Carrie, Ma vie

Carrie, Lettre I, "Ma Vie",1990

Soudain un choc nous frappa. Maman ? Papa ? Qu'est-ce qu'il se passe ? J'essayai de me défaire de la ceinture de sécurité qui m'empêchait presque de respirer. J'ouvris les yeux, je ne comprenais d'abord pas ce qu'il s'était produit. Je repris mes esprits et c'était à ce moment-là que je réalisais ce qu'il s'était passé. Maman était au volant, elle était imprégnée de sang. Papa était à côté, il avait la tête penchée en avant.Il y avait des membres sur le sol de la voiture, je ne pouvais dire à qui ils appartenaient ni même les identifier. Je sursautai quand je tournais la tête vers Jason qui avait les yeux vides, mort comme mon père et ma mère. Je regardai mes mains, elles aussi pleines de sang, je criai. Je pus malgré tout me défaire de cette ceinture et sortir de la voiture. Nous avions eu un accident. Je ne me sentais plus comme avant, quelque chose avait changé en moi. Pourquoi suis-je la seule à avoir été épargnée de cet accident qui a fait perdre la vie à toute ma famille ?

J'entendis tout à coup des gyrophares s'approchant vers moi. Je pris peur. Comme tout bon être humain, je resterais ici, afin que les services de police et de secours me prennent en charge, mais... Je ne voulais pas. Je courus le plus vite possible dans la direction opposée des gyrophares dont le bruit était strident à mes oreilles. Je m'enfuis dans un bois,non loin du lieu de l'incident. Il faisait nuit, il faisait froid,mes vêtements ne tenaient plus qu'à quelques bouts de tissus.Pourquoi n'ai-je aucune égratignure ? Les questions se posaient dans ma tête tandis que je cherchais, dans cette sombre forêt, de quoi me nourrir. Je sentais en moi, une chose inhabituelle, comme si la peur m'était inconnue.

J'eus tout à coup un play-back dans ma tête dans lequel je vis Maman, Papa et Jason, nous étions dans la voiture, nous rentrions d'une soirée passée chez des amis à mes parents à qui je ne plaisais pas. Maman n'avait sans aucun doute pas bu. J'arrivai à voir, à travers cette soudaine vision, qui me faisait atrocement mal à la tête, le visage de l'homme qui se tenait au volant de la voiture ayant percuté la nôtre. Ce visage était quelconque, un simple père de famille ayant aucune raison de vouloir commettre un meurtre. Je repris mes esprits, essoufflée. Je fis un feu et me couchai sur le sol glacial par cette nuit d'hiver.Je levai les yeux vers le ciel et m'endormis. Mais depuis cette nuit,depuis que j'ai perdu les êtres les plus chers de ma vie, je changeai. J'étais désormais livrée à moi-même.

Carrie, Lettre I, "Ma vie", 1990