Souvenir d'une rêveuse

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Jonathan Andrews regarda une ancienne photo retrouvée par hasard lors de son déménagement. Il avait toujours vécu dans cette maudite ville et s'était senti fin prêt à déménager. Désormais il vivait seul dans la banlieue, à distance respectable de sa vie d'avant. Seulement il a fallu qu'il retombe sur cette photo. Il caressa du bout des doigts la jeune femme qui semblait si paisible en se remémorant une époque datant de plus de vingt ans.


Une bande de garçon du lycée Sherwood se retourna sur le passage d'une demoiselle. Ils la regardèrent de haut en bas, d'un regard tout sauf catholique. Tous sauf un. Dire qu'ils la regardaient était un euphémisme. Ils la déshabillaient presque des yeux sans vergogne, glissant sur ses courbes généreuses. Un peu plus loin un groupe de filles venant du même lycée la regardaient tantôt avec envie, tantôt avec jalousie. Elles portaient toutes les même uniformes, même la fameuse jeune fille, pourtant elles se sentaient mal à ses côtés. Sa présence effaçait la leur devant les garçons, un des garçons de la bande d'Henry Jackman était le crush secret – ou presque secret – d'une de ces filles. Et il ne regardait que la jolie rouquine qui passait.

Ça aussi, ça attirait le regard des gens immédiatement. Ces cheveux de feu qui flamboyaient autour de son visage si sage. Elle semblait irréelle parmi tous les élèves de l'école. Une sorte d'aura flottait autour d'elle, la protégeant des autres. Une sorte de bulle qui la rendait inaccessible.


Jonathan regardait la rouquine traverser le couloir. Il restait absorbé dans sa contemplation, aussi ne vit-il pas l'espiègle professeur Winstone foncer vers lui comme un rapace. La vieille dame était aigrie, sûrement le dernier modèle de harpie datant du siècle dernier restant dans l'école. Si tous les autres professeurs étaient jeunes et assez sympathiques, cette vieille chouette gardait ses aigreurs pour les gens.

– Monsieur Andrews ! Veuillez cesser de dévisager les autres élèves comme du bétail et allez immédiatement en salle de classe !

Il avait acquiescé en bafouillant légèrement et s'était rendu dans sa classe en jetant un regard empli de tendresse à la rouquine. Elle devait passer par les casiers avant d'aller dans sa propre classe. Il la suivait des yeux à chaque fois qu'il la voyait, comme tous les autres. Sauf qu'il ne la suivait pas du regard par désir. Il s'en sentait obligé, chaque fois que la demoiselle franchissait le seuil de sa vision, il se sentait intrigué par son aura ainsi que par la manière rêveuse qu'elle avait de marcher dans les couloirs. Elle était comme une créature mythique, personne ne s'en approchait mais elle n'en était pas mal. Elle avait toujours ce petit sourire aux lèvres où qu'elle aille, quoiqu'elle fasse.

Lorsque la pause de midi avait sonné, Jonathan rejoignit ses amis dans le réfectoire. Ils discutèrent joyeusement mais diminuèrent d'un ton lorsque la jeune fille entra dans la pièce. Elle saisit un plateau, demandant à la femme qui servait le menu du jour. Même l'adulte semblait subjuguée. Elle prit son plateau et retourna demander quelque chose, lui savait déjà quoi, elle prenait toujours une pomme qu'elle ne mangerait pas. Elle l'abandonnerait sur la table en rangeant son plateau. Tous les jours, elle répétait son rituel et tous les jours, elle restait assise à une table, isolée par une barrière invisible. Elle ne regardait que rarement les autres élèves, certains trouvaient même ça prétentieux de sa part. Pourtant lui trouvait ça normal. Si personne ne cherchait à l'approcher d'entrée de jeu, il ne voyait pas pourquoi elle serait obligée d'en faire autant. Il l'observait manger avec élégance ses haricots et se dit qu'il n'avait jamais vu personne avec autant de grâce dans tout ce qu'elle entreprenait. Ses amis semblèrent aussi la suivre du regard alors qu'il la regardait simplement en coin, ayant peur d'être pris sur le fait et que ça la gêne.

AngélieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant