Illusion

140 11 36
                                    

J'étais fatigué. Je l'étais et je le suis toujours. La vie qu'était la mienne ne me convenait plus. Je voulais partir loin, et profiter de tout.

J'étais épuisé. Epuisé de toujours essayer de faire de mon mieux. De vouloir de la reconnaissance, de la fierté. De vouloir être parfait dans un monde qui ne l'était pas lui-même.

J'étais exténué. Exténué de devoir chaque jour, chaque heure, être poli, soumis aux règles que m'imposait une bonne éducation, d'être aimable, bienveillant, affable.

J'étais excédé. Excédé de devoir toujours être à l'écoute des autres, des gens qui se plaignent mais qui ne voient que leur infortune à eux. Est-ce qu'ils ne m'auraient écouté ne serait-ce qu'une fois ? Non, ceci était ma première plainte.

J'étais accablé. Accablé de devoir être une personne que je n'étais pas, de devoir changer pour ceux qu'on appelle « les autres », de devoir m'adapter à eux, eux qui ne s'adaptent à rien. Leur regard dans cette société était-il si puissant ?

Car Je suis usé. Usé de devoir toujours être présentable, beau, raffiné. Habillé de costume, de costard, de cravate et de chaussures cirées. Habillé comme un dandy, de choses superflues, extraverties et frivoles.

Moi, Kim Taehyung, j'étais vidé. Vidé de tout. Des choses qui m'entouraient, des personnes qui prétendaient être à mes côtés mais que je ne connaissais même pas. Leur nom me dîtes-vous ? Je ne les connais pas.

Moi-même je l'avoue, je suis abimé. Abimé par le temps. De la perpétuelle répétition de ma pauvre vie sans valeur quelconque. Je suis lassé de tout ça. Pourquoi agir en me préoccupant de ce que l'on pourrait bien penser de moi ? Pourquoi ne pas agir au gré de nos envies à nous et à nous seuls ? Parce que lorsque je me lâche et que j'oublie le reste de l'humanité, je fais honte aux autres, à mes amis, eux qui n'arrivent pas à faire abstraction et je deviens celui dont on se moque ou que l'on regarde avec des yeux gênés. J'ai donc arrêté et fini par ne plus vivre que pour les autres. Je n'avais pas le choix, j'en étais arrivé à penser que c'étaient eux qui dictaient nos vies ; ma vie. Finalement je crois que je vivais enfermé dans un corps. J'aurai donné cher pour montrer aux autres ma vision du monde, des choses incroyables que l'on pourrait réaliser sans cette peur de jugement permanente. J'aurai voulu qu'ils voient le monde à travers mes yeux.

Moi je ne serais jamais plus qu'ennuyé par cette vie. Vie que je n'avais pas choisi mais que les autres m'avaient affectée. Comme le reste des hommes, eux aussi vivaient soumis à ces mêmes règles, qu'ils finalement s'imposaient à eux-mêmes. La société nous gravait ces conditions invisibles, les mêmes pour tous ; y compris pour leurs créateurs. Et qu'on le veuille ou non, la condamnation était présente partout.

Mais moi je n'en voulais plus. Et je la rejetais ouvertement.

Nous vivons dans un monde rempli de gens individuellement influençables, qui ensemble, forment l'influence elle-même. On croirait entendre une nouvelle génération de contre-culture qui se bat pour faire changer les bases de notre société. Quand on leur parle, ils affirment nos propos sans dire, mais une fois le dialogue terminé, ce sont eux qui pointent du doigt et qui mettent en évidence ceux qui se distinguent de la normalité des hommes et qui les marginalisent.

On pourrait en devenir malade, de vrai parano, comme se retourner dans la rue parce que le nœud de la coïncidence a fait que vous passiez à cet instant présent alors qu'un prénommé Harold faisait sa blague stupide qu'il avait entendu hier à la radio, provoquant le rire de ses trois amis. Alors oui, vous vous retournez et les suspectez de se moquer de vous. Puis repartez, encore moins confiant en vous arrêtant devant une glace pour vous inspecter à la recherche de la chose qui les aurait fait rire. Oh oui mais cherchez toujours, vous ne trouverez rien.

Illusion.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant