Il est 3h du matin et mon réveil n'a pas encore sonné.
Malgré ça je me lève discrètement, enfile un jean noir et un pull vert foncé avec une capuche, que je m'empresse de rabattre sur ma tête. Je prends mon sac de cours et enfonce mes écouteurs dans les oreilles, en lançant Green Day.
J'ouvre la fenêtre et sors de ma chambre au premier étage en me laissant glisser le long de la gouttière, puis descends sur la plage et monte dans une cabane de pêcheur, pour admirer le lever du soleil.
Nous somme le 12 avril.
''...I WALK ALONE, I WALK ALONE...''
4 ans
4 ans que ma vie a radicalement changé
4 ans que je pars lentement à la dérive
4 ans que je perds mon temps.
Je remonte mes manches et retire les bandages qui étaient sur mes bras. Mes blessures d'hier ne se sont toujours pas arrêtées de saigner. D'une manière ou d'une autre je n'arrive plus à cicatriser. « Mon corps s'est finalement habitué et lui non plus ne cherche plus à survire. »
Plus le temps passe plus mes coupures deviennent profondes. Plus le temps passe et plus ces coupures passe de l'horizontal à la vertical.
Je regarde mes bras ensanglantés.
Ils sont dévastés, démolis, ils subissent ma douleur alors qu'ils n'ont rien fait.
Je sors une petite pochette vert avec des broderie dorées et rouges. Cette trousse qui représente tout ce qu'il me reste. Le seul fil qui me maintient la tête hors de l'eau. Je ne serais rien s'en elle. Je me noierais dans ma souffrance. C'est insurmontable.
Je l'ouvre, sors une compresse avec du désinfectant et essuie de nouveau le sang qui continue légèrement de couler à l'air libre, laissant des petits picotements se faire ressentir à chaque passage.
Il ne reste pas la moindre parcelle de peau intacte.
Je réenroule les bandes sur mes bras et remets du produit sur la compresse. Cette fois, je soulève mon pull de mon ventre. Je désinfecte les entailles et reprends ma trousse de laquelle je sors cet objet. Cette objet qui scintille à la lumière de la lune. Qui représente une lueurs d'espoir. Le seul échappatoire que je détiens et que je laisse doucement encore une fois danser sur ma peau.
Je saisie le scalpel entre mon pouce et mon majeur, l'approche délicatement de ma peau et appuie, coupe, déchire, détruis, érafle, créé une incision, dégrade, ouvre, mutile ma peau.
Je sers les dents. Non pas à cause de la douleur physique, car il se trouve qu'elle n'existe pas, ou du moins plus, mais à cause de la douleur mental que je sens s'évacuer à travers le sang qui coule.
J'ai mal.
J'ai tellement mal.
4 ans que je n'ai pas versé une seule larme,
4 ans que je n'ai pas souri sans me forcer, avec mon regard d'acier et ma froideur.
Mon sang coule sans s'arrêter et cette sensation m'envahie de nouveau. Je m'allonge et les vertiges commence, j'ai l'impression d'être sur un nuage. Je me sente sereine et apaisée, je me libère, je m'autodétruits et cela me procure un bonheur éphémère . Je me sens légère, comme une mouette.
Je ne ressens ni le froid ni le vent sur ma peau.
Lentement je me sens partir comme une caresse du ciel.
Je perd la notion du temps et du décor qui m'entoure.
Le bruit des vagues se fait de plus en plus lointain, et le soleil levant, de plus en plus éblouissant.
Puis je compte jusqu'à 10.
1....2....3.... Dans 10 secondes je me rattraperai.
....4....5.... J'attrape une nouvelle bande et l'enroule autour de mon corps.
.....6..7....8....9.... Ma vue se trouble et je ne sens plus mes membres, il est temps....10
Je serre la bande au maximum et attends que mon esprit refasse surface.
Petit à petit je retrouve les sensations, je parviens à bouger les orteils. Je me ressens de nouveau lourde et fatiguée, les fourmillements ont quitté mon corps et les souvenirs me reviennent. Nous somme le 12 avril.
