Chapitre unique

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Magnus faisait tourner lentement une potion dont la couleur virait peu à peu du bleu foncé au violet. Son attention prêtait à désirer. Son regard ne cessait de s'attarder vers son lit sur lequel, dans les ombres de la nuit, dormait sereinement Alec. Grâce au sorcier. Sans lui, il serait encore en train de se vider de son sang. Quelle idée avait-il donc eu de se jeter la tête la première dans la gueule du loup ? Tout ça à cause de Jace, encore. Magnus comprenait -plus ou moins- ce qui liait les deux chasseurs d'ombre. Alec lui en avait beaucoup parlé pour qu'il réussisse à appréhender combien ils étaient liés d'une façon qu'aucun autre être, humain ou créature, ne pouvait ressentir. Était-ce pour autant la peine qu'il manque de se faire tuer pas moins de deux fois par semaine ?

Magnus poussa un soupir. Il ne pouvait rien y faire ; Alec ne l'écoutait pas. Pas quand cela se rapportait de peu ou de loin à son statut de chasseur d'ombre. Fichu Nephillim...

Lorsque le sorcier jeta un nouveau regard vers son lit, il manqua de sursauter et d'en lâcher sa potion si durement préparée. Alec s'était redressé, ses cheveux bruns en bataille, son regard profond empli de sommeil. Appuyé contre la tête du lit, il posa les yeux sur Magnus. Celui-ci fit mine de revenir à la préparation de sa potion mais ne put résister à parler.

« Tu devrais te recoucher, tu ne seras pas en état de te lever avant demain. »

Aucune réponse ne lui vint ; ni grognement de frustration, ni soupir de résignation. Au bout de plusieurs secondes de ce silence, Magnus regarda à nouveau vers Alec. Son expression n'avait pas changé d'un iota. Décontenancé, il tenta de se concentrer à nouveau sur son travail, mais c'était peine perdu. Le regard du chasseur d'ombre lui brûlait la nuque.

Finalement incapable de se retenir, il se tourna à nouveau vers Alec pour lui demander enfin, d'une voix perplexe :

« Quoi ? »

Alors qu'il perdait espoir d'obtenir une quelconque réaction, la voix calme au timbre somnolent du garçon répondit enfin.

« Tu es en colère. »

C'était une affirmation. Magnus ne put s'empêcher de lever un sourcil d'un air surpris. Il avait peut-être trop forcé sur la dose de calmant ? D'un autre côté, il n'avait pas eu le choix. Mais il était évident qu'Alec n'était pas dans son moment le plus lucide. Il prit quand même la peine de lui répondre -que ne ferait-il pas pour Alexander Lightwood ?-.

« Non, je ne suis pas en colère, je suis simplement stupéfait de ta capacité incroyable à requérir toujours mes soins. Non pas que je m'en plaigne, mais si tu pouvais arriver chez moi sans être amoché -ou disons, seulement avec quelques bleus- j'apprécierais. »

L'amusement ne quitta pas les yeux d'Alec.

« J'aime bien te voir stupéfait alors. »

Cette fois-ci, la fiole contenant la potion eut vraiment la chance que Magnus eut plutôt le réflexe de la serrer que de la lâcher. Pour plus de sûreté, et comme sa couleur avait enfin atteint le violet qu'il désirait, il la posa sur le meuble près de lui et s'y appuya pour regarder vers Alec, tout en hésitant à continuer la conversation ou lui relancer un sortilège de sommeil. C'est alors que ce dernier, un sourire étirant ses lèvres dans une moue enfantine, l'innocence brûlant dans ses yeux empli de fatigue, reprit la parole avec sérénité.

« Je t'aime. »

Heureusement pour la pauvre fiole qu'elle se trouvait désormais bien en sûreté sur le meuble. Magnus sentit son cœur rater un battement et il se retrouva incapable de répondre quoi que ce soit, ses yeux figés sur le garçon qui venait de lui dire pour la première fois des mots qu'il ne songeait même pas entendre. Il n'avait jamais osé le dire lui-même car il laissait les choses se faire au rythme du chasseur d'ombre ; car justement ce qu'il éprouvait pour lui et la relation qui se tissait mois après mois lui suffisait, alors même qu'il n'avait jamais eu un rythme si lent avec qui que ce soit, malgré les siècles.

Ces mots au fond d'euxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant