Texte 23

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Les gens se bercent dans leurs illusions. C'est tellement beau, reposant, tranquille ... La vie y est belle. La vie y est correcte. Telle qu'elle devrait toujours être. Ils ferment les yeux sur les horreurs du monde. Sur les horreurs de la vie. Ils devraient réaliser, comprendre, que tout ça n'est que dans leurs têtes, dans leurs rêves. Que la vie n'est pas toute jolie, toute rose. En réalité, ce n'est pas vraiment de leur faute. Ils n'ont juste pas connu l'injustice, l'impuissance, les déceptions, la douleur, la mort ... Ils n'ont rien connu de tout ça. Ils font comme si ça n'existait pas. Faire comme si ... On fait tous ça. Et ça ne nous réussit pas. Ça ne fait que nous blesser, nous anéantir. Et pourtant ... On le fait. Comme si on cherchait à effacer la souffrance. Mais c'est impossible. Alors on se plonge dans ce qui nous empêche de penser, de réfléchir, de ressentir cette douleur.

Il y a cette jeune fille, au milieu de la foule. Elle ne sourit pas, contrairement aux autres. Elle ne bouge pas, contrairement aux autres. Non. Elle, elle reste immobile, les yeux dans le vide. Plongée dans ses pensées, pourrait-on dire. En réalité, elle attend. Quoi ? Est-ce qu'elle le sait elle-même ? Oui. Elle attend de l'aide. Elle attend que quelqu'un se retourne vers elle, et lui demande ce qui ne va pas. Elle attend que quelqu'un lui apporte de l'attention, de l'intérêt. Elle attend que quelque daigne voir ce sang, qui coule sur son corps. Elle attend que quelqu'un voit sa souffrance dans ses yeux marrons. Elle attend que quelqu'un lui retire ces lames de ses mains. Elle attend que quelqu'un s'occupe d'elle. Prenne soin d'elle. La fasse rire. Lui fasse oublier la douleur. Elle attend que quelqu'un l'aime, et la rende heureuse.

Et c'est arrivé. Ce quelqu'un est arrivé. Il a prit soin d'elle. Il lui a retiré les lames de ses mains. Il lui a retiré tout ce qu'elle avait enfoui en elle. Il l'a fait parler. Il l'a fait extérioriser, sans qu'elle ne se fasse mal physiquement. Il l'a faite pleurer aussi. Il l'a aidé à faire son deuil. Il l'a forcé à réfléchir, à parler. Il l'a forcé à assumer ce qu'elle ressent. Et à prendre conscience qu'il n'y a pas que la douleur. Il lui a appris à positiver. Il l'a aidé, nuit et jour. Il lui a permit de ne pas se couper, pendant plusieurs mois. Et le jour qu'elle craignait, est arrivé.

Comme les autres, il l'a abandonné. Il a cru qu'elle n'avait plus besoin de son aide. Il est partit, la laissant dans sa dépression dont elle commençait tout juste à sortir. Il l'a replongé dedans son mutisme, et dans ses scarifications. Il l'a déçue. Il lui a fait tant de mal ... Autant qu'il lui a fait du bien. Alors, elle est retournée dans cette foule. Elle s'est assise à même le sol. Elle a serré ses genoux contre sa poitrine, le plus fort possible. Elle a enfoui sa tête entre ses bras. Elle a laissé les larmes couler d'elle-même. Elle a eu honte, évidemment. Elle ne voulait pas pleurer pour une personne comme lui. Elle a commencé à se balancer, d'avant en arrière. Pour tenter d'oublier. Et finalement, rien de tout cela n'a suffit. Rien ne suffisait à apaiser sa douleur.

Elle est tombée amoureuse de la mauvaise personne. Ce n'est pas vraiment de sa faute. Elle avait juste oublié, combien c'était agréable toutes ces petites attentions.

Elle a commis l'irréparable.

Texte sur la mutilationOù les histoires vivent. Découvrez maintenant