Mon postérieur était enfoncé au fond du petit siège gris installé au beau milieu dans la salle de consultation. En face de moi mon psychologue, Mr. Myler, ou monsieur malheur, comme j'aimais l'appeler, me regardait de ses petits yeux globuleux, cachés derrière de grosses lunettes dont les verres étaient en forme de lunes.
-Qu'aimerais-tu faire en ce moment même, Gregg ?
-Partir de la terre. Avais-je répondu en fixant le ciel bleu, derrière la fenêtre.
-Pourquoi donc ?
-Pour moi, vous, eux. Je nous déteste, je déteste les humains et leurs regard méprisant. Cette manière qu'ils ont de se sentir si supérieur aux autres. Nous ne sommes rien dans cet univers, pourquoi tout le monde s'obstine à dire que nous sommes ici pour un but précis ?
Il rétorqua une onomatopée qui aurait presque pu passer inaperçu, si par malchance, j'aurais eu héritée des problèmes d'auditions de mon père. C'était ainsi que faisaient les psys quand ils ne savaient plus quoi répondre et que, par peur de vous rendre plus dépressif que vous ne l'êtes déjà, en sortant de leurs séances, ils préféraient se taire.
Il brisa finalement notre long silence après, sans doute, quelques minutes de réflexion :
-Et rien ne te retiendrait ici ? N'as-tu donc aucune source de bonheur ?
-Non. Pas à ce que je sache.
J'aurais voulu répondre la morphine ou l'héroïne, oui, mais il n'était pas vraiment informé du fait que je consommais ces petites merveilles. Si je le lui en faisait part, je gagnerais sûrement le droit d'aller en cure de désintoxication. Ce qui, pour ma part, ne me donnait pas tellement envie.
-Apparemment tes insomnies, se sont calmées d'après tes parents ?
"Mes parents" ces personnes qui pensaient me connaître mieux que quiconque, qui croyaient pouvoir lire sur mon visage le moindre signe de joie ou de tristesse. Alors qu'en réalité, je n'étais qu'un inconnu à leurs yeux.
-Ouais.
Si on comptait les deux dernières nuits passées, j'en arrivais très probablement à cinq heures de sommeil. Heureusement pour moi mon corps s'y était habitué et je ne laissais donc paraître aucun signe de fatigue qui aurait pu prouver le contraire.
-D'accord... Il fut interrompu par la sonnerie d'un radio réveil posé sur son bureau. Ce dernier sonnait pour chaque fin de séance.
-Je vais demander à ma mère de vous donner le chèque comme d'habitude. Je me levais du fauteuil, dans lequel j'était jusqu'à présent confortablement bien installé et sorti de la salle de consultation pour faire signe a ma mère qui était dans la salle d'attente, d'aller régler à l'intérieur.
Autour d'elle ne se trouvaient que de nombreux dépressifs, suicidaires, toxicomanes, ou de personnes ayant un taux de stress beaucoup trop élevée qui se sentait donc rassurés de voir un psychologue. Elle se leva donc et se dirigea en direction de la salle de consultation, d'où elle ressortit après seulement quelques minutes passées a l'intérieur.
J'emboîtais le pas en direction du parking pour rejoindre la voiture au plus vite. Je m'installais du côté passager de notre petite Clio 2 grise, puis posais ma tête sur la vitre de celle-ci essayant de m'endormir en moins de quelques secondes afin d'éviter les nombreuses questions sur ma nouvelle consultation de la part de ma si curieuse, progénitrice.
-Alors comment tu te sens ? Me lançait ma mère en rentrant dans la voiture.
C'est la question que tout le monde me répète après chacune de mes consultations chez le psy, comme si, tout d'un coup, j'allais oublier la dépression et tourner la page sur ça, après de simples questions réponses échangés avec un vieux binoclard.
-Bien.
C'était aussi la réponse que je donnais a chaque fois, qui était par ailleurs, le plus gros mensonge de tous les temps. Quelle personne saine d'esprit pourrait se sentir "bien" seulement après avoir reparlé de son mal-être a quelqu'un d'ennuyeux a mourir ? Aucune, je pense.
-Je suis heureuse si les consultations marchent dans ce cas. Tu sais Gregg, moi et ton père nous nous inquiétons beaucoup pour ton avenir, tes notes ont beaucoup chutés, tu ne pourras jamais devenir astronaute si tu continues ainsi...
-Je sais.
Je ne sais pas pourquoi elle s'obstinait tant a ce que je retrouve de bonnes notes, je ne le pouvais plus. J'avais perdu le fil depuis bien longtemps et je n'avais aucunement envie de faire un nouveau noeud a celui-ci. L'école est l'endroit le plus pourri que l'humain est pu inventer, en quoi être conforme au programme peut nous proclamer comme étant intelligent ? C'était stupide.
Puis l'astronomie n'était pas faite pour moi. Dès lors que j'ai assisté à mon premier cours d'SVT, j'ai trouvé ça ennuyant a mourir. Pourtant, j'ai toujours adoré l'espace, les planètes, la galaxie... Tout ça pour moi, c'était comme une bouffée d'oxygène, mais le lycée m'a vite appris à détester ça.
C'est cet enchaînement de dégoût lié au système scolaire qui m'a fait lentement sombrer dans la dépression que je traverse. Les choses auxquelles je m'attachais finissaient toujours par cacher des choses que je détestais, et qui me rappelaient a quel point j'étais inutile. J'ai d'abord commencé à beaucoup réfléchir le soir a ce phénomène, puis les quelques minutes de réflexions se sont lentement transformé en heures, laissant naitre mes premières insomnies.
Puis pour ce qui est de mes petits chouchous, c'est ainsi que je les appelle, j'avais seulement goûté l'héro lors d'une soirée bien arrosé cher un étudiant qui résidait au quatrième arrondissement du Queens. La sensation de légèreté et de bien-être que m'apportait cette substance m'y a rendu accro, mais malheureusement, c'était sans connaitre les effets nocifs de celle-ci.
Puis la suite vous l'a devinez.
Maman garait la voiture dans l'allée ou se trouvait notre maison. Je sortais en vitesse de celle-ci entrait dans le bâtiment qui nous servait de logement, montait les escaliers en trainant des pieds puis une fois arrivé à destination, je me laissait lentement tomber sur mon lit. J'attrapais un sachet en plastique cachée dans mon oreiller, fermais la porte de ma chambre à double tour, puis m'installais sur ma table basse. Je vidais le contenu du sachet sur le petit meuble en bois qui se trouvait face à moi en veillant à ne pas en perdre une seule miette, puis le tassais en petites lignes parallèles les unes aux autres, avant de les aspirer d'une traite. Chaque inhalation de la fine poudre blanchâtre me procurait un mal de tête horrible, mais cela suivait ensuite d'une sensation de flottement, et de légèreté si agréable que j'en oubliais la douleur qui la précédais.
Et je répétais, alors que j'étais complètement défoncer ; "Je suis un astronaute, je vole, j'emmerde les humains !" Jusqu'à m'en péter les cordes vocales.
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Ailleurs
Teen FictionJ'avais toujours voulu planer au-dessus des nuages. Sentir mon corps entier flotter dans l'espace infini loin de cette terre maudite, que les humains s'étaient salement appropriée. J'ai donc commencé à prendre de la morphine et de l'héroÏne, l'astro...