OÙ L’AUTEUR S’EN FAIT CONTER
Un soir où je terminais seule mon repas dans une petite auberge de l’Alta Verapaz, un homme déjà âgé s’approcha de ma table et me demanda dans un espagnol cérémonieux s’il pouvait me parler. Je l’examinai un instant : un sourire gêné laissait apparaître une inclusion en or sur l’incisive gauche, un chapeau usé, malaxé par des doigts nerveux et puis un regard intelligent et fier, malgré la timidité. De la chemise délavée aux bottes de caoutchouc, rien ne le distinguait des paysans du coin. Je repoussai mon assiette où un reste de haricots noirs se figeait dans une sauce épaisse et l’invitai à prendre un verre. Il s’assit avec dignité et, au lieu d’alcool, commanda un café. C’est ainsi que par un soir de fin de saison des pluies, dans la salle déserte d’une auberge perdue sur une piste sans grand trafic, je fis connaissance de Don Pépé.
Après quelques minutes de conversation sur le temps (pas plus mauvais que d’habitude) et la famille (la sienne), il en arriva au sujet de sa visite :
— J’ai entendu dire que vous êtes à la recherche de grottes ?
— Oui, en effet.
— Et que vous vous intéressez aux vestiges ? Aux tessons de poterie, par exemple ?
Je le laissais parler à son rythme, sachant qu’il ne servirait à rien de vouloir le presser pour arriver là où il souhaitait en venir.
— Mais la plupart de ceux que l’on trouve dans les porches d’entrée sont cassés.
— Oui, répondis-je avec circonspection.
— Est-ce que cela vous intéresserait que je vous conduise là où il y en a d’entiers ?
— Un endroit qui n’aurait pas été pillé ?
— Oui, un site qui n’est connu de personne, reprit-il avec assurance. Seulement de moi.
— Comment cela se peut-il ?
— Eh bien, il est loin, dans la forêt. Lorsque je vais récolter le chiclé, je vais le plus loin possible pour ne pas avoir d’ennuis avec mes voisins, deux jeunes gars trop solides pour moi. Alors, je m’enfonce dans la forêt : par là, dans les collines, dit-il en faisant un geste vague vers l’est. Et un jour, je suis tombé sur cette grotte.
— Quelle grotte ?
— Une grotte que personne ne connaît. Elle n’a pas de nom. Il n’y a pas de communauté par là, vous savez. C’est vraiment loin de tout.
— Loin comment ?
— Eh bien, reprit mon nouvel ami, au moins cinq heures de marche à partir de la fin de piste.
— La fin de piste ?
— Oui, celle qui va à Rinconcito puis aux terres des Gomez. Elle s’arrête aux bords d’une lagune où ils font boire le bétail. Après c’est de la marche. Cinq heures. Peut-être plus, ajouta-t-il en me jetant un regard perplexe.
Cinq heures, peut-être plus, pensai-je en jaugeant le petit homme voûté mais tout sec. Il faudra compter huit heures, sinon plus.
— Oui, c’est intéressant. Mais comment y aller si c’est si loin de tout ?
— On pourrait prendre le bus jusqu’à Rinconcito et, de là, marcher, reprit Don Pépé.
— Ça prendra au moins un jour pour y aller. Probablement deux, si je veux passer un peu de temps sur place pour explorer cette grotte. Est-ce que ça vous va ? demandai-je. À propos, elle est comment, cette grotte ? ajoutai-je avec une résignation fataliste.
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Le marchand de la mort - Prologue : Où l'auteur s'en fait conter
Mystery / ThrillerLa tenture qui fermait la porte de la salle d'audience frémit. Une silhouette frêle apparut dans l'encadrement et se découpa un instant à contre-jour, mettant en relief la protubérance au niveau de l'épaule droite. De son mouvement habituel, un gli...