- le plus difficile, dit Mme Porter, c'est sûrement de ne plus entendre son rire, de ne plus voir son sourire, ses joues roses, de ne plus entendre la musique trop forte qui débordait de sa chambre. De ne plus la voir le matin au petit déjeuner, de ne plus la voir le soir regarder une de ses séries sur la télévision. Ne plus entendre le bruit de ses pas dans les escaliers, et la porte qui claque lorsqu'elle était contrariée.
Elle fit une pause, ramassant ses idées et les bouts de son coeur détruit.
- mais le plus dur, reprit elle, c'est de se dire qu'on y est pour rien, qu'on ne pourra rien changer et que c'est fini. Que Caroline n'est plus là et qu'elle ne reviendra pas.
Mme Porter s'arrêta. Je pense qu'elle avait encore beaucoup de choses à dire, mais que l'enterrement de sa fille n'était pas vraiment le bon endroit pour les exprimer.
C'était un bel enterrement. Avec des fleurs, des bénédictions et des discours rappelant l'enfance de Caroline. C'est étrange n'est-ce pas ? Aux enterrements, on repasse toujours la vie du défunt en boucle, comme un résumé sur le dos d'un livre. Pourtant, un résumé est sensé annoncer quelque chose de nouveau, il est sensé amener le lecteur à lire le livre et lui faire découvrir des choses. Ce que je veux dire par là, c'est que le résumé qu'on vient de faire de Caroline, il n'annonce pas quelque chose, il ne commence rien, au contraire, il termine. Il termine quelque chose qui n'est pas terminé. Mme Porter à raison, Caroline va nous manquer et ça va être très dur. Mais moi, je pense que le plus dur va être de rester sans réponses. Sans explications et sans les raisons de ce qui l'a poussée à commettre ce geste. C'est pourquoi j'ai la ferme intention de savoir. Je sais que je ne pourrais pas la ramener, et je sais aussi que ces raisons vont peut-être rester dans l'oubli, mais je me dois d'essayer. C'est tout ce qu'il me reste. C'est tout ce qu'il reste d'elle. Et j'ai besoin de savoir.
