Prologue

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Le spectacle est juste incroyable. Les danseurs sont gracieux et élégant. Mais ce n'est pas simplement pour les admirer eux que je suis venue. J'attends une personne en particulier. Celle qui, à mes yeux mérite toutes les acclamations du monde.

- Là, tu la vois Line? Me chuchote mon papa, c'est elle qui vient de rentrer.

- Oui je la vois, répondis-je, que ce qu'elle est belle.

- On peut dire qu'ils ont très bien choisi leur étoile.

- Oui, m'exclamais-je pleine de fierté.

Je n'ai que trois ans et pourtant je suis venue assister à la première représentation sur scène de ma maman. C'est elle qui joue l'étoile alors c'est le rôle le plus important. Malgré mon jeune âge je suis déjà en mesure de me rendre compte de la chance que j'ai: ce ballet est le plus attendu depuis des mois. Même le futur roi à fait le déplacement.

Ma maman s'avance sur l'avant de la scène, ou plutôt elle ''descend'' comme on dit en danse, fait une élégante révérence et commence son solo.

Il n'y a pas de mots pour exprimer ce que je vois: enchaînant les pirouettes, les arabesques, les pliers, les pointés,... On dirait un ange tombé du ciel. Elle nous éblouit de sa grâce. Même le publique est devenu complètement silencieux. Oh bien sûr il l'était déjà avant mais là, s'il n'y avait pas la musique, on pourrait entendre les mouches voler tant il fait calme.

Je jette un rapide coup d'oeil dans la direction du prince. Ce dernier fixe ma mère, bouche bé, tout simplement. Il semble comme hypnotisé et pour un peu on pourrait le prendre pour une statue tant il est immobile. Il est installé sur le balcon juste à côté de nous. L'une des places les plus prestigieuses. Nous on est là grâce à ma maman mais sinon on serait dans le parterre avec les autres personnes de notre rang social. J'ai même pu mettre ma belle robe bleue pour l'occasion. Elle est super belle avec son grand noeud turquoise dans mon dos. Mon papa aussi est très beau, il porte un élégant costard noir et a peigné ses cheveux noirs.

On était là, calme, à regarder le spectacle lorsqu'un bruit sourd nous fait tous lever la tête. Même les ballerines sur scène se sont arrêtées. Et c'est à ce moment précis que tout bouscule. Une large fissure apparait au plafond et le lustre suspendu au-dessus de nos têtes s'écroule. Quelques secondes avant qu'il ne s'abatte sur nous, mon père me pousse du balcon et je tombe dans le parterre qui, heureusement, n'est pas trop bas mais la chute suffit à me faire perdre connaissance.

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À mon réveille, des personnes que je ne connais pas m'ont allongée dehors, à l'air frais.

- Où est mon papa? Je demande. Il était dans le balcon juste à côté de celui du prince.

Elles se regardent. Comme si elle ne savait pas quoi dire. L'une des femmes présente me prend dans ses bras. Comme pour m'empêcher de me faire du mal. Un très mauvais pressentiment m'envahit. Je pense savoir ce qu'elle va me dire et je ne veux surtout pas l'entendre.

-Ma chérie, commence-t-elle doucement, ton papa n'a pas pu survivre. Le lustre à tout simplement réduit les balcons environnent en poussière.

- Non, vous mentez, je m'écrie. Il ne peut pas...

Je m'échappe de ses bras et cours dans le grand bâtiment. Ce n'est pas possible, ça n'a pas pu arriver. C'est un blagueur mon papa. Il est sûrement caché derrière un pylône et il va surgir dès que je vais m'approcher. Oui c'est ça, après on va tous rire de cette frayeur qu'il m'a faite et on rentrera à la maison comme si de rien n'était. Ma maman va encore le gronder en disant que ce ne sont pas des blagues à faire mais il haussera les épaules en me faisant un clin d'oeil et ma maman soupirera. Comme d'habitude.

