Il était 12h. Un silence attira son attention. Celui de son téléphone. Hélène aurait dû déjà faire sonner son mobile il y a longtemps déjà. Selon son raisonnement elle avait une trop bonne éducation pour poser un lapin à un ami, ou pour se décommander sans aviser. Trois ans passés en couple avec elle, même en discontinu, avait l'avantage de convaincre Stephan qu'il connaissait Hélène suffisamment bien pour: anticiper ces réactions; pour deviner ses pensées; pour justifier ses actions; et même pour connaitre quand elle est sincère ou pas. Dans cette situation, il su qu'elle aurait du appeler ou envoyer un sms pour le rassurer de sa venue, ou pour se décommander. Il se saisit de son téléphone, jeta un coup d'œil sur les barres de réseau qui, apparemment étaient au complet. Alors, pourquoi jusque là Hélène n'appelait pas? Était-ce son orgueil qui voulait que Stephan le fasse? Voulait-elle lui faire comprendre qu'elle avait déjà tourné la page? Que la rupture n'avait aucun impact sur elle, et qu'elle passait ses journées sans qu'un semblant de pensée ne s'oriente vers lui? Plus de questions que de réponses. Qui puis est, des questions qui lui retiraient le sourire des lèvres, et la joie du cœur.
Il reposait son téléphone portable quand soudain une intuition lui traversa la tête. Et si l'opérateur de téléphonie mobile auquel il était abonné avait des problèmes? Et si elle avait du mal à le joindre tout simplement? Pour en être certain, il y avait qu'une solution. Il vérifia le solde de sont compte. A peine vingt trois francs avait-il comme unité. Peu pour un appel mais assez pour un bipe. Et puis, l'objectif était de voir si le réseau était opérationnel ou pas. Alors il composa le numéro d'Hélène et lança l'appel. Rien. Aucune tonalité dans le combiné. Il relança l'appel, Toujours zéro. Un silence total. Il se demanda si le problème venait de l'opérateur ou de son téléphone? Il faut le dire, son Windows phone n'avait rien de neuf non plus. C'était déjà un téléphone d'occasion quand il en avait fait l'acquisition pour pas grand chose. Depuis, ça fait trois ans qu'il s'en sert, trois ans qu'ils traversent ensemble les beaux temps et les intempéries. Écran fissuré, coque vieillotte, micro hors service; et si la perte de réseau n'était qu'un problème en plus de ce fidèle ami? La réponse n'allait pas se donner toute seule, il composa alors le numéro du service client. La même absence de tonalité se fit entendre. La situation laissait à s'interroger sur le même point: Est-ce l'opérateur ou le téléphone qui faisait défaut? Une seule manière d'obtenir la réponse. Il éteignit le téléphone, retira son couvercle, changea la sim qui y était insérée par celle d'un opérateur différent, lança le dernier appel. Encore un silence. Il allait conclure que le défaut venait de l'appareil quand il entendit une voix qui dit: « taper un, pour le choix de la langue. » Il n'y avait aucun doute, cette voix venait bien du téléphone. Il comprit que ce dernier n'y était pour rien. Que c'était l'autre opérateur qui laissait manifester l'incompétence de son service technique. Il jeta rapidement un coup d'œil sur l'horloge accrochée dans un coin de sa chambre, tout juste au dessus de sa commode dont la couleur se mariait bien à celle du cadran de la grosse montre. Il était 13h23. On pouvait encore sauver ce rendez-vous, se convainquit Stephan qui sauta sur le premier pantalon qu'il eut sur la main, l'enfila comme une personne qui voulait rattraper du retard. C'est-à-dire, en s'efforçant de se vêtir le plus rapidement possible tout en perdant plus de temps que lorsqu'on s'habille sans pression. Chemise couvrant le torse, on pouvait le voir courir à toute allure comme si son accès au paradis en dépendait. Une fois sur la rue Vacherot, celle qui conduisait à la grande avenue, il lança son regard observateur sur les deux extrémités et ne vit aucune cabine téléphonique de service. La rue Vachérot se présentait en pente. On aurait dit un toboggan. Tout juste au bout, au sommet, sur la grande avenue, il y avait un vendeur de crédit et faiseur d'appel par portable toujours actif. S'y rendre était la seule option pour sauver ce rendez-vous. Il se remit donc en course, trottinant avec grâce et charisme, remontant la rue jusqu'à atteindre la grande avenue. Tout juste au carrefour, il était là. On pouvait lire lisiblement ; ″appel par portable.″
- Bonjour ! Je peux passer un appel s'il vous plait
-Oui mon ami, quel réseau?
