FEU ROUGE

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DING . DING . DING . DING . DING . DING . DING . DING . DING ...

— Roy.

DING . DING . DING . DING . DING . DING ...

— Roy !

— Skyler...

— Roy ne joue pas à ça. Attache ta ceinture ! Dépêche-toi ! insista Skyler, autoritaire.

Mais celui-ci n'obéissait toujours pas.

La mère de famille serrait le volant au point de faire grincer le cuir qui recouvrait le plastique. Sa respiration, audible et hachée, lui donnait des airs d'animal blessé dont le garçon se délectait.

— ROY ATTACHE CE BORDEL DE... ! hurla-t-elle avant de se raviser.

Elle ferma les yeux, un peu plus longtemps qu'elle ne devrait et dévia de sa route un court instant. L'affreux bip de l'alarme "ceinture non mise" continuait de sonner ; au point que son cœur semblait avoir pris le même rythme. Ce son aigu et répétitif s'amplifiait à chaque DING, explosait ses tympans, s'infiltrait dans sa tête pour ricocher contre les parois de son crâne.

Roy regardait les ridules se creuser sur le front de sa mère. Chaque son semblait la rendre un peu plus fébrile. Mais le jeune homme de seize ans se lassait vite. À ce stade il ne songeait qu'à une façon d'accentuer le malaise de sa génitrice. Il voulait la voir hors d'elle. Ce n'est qu'à ce prix qu'il laisserait, sans remords, sa propre rage fleurir et se déverser sur elle.

Un sourire étira le coin de ses lèvres fines lorsqu'il posa les yeux sur le radio cassette « dernier cri » encastré dans le tableau de bord . Roy se demanda comment cet appareil anachronique pouvait encore exister en 2017, alors que ses doigts furetaient déjà sur les boutons.

Bip. Il est où le bonheur il est où. Bip. Les deux braqueurs en cavale sont. Bip. Tous les cris les SOS . Bip. TCHHHHHHHHHHHH . Bip. S'attaquent aux voitures à l'arrêt pour les. Bip. Vingt-trois degré en février c'est. Bip. Sapé comme Jamais. BIP.

— Arrête ça.

La main de la mère s'était abattue avec un peu trop de violence sur le bouton on/off de la radio. Le point de rupture était proche. Roy se sentait euphorique, une colère sourde commençait à s'infiltrer sous son épiderme.  Quand il ralluma la radio ,au grand dam de Skyler, c'était pour mieux changer de fréquence, appuyer sur tous les boutons, baisser, augmenter le volume ...

Et le cœur de Skyler cognait comme un boxeur distribuant des uppercuts contre sa poitrine. Elle expira l'air en saccadé, se concentra sur la route pour ne pas flancher.

Ce n'est pas assez, pensa Roy, déçu. Alors il tourna alors le bouton du volume à fond vers la droite.

"HOW DEEP IS YOUR LOVE !"

— Roy ! Je t'en prie, je t'en supplie ! Arrête ce que tu fais ! Éteins ce bordel de radio et attache ta ceinture ! hurla Skyler à bout, la voix chevrotante.

—OUIIIIIIIIIIIN ! s'époumona Judith sur le siège arrière.

La mère poussa un petit cri étouffé, cogna le volant de ses poings serrés et impuissants. Rêva secrètement de les resserrer autour du cou de son ingrat de fils.

— Tu l'as réveillée, t'es fière ? demanda Roy, d'une voix trop calme.

Skyler flanchait. La rage rendait sa vision trouble, mais elle refusait de lever la main sur son fils. Elle accélérait, sous pression. Tout ce qu'elle voulait, c'était se concentrer sur le ronronnement enivrant de son moteur. Passer les vitesses, sentir le manche riper contre les rouages de la boite de vitesse. Avoir l'impression de contrôler quelque chose. Les maisons et commerces de l'agglomération filaient à toute vitesse par la fenêtre.

SECONDE A BASCULEWhere stories live. Discover now