Mais tous mes espoirs s'envolent lorsque, au détour d'un tournant, j'aperçois nos anciennes places ou plutôt ce qu'il en reste. C'est à dire rien. Le lustre à tout simplement arraché 3 à 4 balcons, ne laissant plus qu'un simple rebord de quelques centimètres accroché au mur. Le sol est jonché de morceaux de plâtres. Certains ont perdus leurs belles couleurs blanches et sont tachés de rouge.

Mes jambes me lâchent et je me retrouve assise par terre.

- Non, je murmure tout doucement, ce n'est pas possible, il ne peut pas être mort, il ne peut pas. Il m'a promis de m'emmener à un cour de danse très bientôt et il tient toujours ses promesses. Toujours. Il ne m'a jamais menti. Il m'avait aussi dit qu'on s'amuserait bien ce soir. Je crie; tu es un menteur papa, je ne m'amuse pas du tout.

Je me recroqueville sur moi-même. Je ramène mes jambes contre moi et enroule mes bras autour.

- Papaaaa, je crie

Je pleure à chaudes larmes sans pouvoir m'arrêter. Je ne cesse de me répéter que ce n'est pas possible mais au fond de moi je sais que j'ai compris qu'il n'avait pas pu s'en sortir à l'instant précis où il m'a poussé. Il m'a sauvé la vie mais ça ne rend pas son départ plus facile. Après tout, je vais devoir continuer ma vie sans lui à mes côtés. Plus jamais il ne viendra me réveiller le matin, plus jamais il ne me consolera, plus jamais il ne me taquinera, plus jamais. Non, tout est belle et bien fini. À jamais.

Je décide de faire le tour comme si j'allais dans la loge.

Là, je m'assieds sur le rebord restant, les pieds dans le vide et je me remets à pleurer tout doucement. De petites larmes qui tombent sur les débris en contrebas.

Soudain, j'entends des éclats de voix provenant de l'extérieur. Je me lève et, essuyant mon visage, je cours voir ce qu'il se passe.

Rien n'aurai pu terminer cette journée plus mal. Des soldats de l'armée royale étaient partout. Ils réunissaient la troupe ayant dansé quelques temps plus tôt avant de les escorter on ne sait où. Je m'élance pour rejoindre ma mère mais la dame qui m'avait prise dans ses bras plus tôt m'en empêcha.

- Laissez-moi, criais-je, je dois aller trouver ma maman.

- Non, ma chérie, sinon ils t'emmèneront toi aussi.

- Mais où? Et pourquoi ils les emmènent?

C'est à ce moment que celui que devait être le commandant monta sur un rocher et pris la parole.

- Écouter moi tous, des suites de ce tragique événement, le prince héritier est mort.

Des murmures parcourent la foule. Certains sont tristes, d'autres inquiets pour l'avenir du royaume mais personne ne s'attendait à l'annonce qui suivi.

- En conséquence, toute personne surprise en train de danser ou d'enseigner cette abomination sera exécutée. Et nous allons commencer par cette troupe qui est à l'origine de tous nos maux. Ainsi le roi en a-t-il décidé.

C'est sur ces paroles peu réconfortantes qu'il nous tourna le dos et s'éloigna.

Alors, pour la seconde fois, je m'écroule par terre et pleure toutes les larmes de mon corps. Cette journée ne pouvait pas être pire; en l'espace de quelques minutes, j'avais perdu ma famille. La danse m'avait tout pris. Non, c'est faux, la danse m'avait peut être pris mon père mais le roi m'avais pris ma mère et le seule moyen de me rapprocher un tant soit peu de mes parents. Je jure que cette fichue loi ne m'empêchera pas de vivre ma vie. Je serai l'une des premières à me dresser contre le roi et ses règles stupides. Quitte à vivre dans ma clandestinité, je danserai. Et ce sera ma danse à moi. Ma danse.


Ma danse ✔️Où les histoires vivent. Découvrez maintenant