Cette fois, la vérité de Pâques allait enfin éclater au grand jour.
Les années précédentes, Clochette avait été véritablement désemparée. Ici, dans cette campagne profonde particulièrement marquée par l'absence de réseau et de débit internet décent, les enfants croyaient aux lapins de Pâques.
Oui, aux lapins. Vivaient-ils totalement en dehors de la civilisation pour ignorer que c'était les cloches qui étaient à l'origine de la distribution des oeufs en chocolat ? Quelle éducation ces ploucs comptaient-ils donner à leurs enfants avec leurs satanés lapins ?
Non pas que Clochette détestait les lapins. Au contraire, elle en avait un élevage complet et refusait de manger de la viande depuis que ces adorables petites bêtes partageaient son quotidien. Il n'était pas non plus juste de dire qu'elle se réjouissait de la mort de Pascalin Pasquier; le vieil homme avait toujours été un véritable amour avec elle et avait de nombreuses fois porté secours à sa mère avec ses bancs de crocus. Mais même les grands hommes faisaient des erreurs, et la sienne avait été de faire croire à tout le voisinage que les lapins passaient toutes les années déposer les chocolats.
Clochette s'était donc donné pour mission de prêcher la bonne parole dans ce petit village plongé dans le déni. C'était les cloches qui, parties à Rome le samedi précédent, revenaient d'Italie chargées de chocolats, et pas de petits lapins mignons qui pondaient des oeufs dans les jardins, un point c'est tout.
Le lendemain matin, en ce beau lundi de Pâques, les gens apprendraient donc que les lapins n'étaient qu'une supercherie. Forte de cette idée, elle se leva d'excellente humeur et descendit saluer sa mère et sa belle-mère. Oui, aussi incongru que cela puisse paraître, sa génitrice avait quitté son père pour une femme.
Habituée aux fantaisies de Pauline, elle avait pensé que sa période gay lui passerait vite; il s'était cependant révélé qu'elle était bien plus heureuse avec sa nouvelle compagne, Aïsha, qu'avec son ex-mari. Ses mères, après quatre ans de vie commune, avaient même le projet d'adopter un deuxième enfant malgré les procédures interminables. Clochette pouvait donc se complaire dans son statut de fille unique pour encore quelques temps.
Affublée de sa robe de nuit à l'effigie de Mickey Mouse, la jeune fille plaqua deux bisous sur les joues de chacune des deux femmes et se servit une tasse de café. Elle l'aimait amer et sans sucre, ce qui provoquait souvent des grimaces de dégoût dans son groupe d'amis. Quel monstre pouvait boire cette substance au goût âcre d'une traite ? Eh bien, Clochette.
En attendant que le grille-pain daigne lui rendre ses tartines, elle s'affaira à démêler ses boucles cuivrées devant le miroir de l'entrée. L'arrivée du soleil printanier avait accentué les tâches de rousseur qui couvraient intégralement son visage et cette constatation lui arracha une grimace. Nom d'un cheval à bascule, elle allait vraiment finir par ressembler à une coccinelle.
Le "dring" retentissant de l'appareil lui arracha un cri de joie. Sur le chemin, elle manqua de trébucher sur la cinquantaine de paniers-cadeaux plein d'oeufs chocolatés que l'entreprise de Pauline avait encore produit en trop cette année. Les provisions de Pâques duraient minimum jusqu'à Noël, chez les Dormond - du moins chez les Ferviat-Yousfi, maintenant que ses parents étaient séparés.
Une fois ses toasts tartinés de confiture de pissenlit faite maison d'Aïsha et engloutis en moins de deux, Clochette se décida à appeler son amie Mélusine pour lui exposer son projet.
Sans même lui laisser le temps de dire "allô", elle s'empressa d'expliquer en détails l'opération "Cloches de Pâques".
- On va passer devant toutes les maisons et faire des marques de cloches. Les enfants seront bien obligés d'abandonner cette stupide histoire de lapin en voyant ça !
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Dusty Easter
Teen FictionPaska Pasquier doit reprendre la chandelle familiale: dans le village, son grand-père entretenait le culte du lapin de Pâques. Mais c'était avant l'arrivée de cette satanée Clochette qui elle, croit dur comme fer que ce sont les cloches qui se charg...