Show Must Go On

Fin.

Une larme silencieuse coule sur ma joue. C'est doux une larme. Ça glisse contre la peau, ça roule en traçant un sillon humide et brillant. Brulant.

— Joseph, ça va aller ?

Qu'il m'attende, ce connard de journaleux, avec son sourire faux et son regard avide... Ces gens n'aiment rien de plus que la misère et le malheur des autres. Ils s'en repaissent sans en être jamais satisfaits, à tel point qu'ils en font leur pain quotidien. Accabler les hommes brisés, les femmes en pleurs et les enfants aux familles déchirées, voilà le vrai visage de l'information.

Tout en lui est faux. Il veut juste être celui qui m'exécutera, celui qui finira le travail. Il a déjà écrit son article, il attend simplement de pouvoir transformer tout ce que je vais dire pour accabler l'homme de ma vie. Ma carrière est finie si je le soutiens, et elle est finie si je ne le soutiens pas. Dans les deux cas, l'opinion publique exècre déjà son nom.

— Allons-y, Germain.

Germain hoche la tête, me tapote le bras, puis grommelle quelques mots d'encouragements dans son épaisse barbe blanche avant de sortir en claudiquant de mon bureau. Le journaliste attend toujours, silencieux, que je me décide à commencer l'interview.

Je compose mon plus beau sourire de façade. Je serre la main du jeune homme filiforme au teint pâle et aux cernes creusées, en chemise aux manches retroussées, crayon derrière l'oreille. Un débutant, tout ce qu'il y a de plus inexpérimenté. Première grosse affaire. L'occasion pour lui de se propulser au sommet, en quelques lignes d'une écriture codifiée. Quelques colonnes en tête de Libé ou du Monde, peut-être même de l'Obs, et sa vie se transformera.

Je prends place dans le fauteuil face à lui. Je vais mettre en application ce à quoi on m'a toujours formé, depuis le début de ma carrière en politique.

Mentir avec le sourire. Et promettre l'impossible.

Show must go on...