Je regarde par le vasistas. Rien ne peut être plus beau que ce ciel bleu, presque blanc qui s'étend derrière la vitre. Aucun nuage, aucune nuance juste un ciel voluptueux, qui annonce le doux printemps après cet hiver glacial.
Le bureau grince, c'est vrai qu'il n'est pas tout jeune, enfin d'après ce que Marise m'a dit il a presque deux cent ans. Il appartenait à son grand père.
Elle parle de lui d'une façon tellement rêveuse, que je peux me demander si il a vraiment existé d'ailleurs. Je ne sais pas si un grand père joue avec ses petits-enfants, si ils font des balades en forêt tous ensemble, ou bien si il leur fabrique des jouets en bois. Je n'ai pas de famille, et encore moins aujourd'hui.Comment peut-on perdre tant de choses en si peu de temps ? Toutes ces choses qui sont si importantes, qu'on en oublierait presque qu'elles peuvent disparaître. On oublie même à quel point c'est difficile de vivre sans.
Moi c'est toute ma vie que j'ai perdu, ou du moins les personnes qui y comptaient le plus. Mes parents, mon frère, ma meilleure amie. En même temps, au même moment. Et je vivrais toujours avec leur mort puisque j'en suis responsable. Je ne l'ai pas voulu, mais c'est par ma faute qu'aujourd'hui ils ne sont plus là. Je suis la coupable et la victime, je souffre de leur absence mais cette même absence, je l'ai causée.
Je n'étais pas là mais c'était inutile, je sais exactement comment ça s'est passé. Cette mort j'en ai rêvé, je l'ai vu. Mais je n'ai pas eu le temps de les prévenir. Ce rêve m'a empêché de me réveiller et ils sont partis, pour toujours.
Comme les nuages, ils sont partis dans un ailleurs qu'on ne connaîtra jamais, mais que les rumeurs font continuer d'exister. Un ailleurs qu'on imagine et qu'on idyllise.Je n'aurais pas dû boire ce thé, ma langue me brûle et en plus j'ai tâché ta page. Une auréole brune s'étend déjà sur la date du jour, on devine "Jeudi" mais l'encre fraîchement déposée sur la feuille se délite. Moi je m'en rappellerai de ce jour, mon quinzième anniversaire. Le premier pour lequel je suis aussi seule, mais j'ai reçu le plus grand des cadeaux. C'est celui là, celui que je tiens entre mes mains, c'est toi. Tu n'es pas si grand mais à mes yeux tu représentes beaucoup. Tu peux me délivrer comme me perdre, me sauver comme me pendre.
Tu n'es qu'un cahier blanc, mais tu comprends chaque ligne que j'écris. Tu n'es fait que de papier, mais tu parles plus qu'un ami. C'est à ton écriture que je confis ma vie, elle sera achevée quand viendra pour moi le moment de partir.
A la vie que je voyais et à la mort que je mériterai, cher Journal.
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Qu'en dira-t-on ?
Teen FictionQuand on a 15 ans, on est déjà entouré de gens qui nous aimeront jusqu'à la fin. Quand on a 15 ans, on ne réalise pas forcément qu'on peut se retrouver seul du jour au lendemain.