Partie 5

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Je n'avais pas eu le temps de regarder ma montre mais nous avions mis une bonne heure afin de dégager toute la vermine. Hélas, il n'y avait aucune trace de Del Maestros. La maison était immense. Vraiment plus grande que ce qu'elle laissait entrevoir de l'extérieure. La plupart des pièces étaient avoisinantes entre elles, en plus d'être reliées par des longs couloirs. Tout était dans un sale état, tapisserie souvent arrachée, barreaux de sécurité des étages quasi inexistants... Même les deux salles de bains au premier étaient répugnantes. Une masse noire et visqueuse avait envahi la baignoire, ce qui m'avait donné des hauts le cœur difficile à apaiser. Dans mes comptes, j'avais aussi aperçu des chambres d'enfants et des dortoirs aux lits surpeuplés, me laissant croire que les étrangers étaient comme "stockés" ici. La majorité des fenêtres étaient calfeutrés et la présence de garde armé devant les portes m'avait confirmé mes impressions. Nous avions endormi une dizaine d'hommes, maîtrisés 10 autres et tués 2 dont le gars à la mitraillette dans la maison. Dehors il y avait eu les deux gardes du portail, celui que le groupe de Legarnier avait eu, le fameux Juan que j'avais assommé et les types enfumés de la caravane. Il y avait une petite armée ici, aux alentours une trentaine de mecs, tous expatriés.

Installés dans une pièce du haut, je me tenais là sans bouger. La pièce était lugubre et humide, pourtant elle était censée abriter des enfants en vue des nombreux jouets étalés sur le sol.

Quelle tragédie... Tout ça pour finir éventré sur une table...

Une présence se manifesta dans mon dos et racla la gorge afin d'attirer mon attention. Je me tournai lentement, un peu déprimé par ce spectacle sordide.

- Euh chef... excusez-moi mais... On a trouvé la "boucherie"

- La boucherie ?

- Oh euh oui pardon on l'appelle comme ça avec les gars vu l'état des lieux... Je parlai de l'endroit où ils...vous savez...découpés les gens...

- Où ?

- Dans la cave. Enfin ce n'est pas vraiment la cave. Il y a une sorte d'étage entier sous la maison. Dont une salle réfrigérée complètement clandestine, du sacré boulot.

- Vous voulez leur décerner une médaille aussi ? répondis-je sèchement

- Non chef non pardon...

Je lui tournai le dos silencieusement dans un mouvement de ralenti des plus exagéré. Pour lui, il n'était que question d'une affaire de fous qui découpaient d'autres personnes, elle devenait une histoire à raconter comme une autre dans des soirées au bar entre collègues. L'inconvénient c'était les dégâts humains qu'elle avait engendrés. Une cinquantaine de personnes y étaient mortes récemment mais depuis combien de temps s'étaient-ils livrés à ce trafic ? Qu'avaient-ils promis à ces pauvres gens ? Un refuge ? Des papiers ? Tout cela était bien malheureux. J'avançai dans la pièce laissant mon regard vagabonder de gauche à droite sur les différents jouets et peluches. La fenêtre avait été grossièrement calfeutrée à l'aide de planche et de lattes en bois clouées les unes aux autres.

- On a appelé les gars du labo, ajouta-t-il. On s'est dit qu'il serait intéressant de relever quelques empreintes et de débarrasser la chambre froide de « tout » ça...

- Allez les voir, le coupai-je. Dites-leur de prélever des échantillons de sang un peu partout dans la pièce. Si ces pauvres personnes ont une famille ça serait bien de pouvoir les en informer.

- Oui bien sur... c'est évident.

- Des rescapés ?

- Un seul mais nous avons dû prévenir une ambulance.

- Bon allez-y.

- Vous ne venez pas ?

- Si si j'arrive ...

