Saint Anthony, orphelinat pour enfants de parents décédés.

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Jake Selogee me secoua brutalement et je me réveillai en sursaut :

- Quoi ? criai-je, les yeux grands ouverts sur le dortoir obscur.

- Chut, parle moins fort ! C'est cette nuit que nous allons entrer dans le vieux cimetière.

- Si on se fait prendre, le père Brixton va nous massacrer ! Va prévenir Burnett et je me charge de Charles. Ensuite, on ira chercher Sally et les autres.

Sally Allen était une fille que j'aimais beaucoup et nous étions devenus amis il y a quelques mois. Nous restions cependant très discrets, le père Brixton ayant formellement interdit tout contact entre les occupants des deux ailes de l'orphelinat ; les manquements à la règle étaient sévèrement punis à coups de martinet. Miss Crickett, son intendante, veillait au grain avec une attention sans relâche.

J'allai donc réveiller Alex Burnett, un petit blond de dix ans et demi qui était toujours prêt pour ses amis bien qu'il fût un peu geigneur. Il faillit bien nous faire prendre en hurlant comme un demeuré. Je lui plaquai ma main sur la bouche. Je le rassurai et lui rappelai notre excursion nocturne.

Nous nous habillâmes et nous rassemblâmes le matériel que nous avions accumulé au cours des semaines précédentes en volant une chaussure de neige par-ci, et une écharpe par-là. J'aidai Henry Charles à refermer les boutons de sa grosse veste. Nous nous mîmes en route avec de l'équipement plein les bras pour les filles.

Dans la bande, d'abord, venait Henry Charles. C'était le plus jeune membre du commmando même s'il nous dépassait tous d'une tête. Il avait neuf ans et était sacrément grand et musclé pour son âge. Il y avait aussi Alex Burnett que je vous ai déjà présenté et, pour finir, Jake Selogee. Jake était mon meilleur ami depuis toujours, enfin, depuis aussi longtemps que nous vivions dans ce manoir perdu au beau milieu de la campagne galloise. Nous avions le même âge à quelques mois près. Il était de loin le le plus chétif de nous quatre mais aussi le cerveau de notre quatuor. Quant à moi, Allan Duntell, j'avais eu onze ans il y a quelques jours et nous nous apprêtions à fêter cela dans la nuit de cet hiver glacial de mille neuf cent vingt-et-un.

Nous parcourûmes les longs couloirs plongés dans la pénombre, à la seule lueur d'une bougie qui commençait à s'éteindre. Après avoir fermé la porte de l'aile des garçons, nous pénétrâmes dans les parties communes. C'était la partie la plus risquée de l'opération puisque dormaient là Miss Crickett et le père Brixton. Ils résidaient au troisième et dernier étage. Au rez-de-chaussée, il y avait, à droite du hall d'entrée, le bureau du sinistre directeur et, à gauche, la salle de classe. Au centre s'ouvrait une petite porte derrière laquelle se cachait le réfectoire. Au fond de celui-ci se trouvait un escalier qui montait au premier étage, à la bibliothèque et au salon, et enfin, au bout, l'accès au dortoir des filles. Nous avions le sentiment de braver l'interdit.

J'entrai silencieusement en faisant signe aux autres de rester où ils étaient. Je m'agenouillai auprès de Sally et la regardai dormir quelques instants. Ses cheveux bruns ondulaient légèrement et ses paupières fermées lui donnaient un air innocent. Elle était magnifique. Sally ouvrit les yeux et me regarda en souriant tandis que j'affichais une mine gênée et confuse .

-Où est le matériel, Allan? demanda-t-elle doucement.

Je lui montrai où j'avais tout déposé et la chargeai de réveiller ses trois copines qui dormaient profondément. Elle commença à s'habiller devant moi, sans gêne. Je tournai la tête en rougissant et sortis de la chambre, troublé par l'attitude de Sally, d'habitude si timide. Je ne vis pas tout de suite où Jake, Alex et Henry s'étaient cachés. Je les cherchai des yeux pendant quelques secondes quand Jack se montra, suivi bientôt par les deux autres.

Saint Anthony, orphelinat pour enfants de parents décédésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant