Ma mère est morte

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Ma mère est morte. Au début, je n'ai pas voulu le croire. À la télévision, ils annonçaient la mort d'une femme dans la cinquantaine. L'actualité régionale n'a que ça à faire, annoncer l'overdose d'une femme qui a perdu le contrôle de sa vie bien avant sa mort.
J'ai seulement compris que je faisais partie de cette vie lorsque ma grand-mère a reçu un appel de ma travailleuse sociale.

Son regard était brumeux, elle n'était pas triste pour ma mère, elle était triste pour moi. J'avais perdu ma mère presque dix ans jour pour jour après la mort de mon père. J'étais devenue orpheline.

J'essaie tant bien que mal d'être triste, de pleurer ma mère et de me remémorer les beaux moments avec elle. Même s'il y en eu, ce n'est que les mauvais qui s'empilent dans ma tête, me donnant un mal de crâne intense.
Elle m'aimait, surement. Mais lorsque mon père est mort, tout a dérapé.

Les cris résonnent encore dans ma tête, je ne sais pas ce que j'ai fait, mais on dirait bien que ça mérite une baffe, puis une autre.J'ai mal, mes yeux s'embuent mais elle ne remarque rien. Elle m'envoie dans le corridor de l'immeuble et je sais pertinemment que je ne rentrerai pas dans l'appartement avant un très long moment.Quelques fois, je partais arpenter les rues de la petite ville du haut de mes 5 ans, cherchant de quoi manger.

Hier,ma mère est morte. Aujourd'hui ma grand-mère voulait que je reste à la maison pour faire mon deuil. J'ai peut-être besoin de le faire mais pas dans cette maison où personne ne l'aimait, où tout le monde a pitié de la pauvre petite orpheline.

En me préparant pour aller à l'école, je rage contre mon crayon noir qui ne fait pas ce que je demande. Tout le contour de mes yeux est noir maintenant et l'autobus passe dans une minute. Pas le temps de tout effacer, je cours dehors pour voir l'autobus passer devant ma maison sans même freiner. Je cours en faisant des grands mouvements de bras, j'ai envie de crier que ma mère est morte mais je m'abstiens. Je n'ai pas besoin de la pitié des autres.

Enfin dans le transport m'apportant à l'école, il est clair pour moi que je ne vais pas en cours aujourd'hui. Les personnes me dévisagent et mes amis ne me parlent pas. Ai-je réellement des amis?

Dès que l'autobus s'arrête, je me dirige à grands pas vers la sortie.J'ai déjà ma petite idée de ce que je vais faire de ma journée. Premier arrêt: La coiffeuse.

Je m'en souviens encore comme si c'était hier. La première fois que je me suis fait couper les cheveux j'avais 8 ans. L'âge à laquelle je suis arrivée chez ma grand-mère. Ma mère tenait dur comme fer à ce que je sois féminine. Cela impliquait de ne jamais mettre de pantalons et seulement des robes ou des jupes. Ça impliquait aussi qu'elle ne m'avait jamais coupé les cheveux. Elle les voulait long, soyeux et démêlés. Toujours.

La coiffeuse m'accueille chaleureusement, me demandant ce que je voulais comme coupe. Court, je les voulais court. Pour faire chier ma mère même dans l'au-delà.

Mes cheveux maintenant à la garçonne et tout ébouriffés, j'étais prête pour mon deuxième arrêt de la journée. Le tatoueur.

Même si légalement il n'avait pas le droit de me tatouer sans l'accord de mes parents, je réussis à le convaincre. Je paye en cash et je lui fais un petit extra nature.

Ça m'a toujours écœuré mais c'est pourtant très utile quand on n'a pas l'argent qu'il nous faut. Un an après le décès de mon père ma mère m'emmenait avec elle dans les bars voir ses "amis". Ils lui vendaient ce qu'elle appelait des bonbons pour adultes.Malheureusement, ça coûtait très cher et elle n'avait pas beaucoup d'argent. Je lui coûtais beaucoup trop cher et j'étais la cause de son incapacité à payer. Ma mère et moi étions donc obligées à payer d'une autre façon... En y repensant maintenant, ces hommes n'étaient pas que des dealers, c'étaient des pédophiles.

Ma mère est morteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant