Ce soir-là, je patientais calmement sur le quai, au crépuscule du jour, là où régnait un silence morne et tranquille. Il y avait peu de monde, car les gens étaient sûrement déjà au chaud dans leurs logis. Mais moi, j’allais là-bas, attendant inlassablement le métro dans le froid. Mon regard s’égarait sur la vie autour de moi qui me semblaient pétrifiées dans une sorte de béatitude de fin de journée. Je goûtais le son du silence avec plaisir, m’imprégnant de ce calme dont je jouissais trop peu souvent. J’avais toujours préféré la campagne à la ville. La nature, dans sa forme la plus pure aux éclats éblouissants plutôt qu’une humanité que je contemplais avec de plus en plus de tristesse chaque jour. Puis le bruit du métro crissant sur les rails me ramena à la réalité et les images de végétation s’effacèrent de mon esprit, laissant place à la sale couleur grise du quai. Les portes mécaniques s’ouvrirent avec un bruit désagréable et l’alarme sonore retentit affreusement. Durant ce court moment, je m’étais assis sur un des sièges usés du wagon. J’étais fatigué et je somnolais déjà dans mon manteau bleu qui m’enveloppait d’une chaleur agréable.
La tête appuyée contre la vitre quasiment opaque, je regardais vaguement en dehors, sans véritablement distinguer les objets autour de moi. Le temps était sombre et d’un gris parisien. Une fine pluie venait se poser contre la vitre, et, un instant, je me mis à observer la trajectoire d’une des gouttelettes qui décrivait une arche chaotique. On aurait pu croire aux pleurs de la ville. Franchement, cette tristesse que Paris faisait percevoir par ces bâtiments durs, sans formes et qui manquaient d’harmonie m’était accablante. Et pourtant, il y avait un je ne sais quoi dans l’air, une fraicheur dans le vent, des essences enivrantes comme les odeurs du soir.
Mes rêves étaient ces temps-là bien étranges et malgré tout, je ne pouvais qu'avoir ce sentiment de bien-être lorsque j'y songeais. Oui, des souvenirs chauds et tendres me revenaient sans cesse à l'esprit. Mais je tentais vainement d'y retomber car le tremblement incessant du train m’en empêchait.
Le train entra dans un tunnel, et le noir s’installa. Le wagon qui semblait mort et éteint de l'intérieur se mit alors à revivre par les lumières maintenant allumées. Une voix quelque peu métallique annonça le nom de la station et bientôt l’on s’arrêta à côté du quai éclairé par des néons grésillants. Les portes mécaniques s'ouvrirent avec le même bruit désagréable et je vis les personnes entrer et sortir. Mais soudainement, je vis s'asseoir en face de moi ce jeune homme qui me sortit de mes rêveries. Je me redressai pour qu'il puisse bien s'installer et il m'adressa un franc sourire en guise de remerciement. Pendant qu'il déposait son sac à terre, sortant un livre, je me mis à scruter son visage qui rayonnait d'une grâce masculine. Il avait un visage fin et doux, et ses yeux noisette, perçants et pétillants de vivacité lui donnaient un regard plein d'éclat et d'assurance. Ce regard s'accordait parfaitement avec ses sourcils sombres et pleins de caractère. Un petit nez surmontait sa bouche entrouverte, laissant apercevoir des dents impeccables. Cette beauté d'enfant sage qu'il dégageait me troublait réellement. J'étais confus, et j'eus du mal à cacher mon malaise. Je ne savais pas s'il m'avait remarqué, mais je ne pouvais détacher mon regard de sa tête. Cela ne m'était encore jamais arrivé d'avoir cette sensation, j'avais honte de moi. Ressentir un tel sentiment envers un homme me paraissait complètement absurde et hors-norme ! Malgré ça je ne pouvais cesser de le contempler, j'avais besoin de l'observer encore et encore. Il avait des cheveux fins et châtains dont je frissonnais d'envie de les toucher . Son corps était robuste, plein de calme et de sérénité. L’emprise qu’il avait sur moi me semblait incroyable, me bouleversait. Ce sentiment ne m'était encore jamais venu à l'esprit et je découvrais aujourd'hui seulement ce nouveau trait de ma personnalité. Je ne savais pas comment prendre cette nouvelle, et mon cerveau resta dans un état de trouble. Je retrouvais mes esprit seulement lorsque l'alarme sonore eut retenti de nouveau, et ne sachant plus où mettre mon regard, je me mis tout bonnement à fixer le sol sale qui me répugnait. J'étais effaré.
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À jamais
Teen FictionHistoire traçant les difficultés d'un adolescent à comprendre le monde qui l'entoure et lui-même. "Ce soir là, je patientais calmement sur le quai...