Académie Lakewood. Encore une année qui s'annonçait bien. Y'avait-il un seul endroit sur Terre où on pouvait réellement se sentir plus mal à l'aise et prisonnier que cette école, maudite et austère, dans laquelle seuls les parents mangeant avec des couverts en or inscrivaient leurs fils ? Où le seul et unique but était de former des avocats, des banquiers, des médecins, des bureaucrates, des bons petits pantins au service de l'Etat, des Hommes sans volonté ou libre-arbitre ? Lakewood : quel nom parfait pour un lieu si répugnant. À Lakewood, école pour jeunes garçons prisonniers (puisqu'il faut appeler les choses par ce qu'elles sont), on ne choisissait pas son avenir, d'aucune façon que ce soit. Il était choisi du tout au tout par d'autres, des professeurs, des directeurs, des enfoirés au crâne luisant et au veston sur-mesure auxquels on donnait le pouvoir de choisir du destin des uns et des autres. Être jeune, ça ne voulait rien dire à Lakewood.
Louis se perdit dans la contemplation des briques noires et rouges qui refaisaient la façade des bâtiments de cette école qu'il haïssait tant, une expression de dégoût non dissimulée sur le visage. Lakewood. Rien que ce nom lui donnait envie de prendre la fuite, de se mettre à courir dans l'allée de gravillon, d'escalader le portail en fer noir et de continuer à courir. Pour aller où ? Loin. Loin de tout ça, de ces bâtiments maudits, de ces gens qui interdisaient toute forme de rêve, d'espoir ou d'ambition.
Un peu plus loin dans le parc, le directeur échangeait une dernière poignée de main avec ses complices : les parents de Louis. Un homme hautain, à la mine sombre, dont le visage était marqué d'un mécontentement constant et dont la dureté transparaissait à travers le regard, portant un pantalon de tissus chic et une chemise de soie, une cravate neuve de la veille et une veste de couturier; et sa femme, cheveux relevés, un chignon parfaitement maîtrisé et tiré vers l'arrière, esclave inavouée de son mari, silencieuse, le regard vide et une breloque en or sertie de pierres précieuses au poignet, tel un animal qu'on garderait gentiment à côté de soi après lui avoir passé un collier autour du cou. Louis retint la bile qui remontait dans sa gorge. Ses parents le répugnaient. Pourquoi ? Primo, ils l'avaient inscrit dans cette école en premier lieu. Deuxio, ils étaient comme tous les autres, des conformistes à la recherche de la norme et de la perfection, auxquels on avait inculqué des « valeurs », des « principes » stupides, élevé à coup de « l'argent est plus important que tout, tâche de t'en souvenir ». On leur avait fait avaler que rien n'avait plus de valeur qu'une belle maison, une femme de chambre et des enfants suintants de réussite scolaire. Se faire manger dans la main par les autres fourmis du quartier, ces pauvres ouvriers qui leur étaient dévoués corps et âme pour avoir un salaire insignifiant, voilà ce qui leur plaisait. Être l'élite de la ville, voir même du pays. Ils se complaisaient à l'idée d'être ceux qui détenaient le pouvoir sur les autres. Comme si l'élite se limitait à une simple ribambelle de crétins ayant passé plus de temps coincés dans une salle, assis à un bureau à apprendre par cœur des formules de mathématiques complexes qu'à faire quelque chose de leurs dix doigts.
L'heure du départ des parents arriva finalement et Louis ne fit même pas mine d'en avoir quelque chose à faire. Le même baratin habituel : « tu feras la fierté de ta famille mon fils », « n'oublies pas d'apprendre tes cours et de réviser ton latin », puis une poignée de main solennelle avec le père, une accolade distante et hypocrite avec la mère, quelques larmes de crocodiles et enfin la sonnerie qui retentit dans l'école, comme une délivrance après ces « au revoir » faussement déchirants. Quel soulagement ce fut pour Louis lorsque ses parents disparurent finalement par le portail.
Il entra dans l'école sans la moindre hésitation. Après toutes ces années, ce rituel le lassait. Les premières années, il reconnaissait avoir été réellement touché par le fait d'être arraché au cocon familial qu'il pensait alors chaleureux et accueillant. Mais avec le temps, il avait fini par se dire que, de toute manière, il allait devoir rentrer dans le bâtiment cauchemardesque tôt ou tard. Autant le faire le plus vite possible. C'était comme retirer un pansement. Un coup sec et puis plus rien. « Vite fait, bien fait » comme disaient les voisins. Au moins, une fois entré, Louis n'avait plus l'espoir d'en ressortir avant la fin de l'année. L'espoir c'était ce qui faisait que les plus jeunes pleuraient le jour de la rentrée. L'espoir que leurs parents décident que, après réflexions, Lakewood n'était pas un endroit pour grandir et qu'il valait mieux se tourner vers l'école publique, là où les filles et les garçons n'étaient pas distingués et où on pouvait discuter avec son voisin pendant la pause déjeuner. Il n'y avait rien de plus pénible que cet espoir. Avec le temps, Louis avait fini par comprendre que cet espoir était inutile. Mieux valait l'effacer aussitôt, ne pas s'accrocher à des rêves trop irréalisables.
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Lakewood
FanfictionLouis et Zayn, deux élèves de l'académie Lakewood, l'une des écoles privées de garçons les plus réputées de tout le pays, créée pour former des "elites". Ils haïssent cette école et le quotidien ennuyant qu'elle leur offre. 5 ans qu'ils sont là. Et...