Chapitre 2 : La Rencontre

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Quand je me réveille ce matin, je me sens étrangère à moi même. Je ne sens plus mes jambes. Je me lève et elles me portent comme d'habitude jusqu'à la cuisine. Tout semble normal et pourtant à mille lieues de la réalité. Je sursaute soudain lorsque je vois ma mère installer le petit déjeuner. J'avais oublié qu'elle avait dormi ici. Je m'approche de la table et prend une pomme avant de remonter. Elle me crie :
- Mais tu ne vas pas manger que ça ?
- C'est ce que je mange tous les matins depuis 11 ans, ce n'est pas maintenant que ça va changer..., je lui réponds tout en montant les escaliers.
Je m'habille, me lave la figure en essayant de me réveiller de ce cauchemar. Ma mère est dans ma maison. Ça fait peut-être bizarre aux autres que je dise ça mais ma mère n'a pas franchi le seuil de mon habitat depuis 11 ans quand elle a quitté mon père. Je lui en ais toujours voulu de m'avoir abandonné sans rien dire.
Je me dirige enfin vers la porte d'entrée sans la prévenir que je m'en vais. Je marche jusqu'à l'arrêt de bus le plus proche tout en réfléchissant à se que je vais dire à mes amies pour qu'elles ne me parlent pas de ça. Raté. Karine est devant l'arrêt de bus en m'attendant de pied ferme.
- Je savais que tu n'allais pas rater l'école ! me lance-t-elle comme si j'avais juste un rhume.
- Écoute, Karine, je... commençait je. Mais elle me coupa la parole.
- Je sais que tu ne veux pas en parler alors j'ai prévenu tout le monde que si ils t'en disaient un mot, je les assassinerai. Ne t'inquiète pas, je sais que je ne ressentirai jamais ce que tu ressens.
Je me sens soulagée. Karine, que je me représentait sous une amie un peu lourde, était peut-être ma sauveuse ! Je monte dans le bus et m'assois à une place libre, loin de toutes mes amies. Pour l'instant, je ne veux parler à personne. Aucune d'entre elles ne s'étonne et c'est mieux comme ça. Soudain, je sens une présence à côté de moi. Je tourne la tête et voit un garçon de ma classe assez discret à qui je n'ai jamais parlé. Il me demande s'il peut s'asseoir là, il n'y a plus de place dans le bus. Je lui réponds qu'il n'y a pas de problème mais il m'intrigue profondément. Pourquoi s'être assis juste à côté de moi ? Il y a une place juste à droite... Mais je ne discute pas. Je ne lui adresse même pas la parole quand il me tend un petit bout de papier où il est marqué :
"Hey ! Tu ne te souviens peut-être pas de moi mais on était ensemble en primaire. Et on est dans la même classe cette année... J'aimerais bien te parler après les cours vers 17h. Tu pourras venir ? Hoche la tête si tu peux mais garde le papier. Ah et on se rejoint devant le portail du lycée. Merci d'avance. Tom "
Je hoche la tête doucement puis roule le papier dans ma poche. Le bus arrive lentement au lycée et enfin, je peux descendre du bus et me rendre en cours. La journée passe avec une lenteur d'escargot. Je ne peux pas m'arrêter de penser à Tom et je tourne souvent la tête vers lui mais lui ne me remarque même pas, comme si ce qui s'était passé dans le bus n'avait jamais existé. Arrive enfin 17h et je sors du lycée la première en me postant devant le portail et j'attends.
Deux minutes plus tard je commence à trouver le temps long. Je ne le vois toujours pas arriver dans la masse d'élèves qui sort du lycée. Un élève sort de la foule et s'approche de moi.
- Tu es Anya ? me demande-t-il.
- Oui... je réponds, sans trop savoir pourquoi je lui réponds.
- J'ai un message de Tom pour toi. Il demande que tu le rejoigne là où tu avais trouvé le sommeil le jour tragique. Je ne comprends pas trop ce qu'il va dire par là mais je suppose que tu le sais toi...
Déjà je n'entends plus sa voix. Je me remémore cet endroit tranquille avec le chêne où j'avais trouvé le calme hier. Je le coupe et le remercie avant de courir vers l'arrière du lycée. En effet, Tom m'attend allongé près du chêne. Je le rejoins doucement, et le voit qui a les yeux fermés. Il me dit sans les ouvrir :
- Je suis désolé de t'avoir posé un lapin mais je ne trouvais pas le courage de te le dire devant le lycée.
- Me dire quoi ? Je trouve que tu es bien trop énigmatique...
Il se relève sur ses coudes et me regarde de ses yeux verts.
- Je suis désolé mais il le faut, me murmure-t-il.
- Pourquoi tu voulais me voir à la fin ?
- Je sais qui a tué ton père mais j'ai fait la promesse de ne rien dire...
- Si ça concerne mon père tu as intérêt de me dire tout ce que tu sais ! je lui siffle à la figure en l'attrapant par le col.
Il se lève tout à fait, et me toise avec mépris.
- Je t'interdis de me toucher, c'est clair ?
Ses yeux, auparavant chaleureux malgré leurs mystères, semblent à présent froids et sans émotion. Je recule, blessée. Il se calme et me regarde avec plus de douceur.
- Désolé... Mais je...
Je n'attends pas la suite et dévale la légère pente en direction de chez moi. J'ai loupé le bus avec cette histoire mais tant pis. Je vais rentrer à pied. Toutes mes pensées se bousculent dans ma tête et je n'arrive pas à les ranger correctement. Le soleil se couche sur la ville et je m'aperçois soudain que je n'ai pas eu de pertes de mémoire aujourd'hui. Je m'arrête sur cette pensée étrange et je la range au fond de moi en espérant que ces pertes de mémoire n'étaient que passagères. Mais je n'ai pas trop d'espoir. Je me retrouve enfin devant ma porte que j'essaie d'ouvrir avant de me rendre compte que j'ai oublié mes clés. Comment faire ? Soudain terrassée par le poids des sentiments, je m'effondre en sanglots bruyants.

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