L'arbre généalogique

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    Ce matin-là, il ne me restait qu'un chapitre à transcrire, d'un ouvrage du 17è siècle... Je n'arrivais pas à me concentrer, distrait par des questions auxquelles je n'avais pas pu répondre. La veille, au cours du repas, mon fils m'avait lancé :

« Papa, pourquoi ne nous parles-tu jamais de ta famille ? Tu n'en as pas ?? »

Je réfléchissais à la meilleure réponse à donner, quand sa sœur ajouta :

« C'est pour l'école, nous devons faire notre arbre généalogique, et le montrer après le congé. »

Ma réaction fut un peu brève :

« Si je n'en parle pas, c'est qu'il n'y a rien à dire... Vous aurez zéro, ce n'est pas grave... »

Ma femme me regardait, des reproches plein les yeux... Je dormis mal, cette nuit-là, et je rêvai de mon père, mort quand j'étais encore un enfant, et de la seule phrase qu'il me répétait sans cesse : « N'oublie jamais ton arbre ! ». Tout à coup, je me souvins que dans sa famille, c'était la tradition de planter un arbre à la naissance de chaque enfant... Je ne savais rien de plus !

Je me remis au travail... Catastrophe ! Une dizaine de pages du dernier chapitre étaient totalement illisibles... Sans elles, mon travail ne valait plus rien... Je fis de nombreuses recherches et appris qu'un autre exemplaire de ce livre existait. Il appartenait au monastère de Danub..., en Serbie, tout près du village où je suis né. Cette découverte me troubla... La réaction de ma femme fut immédiate :

« Si tu ne peux pas donner un arbre généalogique à tes enfants, montre-leur au moins la région où se trouves vos racines... »

Nous étions la veille du congé scolaire... En route pour la Serbie et une auberge située à quelques kilomètres du monastère. Les premiers jours, nous avons visité les environs. Les rues étaient désertes, il n'y avait pas grand-chose à voir, sauf un nid de cigognes en haut d'une imposante cheminée, que je leur montrai du doigt.

Le lendemain, direction : le monastère. Un moine nous introduisit dans une bibliothèque qui nous laissa muets d'admirations : des centaines de livres reliés de cuir, des tableaux, des meubles et objets anciens... Une véritable plongée dans un passé vieux de 4 ou 5 siècles... Le moine me tendit le livre qui m'intéressait. Je l'ouvris et fis tomber une enveloppe scellée qui s'y trouvait. Dans sa chute, le sceau se brisa, et un feuillet apparut... Il s'agissait d'un document établi 300 ans plus tôt et par lequel le monastère offrait une petite maison à un certain Novak Dukic, en récompense de services rendus. Novak Dukic ! Mon ancêtre... Aussitôt, nous partîmes pour mon village natal.

Quelle déception ! Le quartier où j'avais vécu 4 ans venait d'être démoli. On aurait une région dévastée par une tornade ou un tremblement de terre... Déçus et très tristes, nous nous sommes assis au pied d'un arbre. Tout à coup, le soleil perça les nuages et des rayons très lumineux éclairèrent cet arbre. J'y vis comme un petit signe de mon père... Soudain un cri :

« Papa, regarde ce que nous avons trouvé. »

Dans un trou, sous une racine, se trouvait un coffret contenant quelques objets, des photos et un manuscrit intitulé ''Histoire de la famille Dukic, du Moyen-âge à nos jours ». Avant de partir en exil, mon père avait enterré ce trésor au pied de « mon arbre », gardien de notre histoire.

Le reste des vacances fut consacré à notre arbre généalogique...

Fin

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