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Je cherche des yeux, le coeur battant, une petite tête brune qui pourrait apparaître parmi la cacophonie d'élèves devant la porte. Mais, je ne la vois nulle part. Mes mains sont moites et mon corps me crie à l'aide de l'intérieur. J'ai toujours détesté la rentrée. Le stresse qui monte à l'idée de revoir les autres élèves, les «faux» amis avec lesquels j'ai cessez toute communication pendant l'été. Je stresse à l'idée aussi de me retrouver toute seule dans une classe remplie d'inconnues. Pourvu que je sois dans la même classe que Mila ! Mais où est-ce qu'elle est, bordel ?!
Pourquoi est-ce qu'elle me laisse toute seule avec ces...gens ? Je scrupte attentivement le chemin qu'elle a l'habitude de prendre et je tombe sur les yeux de Tiffany, une amie d'enfance. Nos mères se connaissent.
Elle s'approche timidement avec ses skinny troués aux genoux et son t-shirt de Nirvana.
-Salut, Elena, elle sourit. Tu as l'air totalement changé.
Je fronce les sourcils.
-Ah bon ? En bien, j'espère.
-Oui. Tu as minci, on dirait tu as pris plus de muscles. Tu t'es entraînée pendant les vacances ?
-Pas du tout. J'ai juste lu et écris quelques articles pour le journal de ma mère.
Elle hausse les sourcils, impressionnée.
-Elle tient toujours son blog, alors.
-Oui. Et comment va ta mère ?
-Très bien, elle arrête pas de me demander pour toi.
-Ma mère aussi, à propos de toi. Passe-lui un salut de ma part.
Elle hoche la tête.
-D'accord.
Et plus personne ne parle. Je rougis, le mal à l'aise me ronge le visage. Le silence se répand dans notre drôle de conversation.
Tout en me faisant signe de la main, elle disparaît parmi les élèves.
Fiouf.
Il y a eu une époque où Tiffany et moi étions meilleures copines. On était toujours fourré chez l'une ou chez l'autre, à parler pendant des heures. Elle était plus jeune de trois ans et je lui apprenais des choses sur les garçons, elle me regardait attentivement, les coudes appuyés sur le bureau de ma chambre, les yeux brillants. Sa mère a déménagé et on s'est perdue de vue, jusqu'au jour où je l'ai vu devant la porte de l'école. J'ai cru qu'elle était venue me rendre visite, mais, en fait, elle prenait des cours. J'ai vraiment cru qu'en fréquentant la même école ça nous uniraient encore une fois, mais ça n'a pas été le cas. Et puis, j'ai fait la connaissance de Mila tout de suite après. La meilleure rencontre de ma vie. Elle a surgit de nulle part avec son air de fille intello, ses grosses lunettes au bout du nez, ses joués bourrés d'acné et ses broches collés aux dents...elle ne laissait personne s'en dissuader. Je la vois encore s'approcher de moi maladroitement, ses cahiers à la main, me demandant où se trouvait la classe de philosophie. Je place ma main sur mes lèvres pour ne pas exploser de rire. Heureusement que Mila n'est plus comme ça. Elle n'est même plus l'ombre de ce qu'elle était !
Oh, justement en parlant du loup, je vois une belle brunette s'avançer au loin. Mon coeur fait un bond d'allégresse et je manque de courrir pour lui sauter au cou.
J'hausse les sourcils en l'apercevant de plus près ; elle s'est énormément metamorphosé pendant ses longs deux mois sans la voir. C'est peut-être moi qui ne se souvient plus de son visage ? Elle n'a plus ses joues gonflées que je prenais un malin plaisir à lui pincer, ni ce petit bout de ventre qui dépassait de sa chemise, ni ses jambes grassouillettes, maintenant elles sont fines et j'ai l'impression qu'elles ont élargies. Comment est-ce possible ? Ouais, c'est vrai comment est-ce possible qu'elle ait changé autant en si peu de temps ?
Quelqu'un s'accroche à moi. Je suis tellement sous le choc de ce changement si ...changé de ma meilleure amie, que je ne me rends pas compte que c'est elle qui est entrain de me donner un câlin.
-Elena ! Tu m'as tellement manqué !
Sa voix, elle, au moins, n'a pas changé. Elle est chaleureuse, presque musicale, comme à son habitude.
-Oh, Mila ! je lui dit en lui redonnant son câlin.
Pendant un instant, je me sens tellement bien dans ses bras que j'oublie complètement la rentrée. Je réalise à ce moment à quel point elle m'a terriblement manqué. Je me sens comme un petit poussin avec sa maman poule qui le réchauffe. Quel bel exemple que tu donnes, Elena ! Je roule des yeux intérieurement face à ma conscience qui me ridiculise à chaque fois. Mais, je suis de nouveau prise par la nostalgie de me retrouver auprès de mon amie, elle qui était à des milliers de kilomètres il n'y a même pas 24 heures.  Je humecte l'odeur fleuri de sa chevelure en fermant les yeux. Si on ne se sépare pas dans une minute, je crois que je vais fondre en larmes. Alors, visualisant un chronomètre devant mon front, je me décolle de mon amie, comme promis.
Wouah. Elle est vraiment encore plus belle de proche. C'est fou.
-Mila, tu es...ravissante. J'ai failli ne pas te reconnaître.
Elle sourit de toutes ses dents. Comment ses dents peuvent être si blanches ?
-Dis-donc toi, les vacances t'ont fait du bien, à ce que je vois. Tu es encore plus belle que quand je t'ai laissé à l'aéroport. Tu as fait un régime ?
Je la regarde surprise et je finis par exploser de rire.
-Moi, un régime ? C'est plutôt à moi de te demander ça.
Elle me prend par le bras de manière spontannée et nous nous mettons à marcher vers la porte d'entrée de l'école.
-Oui, j'en ai fait. Maintenant, je mange plus équilibré.
J'hausse les sourcils, l'air d'approuver.
-Et ton voyage en Colombie, ça été ?
Une focette se fait apparaître dans sa joue gauche.
-Oui, même plus. (Elle se met à regarder le ciel en clignant plusieurs fois des yeux de façon théâtrale, ce qui nous fait rire.) J'ai connu un garçon là-bas.
-Oh. Il s'appelle comment ?
-Roméo Valentin. On s'est connu dans une fête foraine. Il m'a invité à manger, j'ai accepté et on ne sait plus laché de toutes les vacances.
Nous nous arrêtons devant la porte.
-Tu lui parles toujours ?
-Toujours. (Elle contourne des yeux le bâtiment à trois étages et me dévisage d'une air tristounet) J'ai pas envie d'y retourner.
Elle fait la moue. Moi, ça me fait bien rire.
-Qui a envie d'y retourner ? je siffle entre mes dents.
-Oh, j'oubliais !
Elle bondit en faisant les gros yeux, fouille dans son sac à main Michael Kors et sort une petite boîte couleur crème de la grosseur de la paume d'une main et me le tend.
-C'est pour toi. Ouvre-le.
Elle est toute sourire et ça me fait sincèrement du bien de la voir ainsi. La dernière fois que je l'ai vu, c'était à l'aéroport, elle était morvé de larmes.

