivement mon corps, je me décomposai vivant ; lâchant la boite de saucisses à hot-dog que je tenais jusque là dans ma main je mis un genoux -puis deux- à terre et posai mon front contre le verre froid de la table et pris une grande inspiration, cherchant à tâtons dans mes poches un dernier antalgique, en vain.

       Non ... 

Deux grosses larmes coulèrent le longs de mes joues,

       Lola ...

Deux très grosses larmes suivies de près par leurs semblables,

Je m'affalai, la joue sur le sol froid, les yeux brouillés par les larmes, mes mains posées sur mon ventre, je laissai alors mes pensées se balader devant mes yeux.

          Arthur n'est plus rien depuis que tu es parti.

Une silhouette frêle et éphémère se dessina devant moi,  une petite fille ... Lola, oh Lola.
Ma sœur. Oh Lola, mon ange. Mon trésor. Ma seule raison de vivre. Oh Lola, tu es partie bien trop tôt. Lola, je ne pourrais jamais tenir ma promesse. Oh ma chérie ... Ton grand frère se meurt. Mon ange ... Jamais je ne serais heureux sans toi. Pourquoi t'ai-je promis quelque chose d'irréalisable ? Pourquoi tes derniers mots furent cette demande ? Oh Lola, je veux tellement te rejoindre. Ton petit corps mutilé hante mes pensées, ta voix faible remplie d'espérance avec une note de joie me manque tellement, oh Lola ... Oh Lola, je ne suis plus ; je suis déjà mort, je ne pourrais jamais vivre jusqu'à être heureux, ooooh ma Lola ... Je veux te serrer dans mes bras.

Étreignant mon propre corps dans mes bras, la solitude me submergea instantanément. Je du retenir mes légers cris plaintifs, je n'avais plus rien. Je ne suis plus rien. Je n'ai jamais été quelque chose ou quelqu'un, je ne le serais jamais, et encore moins sans ma Lola.
La seconde où la Mort te trouva je suis parti avec toi, lorsque cette voiture te heurta, j'ai été touché en même temps que toi, quand tes petits yeux marrons perdirent leurs éclats, je me suis brisé car tu n'étais plus là et que tu reviendras jamais. Tes doigts fragiles caressant tendrement ma joue, ton sourire ... Oh. 

          Ma Lola ...

Si seulement je pouvais te serrer dans mes bras une dernière fois.

Si seulement tu pouvais me voir une dernière fois.

Si seulement tu savais ...

Oh ma Lola, 

ce torrent de sentiments est en train de me détruire, je n'arrive plus à tout enfermer au plus profond de moi.

La tête lourde, je roulai par terre jusqu'à heurter mon canapé en cuire  et m'hissai dessus avec difficulté.

Je pris ma bouteille chérie de Jack Daniel's Honey posée sur la table basse en verre et bu une gorgée au goulot, puis deux, puis trois, puis pleins.
L'alcool me monta à la tête rapidement, 

       Aaah je suis tellement pathétique.

Noyant tendrement ma tristesse dans un flot de liqueur de whisky sucré au goût sublimé par le miel, je coulais lentement dans le fond de mon canapé, laissant ma vision se brouiller et ma douleur s'effacer doucement, la musique devint rapidement la seule chose pouvant me raccrocher à la réalité, moi qui baignais à nouveau dans une mer de souvenirs, confondant l'impression de chaleur de l'alcool à celle de tes bras autour de moi.

Ce n'était qu'une soirée comme les autres, les énormes cernes sous mes yeux bleus clairs en témoignaient.

Je me suis relevé doucement et me dirigeai vers la cuisine, ne marchant même plus droit, me cognant contre chacun des meubles présents dans les deux pièces. Puis, je pris, bien dissimulé derrière cinq boites de pizzas vides, un joli couteau de combat bleu clair aux lignes gracieuses et épurées et le menai avec difficulté près de mon cou, caressant ma peau doucement avec la lame comme tu le faisais si bien avec tes petits doigts, quelques goûtes de sang tombaient au sol, doucement, sans un bruit ; et moi ... Et moi, je continuais, je continuais d'écrire avec la plus belle des plumes sur le plus beau des papiers -La lame et ma peau- une histoire désormais terminée.

Oh ma Lola, aujourd'hui encore ton cher grand frère va terminer sa soirée noyé dans l'alcool, les larmes et le sang,

Mais il ne mourra pas, 

Car il te l'a promis, 

Car il t'aime.

DON'T LET ME GO.

PathosOù les histoires vivent. Découvrez maintenant