- Mtn
- Mtn ne passe pas depuis ce matin, appelle quand même hein, et on verra. Il faut surtout insister mon ami.
Le commerçant lui tendit le téléphone qu'il s'empressa de saisir. Composa le numéro d’Hélène qu'il lisait dans son téléphone, en comparant dans l'autre pour s'assurer que les chiffres étaient les mêmes des deux cotés; lança l'appel en croisant les doigts. Quelque secondes de silence plus tard, le combiné offrait un son qui cette fois là était l'essence même d'un grand bonheur.
- Allo! Avait dit Hélène dans toute sa douceur ;
- Oui c'est Steph, je n'arrive pas à te joindre depuis un certain temps, je crois qu'il y a un problème de réseau. Sinon tu te trouves où actuellement ?
- Maman m'a chargée des courses, je passerai chez toi autour de 15h, moi non plus je n'arrivais pas à te joindre. Appelle-moi à 15h, juste au cas où... Pour multiplier nos chances de se joindre; répondit Hélène;
- D'accord, à toute à l'heure.
La victoire n'était pas donnée, mais c'était déjà un échec d'éviter. Tout ce qu'il fallait, c'est convaincre les dieux d'être de son coté et prier pour que le réseau soit opérationnel.
Il était dans le canapé, manette de console de jeu vidéo en main, yeux braqués à la fois sur le poste téléviseur, et le téléphone posé avec délicatesse sur sa jambe gauche. Stephan exerçait inconsciemment une répétition de mouvement qui n'était pas un rituel, mais une sorte de mesure de prévention. Il vérifiait chaque dix minutes, si le réseau avait été rétabli sur son téléphone. 15h dépassé de quelques minutes et toujours Pas moyen de joindre Hélène. Il savait qu'elle ne connaissait que le nom de l'arrêt qui donnait droit sur la rue Vachérot, et que cette rue conduisait à la demeure de Stephan, mais qu'aucunement elle savait quel était le parcours à exécuter pour s'y rendre. Face à ce problème, la plus belle des solutions fut qu'elle le joigne une fois arrivée pour qu'il aille la chercher à la grande avenue. Seulement jusque là aucun moyen de s'assurer de son arrivée. Il décida de retourner au carrefour de la grande avenue pour rappeler Hélène. Il prit un raccourci. Une fois sur celle-ci, il vit un magnifique sourire, sur une magnifique fille élégamment vêtue qui déambulait avec grâce. C'était Hélène. Stephan ne voulait pas attribuer ce fait au hasard. Il donnait un sens à cette coïncidence, qui pour lui n'en était pas, au fait qu'ils étaient psychiquement liés, qu'ils avaient beau se battre pour s'en défaire, mais ce lien était bel et bien présent. Un lien muet qui savait faire du bruit comme pour les rappeler à l'ordre. Hélène n'y croyait peut-être plus. Elle n’a sans doute jamais cru à cette théorie de connexion psychique, mais ça n'avait aucune importance. La priorité était de conduire à la villa Fannottelli, la dame au beau sourire qui eut la bonne intuition de longer la rue Vacherot. C'est ainsi qu'il avait nommé son modeste studio, une pièce de quatre mètres carrés.
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La Belle Rupture
Short StoryQuand le grand amour s'envole, il ne reste qu'affection, regrets et un arrière goût de trahison qui ouvre nos yeux, dévoilant ainsi la nature de l'amoureux qui désormais est promu ou rétrogradé au statut de meilleur ami.