Puis la fatigue s'empare de mon corps. Et je m'allonge sur le dos, admirant encore les étoiles qui trônent au dessus de ma tête. Tu brilles là haut. Tu brilles et éclaires le ciel comme aucune étoile ne le fait. Exactement comme quand tu étais la. Moi aussi je serai bientôt une étoile mais je ne brillerai jamais autant que toi. C'est impossible. Je me sens doucement perdre connaissance, et sans résister je m'évanouie là, en haut de cette cabane.
Quelques heures plus tard je me réveille comme si de rien était, trop habituée à cette situation, où je joue à quitte ou double avec la mort. Oui c'est ça, c'est littéralement un jeu. Je suis complètement nulle. Pitoyable. Je me dégoute.
Je me redresse et je désinfecte une nouvelle fois puis saisi une aiguille et du fil stérile, dans la trousse de secours, et fais quelques points. Si je ne le fais pas les plaies ne vont jamais cicatriser, et vont s'infecter. Je remets de la bande autour de mon abdomen et remets mon pull par dessus.
A chaque fois, après avoir fait ça, et en regardant la mer, je me sens soulagée ; apaisée. J'ai besoin de cet acte pour évacuer. Même si je ne suis pas la seule à en souffrir.
Je croise mes bras et les pose sur la rambarde pour contempler la mer.
J'aime être seule assise là. C'est comme un autre monde. Personne ne vient jamais ici. Cette cabane appartient à un vieux monsieur qui ne pêche plus depuis longtemps et déjà petite il me laissait venir ici quand je le souhaitais. Au début il me disait de déguerpir et que je n'avais rien à faire là. Mais je lui répétais que je ne faisais rien de mal et il me laissait en ronchonnant dans un semblant de barbe. Je l'appréciais beaucoup au final. Il avait ce don de me regarder avec ses yeux acier et me donner l'impression qu'il me voyait, que je n'étais pas invisible. Mais la souffrance avait commencé à apparaître et je l'avais délaissé.
Je ne saurais pas comment expliquer que je souffre autant. Je sais que je n'ai que 17 ans et que je suis une adolescente bête, stupide et immature. Je sais aussi que les autres souffrent également, mais... pourquoi je souffre autant ? Enfin si je sais, mais pourquoi autant, alors que je suis sûre que cela ne représente pas grand-chose au final... C'est juste moi qui prend tout trop à cœur et qui suis faible face à moi même. Je suis pitoyable. Pourtant c'est là à me ronger de l'intérieur. C'est comme si quelque chose était bloqué à l'intérieur de moi. Que cette chose se débattait, cognait, griffait les parois de cette cage à s'en arracher les ongles. Qu'elle gémissait des cris sourds à s'en déchirer les cordes vocales, pour que l'on la libère. Mais que personne ne la remarquais, que personne ne la voyais. Et que les démons qui la retient enfermée lui riaient au nez. Il n'y a que moi qui puisse l'entendre et chaque fois qu'elle crie c'est comme si j'allais perdre la tête, devenir complètement folle. C'est insupportable. Alors je m'isole, j'écoute ma musique et je pense à tout, mais surtout à toi. En me remémorant que toute est de ma faute.
J'espère que toi, "tu vas bien". J'espère seulement que tu es heureux là bas.
J'espère juste que tu ne souffres pas autant que moi .
"Mais si tu m'aimes ne me suis pas."
Ça tombe bien je te déteste.
Si seulement il me voyait il se dirait que je suis pitoyable.
Tu m'excuseras mais je n'y arrive plus sans toi. Tu es parti et tu as tout détruit.
"La mort détruit mais la vie dégrade."
C'est ça que tu disais. Pas vrai ?
De toute façon tu ne peux pas me voir, t'es mort. Juste mort et enterré.
Et moi je me retrouve seule.
Soudain la port de la cabane se met à grincer et s'entrouvre, laissant apparaître une personne que je n'arrive pas à bien distinguer, à cause de mon manque de vie à l'intérieur de mon corps au moment présent.
- Qu'est ce que tu fais là. Dit-elle la voix cassée.
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Empoisonnée
General FictionIl est des moments où l'esprit subit un tel choc qu'il se réfugie dans la démence. Il est des moments où la réalité n'est que souffrance, et pour échapper à cette souffrance, l'esprit doit s'affranchir de la réalité