Chapitre 1 (Réécrit)

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Samedi 10 février 2018, vingt-trois heures, chambre 344, Pullman Miami hôtel.

Expiration, inspiration. L'air entrant dans mes poumons m'octroie une certaine contenance qui n'est pas pour me déplaire. Au contraire.

Contemplant la porte dénuée de couleur, mon regard ne cesse d'observer la plaque fixer sur le chambranle. Un numéro à trois chiffres inscrit en italique et en noir. Je suis bien au bon endroit !

Sans qu'elles aient reçu un réel ordre de la part de mon cerveau, mes mains prennent la suite des événements. Elles s'élèvent vers mon visage et déposent sur celui-ci le fin tissu qu'elles tenaient encore il y a quelques instants. D'une délicatesse sans faille, elles rejoignent l'arrière de ma tête et s'emploient à faire un nœud convenable et, surtout, résistant. Oui, cette soirée ne sera pas forcément tendre.

Privée de mon sens visuel, tout ce qui m'entoure est différent. Les sons sont décuplés et procurent à mes oreilles une mélodie symphonique étrange ; mon odorat s'amuse à sentir les dissemblables mélanges de produits d'entretiens et de parfum ; et seuls mon toucher et mes papilles gustatives sont en restes.

Comme si elles étaient possédées, mes mains reprennent une nouvelle fois la direction de l'instant présent. Se posant sur la poignée, elles finissent par ouvrir la porte avec appréhension. La peur de découvrir une personne autre que celle prévue à l'origine me fait craindre le pire. Je ne suis jamais trop prudente dans la vie.

Occultant mes pensées horrifiques, je m'avance vers l'intérieur de la pièce avant de refermer ladite porte non sans une dernière expiration. Essayant de m'orienter tant bien que mal, je tâtonne avec difficulté tout ce qui est proche de moi. Des murs rectilignes sans aucun défaut, des objets mystérieux tant quand nous n'avons pas le visuel nous n'avons pas la perception des formes matérielles, et des meubles aussi lisses que de la soie.

M'émerveillant devant ces découvertes obscures, un parfum féminin finit par envahir mes narines. Mon inconnue est déjà présente et elle m'attend en silence.

- Je vois que tu es ponctuelle ! J'apprécie ce trait de caractère ! Déclaré-je d'une voix sensuelle tout en me rapprochant de son odeur caractéristique.

- Toujours !

- Code ?

- Tissu.

Ce mot, aussi basique soit-il, me donne alors la confirmation que cette inconnue est bien celle pour laquelle je suis venue. Cependant, la sceptique en moi désire avoir la preuve que celle-ci porte également un masque sur les yeux.

Arrivée devant elle après d'interminables minutes, je finis par poser délicatement mes mains sur son buste avant de rejoindre son visage. Profitant de cette même occasion pour m'imprégner de la moindre particularité du corps sous mes doigts. Une peau douce, jeune, sensible et frissonnante à mon toucher.

Après avoir eu la confirmation qu'elle aussi voit noir pour un temps défini, je poursuis l'exploration de son minois comme une personne malvoyante le ferait. Car il faut se l'avouer, sentir et découvrir la peau de quelqu'un sans l'apercevoir est une expérience unique à faire au moins une fois dans sa vie ! Nos sensations y sont décuplées et nos sens s'éveillent comme jamais auparavant alors que le silence est d'or. Au demeurant, aucune de nous ne parle, chacune profitant de ce moment pour apprendre à se connaître d'une manière inédite.

D'ailleurs, après des secondes ou des minutes que je ne saurai dire tant cet instant rend mon cerveau incapable de se situer dans le temps, ses mains ont fini par faire de même, se mouvant elles aussi sur mon visage.

Prise de frissons à la rencontre de ses doigts sur ma peau, ma compagne d'un soir parcourt et analyse chaque trait de mon minois. Tous sont étudiés méthodiquement sans pour autant dépasser la limite inconsciemment imposée. C'est un accord tacite entre nous.

Deux inconnues, tome 1 (en réécriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant