Fleeting Dreams

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« Ce matin-là, l'ombre de la mort avait des ailes »

Bruno D. Cot & Michèle Leloup


  — Dis, dis, tu me joueras encore du piano comme autrefois ?  

Je me rappelle du moment exact où j'ai pris une décision qui allait changer ma vie. Je me trouvais dans l'une des salles de classe de l'Académie et ce n'était peut-être pas le meilleur moment pour un changement, mais c'est là que j'ai réalisé que mon plus cher désir était de composer des mélodies. Cette décision n'avait rien d'étonnant, tout comme toi, depuis ce jour-là, l'écriture était devenue ta priorité. Je me souviens que tu avais commencé à écrire un ou deux ans avant cette journée, ces nouvelles faisaient une ou deux pages, parfois moins. Où que tu sois, tu avais un petit carnet sur toi pour tout consigner, cela devenait presque urgent si cette inspiration t'envahissait alors que tu marchais en pleine rue. C'était vraiment intense de voir ton visage s'illuminer, cette pression qui subsistait jusqu'à ce que tu jettes les premiers mots. Écrire était-il aussi simple que cela ? J'y songeai en te regardant sur la rive, plongée dans ton calepin plutôt que de choisir de me rejoindre dans la rivière comme tu le faisais autrefois. Une fois que les récits avaient trouvé le chemin sur le papier, ton travail débutait seulement. Il fallait d'abord peaufiner les personnages, l'intrigue en général, les dialogues et les descriptions...Mais ce travail de dur labeur te semblait bien plus agréable qu'à moi. Je ne comprenais d'ailleurs pas ce fait, comment aligner quelques mots pouvait-il avoir autant d'effet sur une personne ? C'était comme si tu étais une déité quelconque donnant la vie à un autre monde et ses créatures.

Encore aujourd'hui, je me demande d'où venaient tes inspirations. Cette motivation indéniable alors que tu aurais simplement pût laisser tomber sans t'en soucier outre mesure, mais non, cela saccageait ton esprit comme un poison qui se repend dans le corps d'un condamné. Tu suivais avec assiduité nos cours communs en Littérature, toi à qui le rêve était de devenir enseignante imaginait pouvoir concilier cela avec la condition de romancière. En tant que meilleur ami, j'allais dans ton sens et tu me promis d'essayer pour nous. Je refusais de te perdre comme camarade en te décourageant comme un orgueilleux prétentieux dont tout lui était dû et permis, perdre ton amitié m'aurait fait plus de peine que de devoir cesser mes divagations sur le piano, si tu étais une droguée du stylo, je l'étais des touches d'ivoire. Chacun sa passion, chacun ses rêves...Le meilleur de nous est de devoir nous soutenir et nous encourager mutuellement, il n'y a pas à chercher plus loin dans l'esprit d'un jeune adolescent. J'étais si sûr que rien ne viendrait perturber notre vie dont nous avons parcouru ensemble les banlieues durant notre enfance et, dans mon ignorance, j'espérais que cela se poursuivrait à jamais. Mais je me trompais, comme c'est courant pour des personnes de notre âge. Le drame se produisit lors des vacances, profitant des derniers jours de liberté et comme à notre habitude, nous allions nous baigner dans la rivière où tu aimais être inspirée et où je me plaisais de plonger. Ce matin- là, je m'étais éveillé avec un peu de fièvre, mais je voulais consacrer cette journée à nous deux.

Je voulais t'avoir pour moi seul dans ce monde que nous partagions. Je me souviens de ton inquiétude en voyant mon malaise sur le chemin, mais j'ai tant insisté, tant supplié que tu n'as pas eu le choix que de plier. Tout c'était si merveilleusement bien déroulé, comme dans un rêve. Tu t'étais juste absentée quelques instants pour des besoins de jeune femme. Je sais que ce moment d'inattention, tu le paieras toute ta vie et contre mon gré. Je me suis sentit nauséeux et je n'ai pas eu le temps de réalisé que l'eau m'avait d'ores et déjà submergé...Étais-tu revenue en courant dans l'espoir de me faire une farce ? Je sais juste que tu n'as pu qu'assister impuissante à ce spectacle que fus ma mort en cette matinée d'Août. Tu as bien tentée de venir me récupérer, mais j'étais bien trop lourd pour tes bras frêles, la vision de mon corps sans vie t'avait fait pousser des hurlements attirant d'autres passants qui avaient bien eut du mal à t'ôter de moi et à t'éloigner, tremblante et gémissante. Ma pauvre chérie, je regrette tant. Vouloir profiter d'un seul jour, c'est bien...Mais profiter de l'existence m'aurait bien convenu, tu serais venue même si j'étais au fond du lit et nous aurions ris, mais il ne restait plus rien dorénavant. Hormis la mort et le désespoir, le doute sur les choses à accomplir. Cet accident a briser ton existence. Beaucoup n'ont pas remarqué la disparition du garçon discret que j'étais. Qui pouvait bien pleurer ma mort à part toi ? Qui me connaissait si bien hormis toi ?

Ton année scolaire démarra sous le signe du deuil, si tu demeurais prisonnière de ta cage dorée remplie de douleur, je fus libre, mais supplicier de ne pouvoir te consoler. Tes résultats en chute libre, tes professeurs et tes parents ne t'épargnèrent rien. Tu ne parvenais à vaincre la douleur que grâce à l'écriture, ta principale alliée. Au début de ma disparition, cela chassait tes idées noires de me rejoindre. Combien de carnets as-tu remplis ? Combien d'entre eux ont été tâchés de tes chaudes larmes, enfermée dans ta chambre ? J'étais là et tu me sentais, j'en suis certain. Tu ne parvenais pas à te détacher de mon souvenir, il est vrai que nous avions vécu tant de chose ensemble, comme les deux doigts de la main, comme ces jeunes couples qui sont certains de passer leur vie ensemble. Oui, te voir dans cet état me déchirais l'esprit, mais il ne me restait que ça. Juste ce constat. Ce matin-là, l'ombre de la mort avait des ailes et ces ailes m'ont prise, arraché à cette existence et ta présence, combien d'années ce sont écoulées depuis ? Te voilà si grande, si séduisante, si sûre de toi malgré cette blessure qui te tenaille encore le coeur. Tu donnes cours à tes élèves, esprits nubiles et assoiffés de connaissance, comme tu me le promis autrefois. Au lieu de te consacrer à ton rêve de romancière, tu préfères passer la main à ces adolescents remplis d'espoirs. Ne souhaitant plus être prisonnière de ce souvenir douloureux, tu t'es affranchie, débutant une nouvelle vie, pour mon plus grand plaisir. Dis, dis, me raconteras-tu encore une histoire comme autrefois ?

Tu sais. Mes étudiants faisaient des études de Littérature, ils n'avaient jamais écrit auparavant, voire très peu. Comme la plupart des gens qui n'ont jamais pratiqué l'écriture, ils venaient en cours avec des espoirs, des idées préconçues et des craintes. Mon rôle est d'apaiser leurs doutes, les encourager et les mener à leur but avec tout mon savoir d'enseignante et d'humain, j'espère que de là où tu te trouves, tu regardes et tu apprécies que je n'aie pas abandonnée. Je sais que tu es là et resteras toujours là plutôt que de changer de place, mais ce n'est pas grave, je vis comme autrefois avec ta présence et parfois, il m'arrive d'entendre ces douces mélodies que tu jouais d'antan. Je suis certaine que les grands compositeurs n'auraient rien eut à envier si tu avais vécu, en attendant, je fais la corrida avec des étudiants qui sont aussi insouciants que nous l'étions et tu sais quoi ? Tout ceci me fait bien encore rire !

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