Elle insiste en secouant la petie boîte. Je la lui prends des mains même si j'ai envie de la fusiller du regard. Elle est la mieux placé pour savoir à quel point je déteste lorsqu'on dépense pour moi. Je me sens tout d'un coup mal à l'aise. Je ne peux pas l'accepter.
Elle m'encourage à l'ouvrir d'un signe de main, devinant mon inconfort.
-S'il te plaît, ouvre-le. Je te l'ai acheté avec beaucoup d'amour.
Je soupire et...non je ne l'ouvre pas tout de suite, je soupire encore une fois, je finis par obéir et je tombe sur un magnifique pendatif en or sur lequel il était marqué Elena en lettres attachées. Je fonds tout de suite.
-Mila, c'est magnifique. Merci.
Je continue à admirer ce petit bijou lorsqu'elle se place derrière moi. Elle me tend sa main sur le côté de ma tête et je lui donne le collier. Habilement, elle me l'attache autour du cou.
-Comme ça tu ne pourras plus me le redonner, plaisante Mila.
Elle se place devant moi d'un coup pour admirer son oeuvre.
-Wow, ça te va divinement bien. Je le savais, je ne me trompe jamais dans mes achats.
Mon sourire timide s'élargit jusqu'à mes joues.
Mila sourit comme une petite fille toute heureuse. Je ne comprends pas, c'est moi qui devrait sourire. C'est moi qui a reçu le cadeau. Et soudain je comprends. La cause de ce sourire à un prénom et un nom : Roméo Valentin. Elle est en pleine face d'aveuglement amoureux. Ça existe, la connerie que tu viens de dire ? Ma conscience roule des yeux sévèrement. Mais j'ai fait quoi encore ?
Tout d'un coup, je vois Mila sérieuse. Elle est même en état de choc. Ses yeux ronds regardent quelque chose derrière moi.
-Qu'est-ce qu'il y a Mila ?
Elle cligne des yeux et me regarde enfin.
-Pourquoi tu as cet air-là ?
-Quel air? Je n'ai rien.
-On dirait que  tu viens de voir un mort.
-Hein? Non pas du tout.
Elle rie. Elle rie nerveusement en plaçant une mèche de cheveux derrière son oreille. C'est une tactique qu'elle a lorsqu'elle me cache quelque chose. Cette fois je me retourne d'un bond.
-Non, Elena, ne regarde pas !
Elle a raison. Je ne dois pas regarder ça. Je ne devais pas le faire. Alors pourquoi je suis incapable d'arrêter de les observer ? Lui et cette fille entrain de s'embrasser ? Sa bouche sur sa bouche. Ses mains sur ses mains.
Lui et elle.
Lui et elle.
Nicola et Wendy.
Ensemble.

Je sens mes jambes trembler, mon âme se déconnecter de mon corps et puis tout devient lent et flou. Je ne me souviens plus de rien, uniquement le cri étouffé de Mila qui a laché un juron. À part ça, c'est le noir totale.

                                   *

Mr. GalianoOù les histoires vivent. Découvrez maintenant