J'étais songeur, un flot d'images négatives m'ayant envahi. J'entendis des bruits de pas s'éloigner. A travers le bois pourri, un léger halo de lumière blanc filtra. Quelle heure était-il ? Nous étions déjà le matin ? Je jouais au curieux et me permit de regarder par la fenêtre. La cabane apparut dans mon champ de vision, petite et mystérieuse. De là où je me trouvai, je pouvais apercevoir une petite lucarne récemment construite ornant le milieu du toit.

Quel étrange ajout...

Il en devenait vital pour moi d'aller voir ce qu'elle cachait en son cœur. Quelque chose m'appelait. Je fis demi-tour, la « boucherie » restait ma priorité pour le moment.

***

Le lieu était infâme, sombre et nauséabond. Le sang s'était accumulée dans plusieurs endroits créant une sorte de pate visqueuse qui collait à mes chaussures. Les petits génies du labo avaient pensé à me fournir une sorte de crème épaisse à l'image du baume du tigre que j'avais étalé sous mes narines afin d'empêcher les odeurs de filtrer dans mon nez. Une astuce des gars de la morgue m'avaient-ils dit. Plutôt efficace, je devais le reconnaitre bien que l'aromate avait déjà pénétré mes sinus lorsque j'étais descendu par l'escalier. Il m'était dès lors impossible d'oublier cette odeur de putréfaction immonde qui hantait les lieux.

La pièce ressemblait à une salle de chirurgie, si on laisse de côté toutes les règles d'hygiène... Une table en aluminium décorée le centre de la pièce éclairée par une sorte de spot de chantier. Une boite mélangeait de nombreux outils ensanglantés, une hache non loin tenait appui sur la table. Un rideau à moitié ouvert, séparait la pièce en deux délimitant un autre espace. Au premier abord, le rideau devait être blanc mais le bas avait été abimé et maculé d'un liquide noir et épais. J'avançai difficilement en direction de l'autre espace. J'y découvris un fauteuil comme il était possible d'en voir dans les salons de tatoueur à la différence que des sangles avaient été rajoutés, certainement afin de maintenir les victimes. Je me pétrifiai lorsque je reconnus enfin la masse qui se balançait dans le fond de la pièce. Le corps d'un homme était suspendu par les poignets, viscères dégoulinant de son ventre lacéré.

- Fascinant n'est-ce pas ? me demanda Stan le chef des scientifiques. Macabre certes, mais fascinant. Il y a une poubelle là-bas si vous le désirez.

- Non non ça va... hésitai-je

- Ne vous inquiétez pas certains de mes gars n'ont pas supporté le choc. Le pauvre type a eu une mort lente et certainement très douloureuse. L'homme qui l'a ouvert n'y est pas allé de mains mortes. Couteau moyen, cranté... Un barbare.

Voilà le fameux type que « Robert » avait éventré, empêchant le boucher de récupérer son foie...

- Ils lui ont crevé les yeux et coupé la langue. Personnellement je pense que c'était par pur sadisme.

- Et les bleus ?

- Mis à tabac, simplement.

- Décrochez-le de là et appelez la morgue. Je sors de là avant de contaminer la scène.

Je déguerpis rapidement. Dans le fond je n'avais rien a faire de spécial ici et la cabane m'appelait encore dans un coin de ma tête. Je traversais le long couloir croisant des hommes vidant la pièce réfrigérée puis je passais devant la pièce qui devait servir à entreposer les cadavres vu le nombre de corps que j'aperçus en un coup d'œil. Mais que faisaient-ils de tout ça après ? Comment avaient-ils pu se débarrasser de tous ces cadavres sans avoir aucun souci ?Une vague de questions recouvrant une autre vague... La boucle était interminable. Sans m'en rendre compte, mon pas avait tellement accéléré que je courrai presque pour fuir cet endroit. Je ne supportai plus cette vision, devoir tout ce sang, ces membres éparpillés et ces cadavres abandonnés comme desdéchets. Arrivé dehors se fut la libération. 

Par la fenêtreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant