Lundi

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Je me suis réveillée alors que la nuit flottait encore sur la ville. Il devait être aux alentours de 5h20 et mon corps était fatigué de dormir. Drôle de contraste. Je n'ai jamais aimé dormir. J'ai toujours trouvé qu'il s'agissait d'une perte de temps, d'un moment inutile qui nous donne l'illusion d'échapper à la réalité, d'aller ailleurs, de rêver, alors que la réalité est là et qu'elle guette notre réveil pour nous sauter au visage et nous prendre par surprise. Je n'aime pas rêver.
Je m'étais assise sur mon lit et j'avais regardé dans le vide. Affronter la vie n'était pas pour moi quelque chose d'évident. Je devais prendre sur moi et faire preuve d'un énorme courage pour soulever mon corps raide et maladroit afin de me diriger vers la salle da bain. Je me regardais dans le miroir silencieusement et soupirais en constatant que j'étais toujours aussi laide. La triste nuit que je venais de subir n'avait rien arrangé.
Depuis quelques années dormir était devenu un combat. Entre les insomnies et les heures a pleurer en silence, mon corps avait du mal à suivre. La mine quelque peu enjouée que j'avais pu avoir il y a quelques années avait disparu depuis bien longtemps. Plus aucun sourire ne s'était dessiné sur mes lèvres depuis cet événement qui avait chamboulé ma vie, que dis-je, qui avait détruit ma vie.
Je revenais à la réalité et me passais de l'eau sur le visage, puis allais dans la cuisine me préparer un thé vert. Je le buvais lentement en observant la ville se réveiller doucement par la fenêtre, accoudée à l'un des rares meubles présent dans la petite pièce qui me servait de cuisine. Je regardais l'horloge et constatais avec étonnement qu'il n'était que 5h31. J'étais anxieuse et j'avais une sensation étrange dans le bas de mon ventre, quelque chose de désagréable mais indolore, à la fois doux et violent. Je posais la tasse dans l'évier et la remplissait d'eau. Il était temps que je me prépare.
Dans ma chambre où régnait un désordre sans nom, je m'approchais de mon bureau et saisissais un billet de train sur lequel on pouvait lire :

Départ Gare de Montparnasse - 7h30
Arrivée Gare de Quimper - 11h47

Je ne savais pas quoi prendre avec moi, alors je saisissais un vieux sac dans lequel je déposais quelques jeans, deux gros sweat-shirts et quelques autres vêtements qui me semblaient nécessaires. J'allais en Bretagne pour une semaine. Une semaine de vacances, une semaine de repos, mais surtout une semaine pour me vider la tête au maximum et essayer d'aller mieux. Voilà quel était l'objectif de mon périple. Je descendais les nombreuses marches qui me séparaient de la sortie de l'immeuble et m'engageais dans la rue encore sombre.
Il était 6h25 lorsque je pénétrais dans la gare. Celle-ci était agitée et de nombreux voyageurs allaient et venaient. Je m'asseyais à l'une des tables d'un café miteux et commandais un pain au chocolat ainsi qu'une limonade. En constatant le choix étonnant de ma boisson, la serveuse n'avait pu s'empêcher de me lancer un regard interrogateur avant de noter ma commande sur son petit bloc note. Elle s'en allait et j'ouvrais un roman. J'étais une fois de plus en avance et cherchais à faire passer le temps plus vite. Je n'aimais pas attendre.

***

Les quatre heures de train passèrent relativement vite. Lorsque je pénétrais dans l'enceinte de la gare de Quimper, je me dirigeais vers la gare routière. J'allais à Concarneau, et je ne voulais pas tarder à arriver. J'avais besoin de voir la mer.
Quand j'arrivais, un bus stationnait déjà et s'apprêtait à partir. Je me hâtais d'acheter un ticket avant d'y sauter. Toujours silencieuse, je montrais le billet au chauffeur qui le poinçonnait et me souriait. J'allais m'installer au fond du véhicule et attendais qu'il démarre.

***
Je n'étais pas venu à Concarneau depuis des années. La dernière fois remontait probablement à dix ans. Dix ans déjà... C'est fou comme le temps passe vite.
J'appelais l'ami qui devait m'héberger et qui avait maintenant 20 Minutes de retard. Il ne répondait pas et je m'asseyais par terre, a même le bitume en l'attendant. Cela faisait maintenant 4 ans que je ne l'avais pas vu. Je ne mens pas si je dis que j'appréhendais un peu.
- Solange ?
- Auguste.
Je montais à bord de sa Renault et nous tentions de discuter. Relancer la discussion après 4 ans d'absence n'était pas une tâche simple. Auguste me parlait de sa vie et de son travaille, de son quartier paisible et de son divorce, daté d'un an. Il ne s'attardait pas sur ses 2 enfants qui avaient maintenant 2 et 4 ans et s'était contenté de dire qu'ils étaient chez leur mère à Quimper.
- Tu as bonne mine Solange.
- Non Auguste. Tu connais la raison de mon voyage, si je suis ici c'est que je ne vais pas bien.
Nous arrivions à sa petite maison qui était très mignonne, un côté reposant, apaisant. C'était tout ce dont j'avais besoin. Nous rentrèrent et il me servait un verre d'eau. Sa cuisine était petite mais vivante. Des dessins de ses deux enfants étaient accrochés sur le frigo. J'étais fatiguée, j'avais envie de me reposer un peu. Je me dirigeais donc à l'étage, Auguste m'avais guidé jusqu'à ma chambre. Il m'avait dédié une des chambre au fond d'un couloir. J'y étais entrée et je m'étais enfermée. J'avais alors pu y étaler le contenu de mon vieux sac. Je m'étais étendue sur le lit et avais longuement fixer le plafond. J'avais une semaine pour aller mieux. Une semaine pour essayer de me reconstruire après ces années de cauchemar. Une semaine pour repartir sur de nouvelles bases, de nouveaux projets, de nouvelles ambitions. J'allais réussir. Il me fallait seulement du calme et un nouvel air, et ce nouvel air se trouvait ici, dans la petite ville de Concarneau.

***

À l'heure du dîner, Auguste vint frapper à ma porte et m'invita à en sortir. J'avais passé un temps considérable allongée sur ce lit. Je n'avais aucune envie de sortir mais je prenais sur moi, une fois de plus. J'allais dans la salle de bain me passer un coup de brosse et me mettre du rouge à lèvres. Je voulais cacher un peu la misère. J'allais enfiler un petit gilet et allais rejoindre mon ami qui m'attendais en bas des escaliers.
Il m'emmena dans un restaurant de poissons. J'étais végétarienne depuis 3 ans mais je n'eu pas eu le courage de le lui dire, alors j'ai commandé une salade aux champignons. Je n'aimais pas les champignons, mais cela non plus je n'ai pas osé le dire. Nous étions face à la mer et c'était un paysage merveilleux. J'en rêvais depuis longtemps.
J'ai recommandé une bière et Auguste et moi nous avons discuté des événements en France en ce moment-là. Je n'aimais pas les discussions politiques, mais je ne voulais pas le vexer. Je devais faire des efforts.
En rentrant dans sa maisonnette je lui ai souhaité bonsoir et je suis allée me coucher. J'ai regardé ma montre et il était 22h32. Je me suis assoupie sans aucun problème et j'étais rassurée de savoir que demain matin je ne serais pas seule au réveil. Quelqu'un serait en bas et me préparerait probablement du café, me demanderait si j'avais bien dormi. J'en avais réellement besoin.

Histoire d'une semaine Où les histoires vivent. Découvrez maintenant