Il était une fois un jeune garçon qui s'appelait Édouard.
Il était bien né dans une bonne et riche famille d'anciens aristocrates devenus bourgeois catholique. Ici, dans cette famille, il fallait faire bonne figure, savoir se tenir, être toujours bien propre, bien coiffé, le visage bien lisse comme celui d'un enfant de chœur. Avoir un vocabulaire riche et des tournures de phrases ampoulées de mots savants et parfois même de mots inusités, surannés, vieillots. Édouard avait une grande et une petite sœur. Lui il était du milieu. Ni l'aîné, ni le cadet. Celui du milieu.
Le dimanche après la messe, cette famille noble de réputation, passait invariablement par le manoir de grand-mère. C'était l'occasion de boire un thé, de goûter à quelques biscuits et d'entretenir de bonnes relations avec la riche héritière avant qu'elle ne meure.
Mais un jour, Édouard en avait assez de passer cette interminable heure à faire semblant d'aimer boire ce thé tiède et ces biscuits trop secs. Du haut de ses 14 ans, la mèche de la rébellion s'était allumée, alors il gigotait sur son fauteuil à l'odeur de moisie. Il gigotait pour marquer son impatience. Être ici l'ennuyait profondément. Le tic-tac de la grande horloge du salon mal éclairé l'exaspérait. Le tintement des cuillères et les conversations sans queue ni tête, l'achevait de lassitude.
Grand-mère, le voyant ainsi remuer et s'agiter, lui somma de se tenir tranquille.
Ce à quoi il répondit : « Grand-mère vous me faites chier ! »
Le père d'Édouard se leva alors d'un coup sec et cria toute sa colère envers son rejeton si insolent. Le père usa de tous les mots possibles pour exprimer son indignation. Ce à quoi répondit Édouard : « De toute façon vous n'êtes ici que pour faire semblant. L'héritage est votre seul motivation ! »
Outré, le père d'Édouard fulmina et s'approcha de son fils pour le molester sévèrement. Alors qu'il allait gifler cet outrageant mioche, la grand-mère protesta d'une voix stridente et haut-perchée. Elle se leva péniblement et pris Édouard par la main. Elle l'emmena alors jusqu'au grenier.
Là, sous les toits du manoir elle lui fit ouvrir une boite. Elle était pleine de boutons.
Il y en avait de toutes les formes possible, de toutes les couleurs ou presque.
— Je t'offre cette boite. Fit la grand-mère.
— Et qu'est-ce que vous voulez que je fasse d'une boite de boutons ? S'exaspéra Édouard.
— Oh tu n'en feras rien. Il y en mille. Et à partir de ce jour et pour les mille jours qui viennent tu devras en enterrer un à un dans ton jardin. Et cela à chaque jour. Un jour, un bouton.
— Parce que vous pensez vraiment que je n'ai que ça à faire ?
— Oh crois-moi, jeune insolent. Tu le feras. Parce que si tu ne le fais pas. Alors tu souffriras de mille maux. Car mille sentences t'attendent. Mille jours de douleurs tu vivras.
— C'est n'importe quoi.
— Et quand mille jours auront passé, quand tous les boutons seront en terre alors la malédiction sera rompue. Fais bien attention, choisi bien le lieu des enterrements. N'en n'oublie aucun. Car quand tout sera fini, alors tu devras les déterrer un a un et les ranger à nouveau dans cette boite. Si tu ne le fais pas, tu seras maudit jusqu'à ta mort. Maintenant descend, et montre la boite à ton père.
— Vous n'êtes qu'une vieille folle ! Cria le jeune adolescent.
— Montre la boite à ton père ! Cria la vieille folle dont soudain le visage se stria de mille cernes crevassées.
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L'homme aux mille boutons
Short StoryPetite nouvelle. Petit conte bizarre. Pauvre Édouard car lorsque sa grand mère lui offre une boite à boutons cachée depuis des années dans le grenier, les conséquences seront terribles. Une malédiction affreuse va s'abattre sur lui. Et une épreuve...